Base de jurisprudence


Analyse n° 433301
6 décembre 2021
Conseil d'État

N° 433301
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 6 décembre 2021



15-05-01-03 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des capitaux-

Retenue à la source sur les dividendes versés à une société non-résidente (2. de l'art. 119 bis du CGI) induisant une charge fiscale différente de celle d'un résident en situation comparable - 1) Compatibilité avec la liberté de circulation des capitaux - Existence, dans la mesure de la charge fiscale du résident - 2) Cas d'un organisme de retraite non-résident imposé à 15 % comme un organisme de retraite résident comparable - a) Compatibilité avec la liberté de circulation des capitaux - Existence - b) Règle de taux appliquée - Taux applicable aux non-résidents (art. 187 du CGI) - Absence - Taux applicable aux résidents (art. 219 bis du CGI) - Existence - c) Base légale de l'impôt.




1) Lorsqu'un contribuable non-résident conteste, au regard de la libre circulation des capitaux, l'imposition à laquelle il a été assujetti sur ses revenus de source française, il convient de comparer la charge fiscale supportée respectivement par ce contribuable et un contribuable résident de France placé dans une situation comparable. Lorsqu'il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement. 2) Organisme de retraite non-résident ayant été effectivement imposé au taux de 15 % sur les dividendes de source française qu'il a perçus, à l'instar des organismes de retraite français comparables sur le fondement du 2° de l'article 219 bis du code général des impôts (CGI). a) Cet organisme de retraite non-résident n'a pas été soumis à un traitement défavorable par rapport à un organisme de retraite établi en France imposé, sur les dividendes qu'il perçoit, en vertu du 5 de l'article 206 et du 2° de l'article 219 bis de ce code. Par suite, il ne peut se prévaloir d'aucun traitement discriminatoire, incompatible avec la libre circulation des capitaux. b) Le moyen tiré de ce que l'article 187 du CGI méconnaitrait la libre circulation des capitaux en ce qu'il prévoit un taux de retenue à la source de 30 % sur les dividendes de source française perçus par une personne morale établie dans un Etat tiers et que cette incompatibilité devrait conduire à la décharge totale de la retenue à la source en litige est inopérant dès lors que l'organisme de retraite non résident a été imposé au taux prévu au 2° de l'article 219 bis du CGI pour les organismes de retraite français, pour satisfaire aux exigences de la libre circulation des capitaux. c) L'imposition en litige résulte de l'application du 2 de l'article 119 bis du CGI et de la règle énoncée au 1).





19-01-01-05 : Contributions et taxes- Généralités- Textes fiscaux- Conventions internationales-

Convention franco-coréenne du 19 juin 1979 - Clause de non-discrimination selon la nationalité (art. 24, 1) - Caisses de retraite établies à l'étranger et en France - Différence de situation justifiant une différence de traitement, eu égard notamment aux bénéfices que les assurés français peuvent en retirer (1).




Pour l'application du 1 de l'article 24 de la convention fiscale du 19 juin 1979 entre la France et la Corée, une caisse de retraite gérant un régime obligatoire d'assurance vieillesse établie en Corée ne se trouve pas dans la même situation qu'une caisse de retraite gérant un régime obligatoire d'assurance vieillesse établie en France, eu égard notamment aux bénéfices que les assurés français peuvent en retirer.





19-04-01-04-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Personnes morales et bénéfices imposables-

Inclusion, au taux de 15 % (art. 219 bis du CGI) - Dividendes de source française perçus par une caisse de retraite, même s'ils sont affectés à la réalisation de son activité (2).




