Don de sang

Décision de justice
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Le Conseil d’État se prononce sur la modification des contre-indications au don de sang liées au comportement sexuel des donneurs

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L’Essentiel :

•    Par un arrêté du 5 avril 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé a fixé les critères de sélection des donneurs de sang. Cet arrêté prévoit une liste de contre-indications au don de sang en raison des risques pour le donneur ou pour le receveur. Il abroge en particulier des dispositions antérieures qui prévoyaient une contre-indication permanente pour tout homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme et y substitue, pour un don de sang total, une contre-indication de 12 mois après le dernier rapport sexuel.

•    Un particulier a demandé au Conseil d’État d’annuler cette disposition de l’arrêté. Les associations Mousse, Stop Homophobie, Comité Idaho France et Élus locaux contre le SIDA ont demandé au ministre des solidarités et de la santé d’abroger cette disposition. Cette demande a été rejetée par une décision du 9 août 2017 du ministre des solidarités et de la santé. Elles ont donc attaqué ce refus devant le Conseil d’État.

•    Par la décision de ce jour, le Conseil d’État, qui a traité ensemble ces recours, rejette leur demande.

Les faits et la procédure :

Par un arrêté du 5 avril 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé a fixé les critères de sélection des donneurs de sang, en prévoyant un ajournement du candidat s’il présente une contre-indication, décelée lors de l’entretien préalable au don.

Au nombre des contre-indications figure, pour les hommes, une contre-indication au don de sang d’une durée de douze mois après le dernier rapport sexuel avec un autre homme, en raison du risque d’exposition à un agent infectieux transmissible par voie sexuelle. L’arrêté abroge ainsi des dispositions antérieures qui prévoyaient une contre-indication permanente pour tout homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme.

L’arrêté prévoit également pour un don de plasma par aphérèse pour plasma sécurisé par quarantaine, une contre-indication de quatre mois après la fin d’une situation de rapports sexuels avec plus d’un partenaire masculin au cours d’une période de quatre mois, qui est de même durée que la contre-indication, pour tout type de don, en cas de rapports sexuels avec plus d’un partenaire du sexe opposé.

Un particulier a demandé au Conseil d’État d’annuler cette disposition de l’arrêté et les associations Mousse, Stop Homophobie, Comité Idaho France et Elus locaux contre le SIDA ont demandé l’annulation de la décision du 9 août 2017 du ministre des solidarités et de la santé rejetant leur demande d’abrogation de cette disposition de l’arrêté.

La décision de ce jour : 

Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rappelle que le ministre de la santé doit prendre toutes les mesures de précaution dans la détermination des contre-indications au don de sang afin de réduire au minimum le risque de transmission d’une maladie infectieuse. Il estime en effet que compte tenu de la gravité des conséquences d’une telle transmission à un patient faisant l’objet d’une transfusion et de la nécessité de préserver le lien de confiance entre donneurs et receveurs sur lequel repose l’organisation de la collecte du sang et de la transfusion sanguine, les autorités sanitaires doivent privilégier les mesures les mieux à même de protéger la sécurité des receveurs lorsque les données scientifiques et épidémiologiques disponibles ne permettent pas d’écarter l’existence d’un risque.

Le Conseil d’État confirme ainsi qu’une sélection des donneurs est possible, à condition toutefois que cette sélection soit effectuée en fonction de critères objectifs liés à l’exposition au risque des donneurs pour éviter des discriminations à l’encontre de certains candidats au don.

Après avoir rappelé ces principes, le Conseil d’État relève que selon les travaux de l’Institut de veille sanitaire, la prévalence de porteurs du VIH est environ 70 fois supérieure chez les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes que celle constatée au sein de la population hétérosexuelle et que la proportion de personnes nouvellement contaminées au cours de l’année 2012 était 115 fois supérieure chez ces hommes que dans la population hétérosexuelle. En outre, 62 % des donneurs réguliers dont le don a été trouvé contaminé par le VIH, en dépit d’une sérologie auparavant négative, étaient des hommes ayant eu des relations sexuelles entre hommes, qui n’avaient pas respecté la contre-indication existante. De plus, il existe une période pendant laquelle une personne peut avoir été contaminée par le VIH sans que le virus puisse être détecté, même par les tests de dépistage les plus efficaces. A partir d’études menées au Canada et en Australie sur le respect des contre-indications existant dans ces pays, il est estimé que la contre-indication de douze mois, si elle était adoptée en France, conduirait à un risque transfusionnel similaire à l’existant (un don contaminé sur 3.45 millions). Le Conseil d’État constate qu’il n’existe pas de données permettant d’apprécier les incidences d’une contre-indication plus courte. Il note d’ailleurs que la moitié des dix États membres de l’Union européenne ayant cessé de prévoir une contre-indication permanente ont retenu une approche similaire, tandis que les autres ont une approche plus restrictive. Enfin, il relève que les nouvelles conditions de don de sang permettront aux autorités sanitaires de disposer d’éléments d’appréciation supplémentaires dans la perspective d’une possible évolution des critères de sélection.

Il conclut qu’au regard tant de la gravité du risque que des mesures pouvant être raisonnablement mises en œuvre et de l’absence de données permettant d’apprécier l’incidence d’une contre-indication d’une durée plus courte sur le risque transfusionnel lié au VIH comme à d’autres infections sexuellement transmissibles, le ministre des affaires sociales et de la santé s’est fondé non sur l’orientation sexuelle mais sur le comportement sexuel et n’a pas adopté une mesure discriminatoire illégale. 

Par suite, le Conseil d’État rejette les requêtes.