Il résulte du 5 de l'article 206 et de l'article 219 bis du code général des impôts (CGI), issus de l'article 34 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, qu'un organisme sans but lucratif établi en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison de dividendes de source française au taux de 15 %, sauf si ces revenus sont soumis à la retenue à la source visée à l'article 119 bis du CGI. Ces dispositions sont applicables y compris lorsque les dividendes qu'il perçoit, qui ne peuvent être regardés comme découlant directement de la réalisation même de son activité, seraient ultérieurement affectés à la réalisation de celle-ci et permettraient à l'organisme de disposer des ressources nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Par suite, les organismes établis en France dont l'objet est de servir des pensions de retraite, tels que la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) ou l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) sont également soumis à une imposition de 15 % pour les revenus tirés des placements de leurs fonds.





19-04-01-04-02 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Exonérations-

Exonération, pour leurs dividendes, des fondations reconnues d'utilité publique (3) - 1) Inclusion - Organisme sans but lucratif établi hors de France placé dans une situation comparable - 2) Exclusion - Caisse de retraite étrangère, faute d'affectation irrévocable de ses ressources à son activité.




Il résulte de l'article 206 du code général des impôts (CGI) que les fondations reconnues d'utilité publique sont exonérées de l'impôt sur les sociétés pour les revenus qu'elles tirent de la perception de dividendes. 1) Cette exonération étant applicable aux fondations reconnues d'utilité publique à raison du caractère non lucratif de leur activité et non d'une charge d'intérêt général qui pèserait sur les seules fondations résidentes de France, elle ne saurait être refusée à des organismes similaires établis hors de France qu'à raison de l'existence d'une différence de situation objective entre les organismes français et ceux de l'Etat de résidence, sauf à méconnaître la libre circulation des capitaux. Peut ainsi bénéficier de ce régime un organisme établi à l'étranger qui établit que, à l'instar d'une fondation reconnue d'utilité publique établie en France, sa gestion présente un caractère désintéressé, qu'il affecte de manière irrévocable ses biens, droits ou ressources à la réalisation d'activités d'intérêt général et à but non lucratif, qu'il est soumis au contrôle des autorités publiques de son Etat d'établissement et qu'il est administré par un organe collégial dont la composition reflète les particularités propres à cet organisme et assure une présence suffisante de représentants qualifiés de l'intérêt général. 2) Caisse de retraite étrangère exerçant une activité d'assurance pour laquelle elle perçoit des cotisations et reverse des pensions à ses assurés. Par suite, elle ne peut être regardée comme affectant de façon irrévocable ses ressources à son activité. Dans ces conditions, elle ne saurait bénéficier de l'exonération prévue en faveur des fondations reconnues d'utilité publique établies en France.


(1) Comp., s'agissant des sociétés commerciales, Cass. plén., 21 décembre 1990, DGI c/ SA Roval, n° 88-15.744, Bull. Ass. Plén. n° 12 ; CE, 16 décembre 1991, SA "Ressources Management Corporation", n° 54611, T. pp. 804-848 ; CE, 17 janvier 1996, SA Nike, n° 120646, p. 2 ; s'agissant de musées, CE, 5 juillet 2010, Pinacothèque d'Athènes, n° 309693, p. 243. (5) Rappr., écartant la loi française en tant seulement qu'elle n'autorise pas l'application au contribuable étranger des règles plus favorables réservées aux contribuables français, CE, 22 novembre 2019, SAEM de gestion du Port Vauban, n° 423698, T. pp. 620-690 ; procédant à la comparaison concrète des charges fiscales, CE, 11 décembre 2020, M. et Mme , n° 434038, T. pp. 646-714. (2) Comp., antérieurement à la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, s'agissant d'une association à but non lucratif chargée notamment de collecter la participation des employeurs à l'effort de construction, CE, Section, 12 février 1988, Comité intercoopératif et interprofessionnel du logement, n° 50368, p. 57 ; s'agissant d'une caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), CE, Plénière, 4 juillet 2014, Caisse de règlements pécuniaires des avocats aux barreaux de Lyon et de l'Ardèche (CARPA), n° 361316, p. 207. (3) Cf., s'agissant du champ de cette exonération et des caractéristiques dont un organisme établi hors de France doit justifier pour en bénéficier, CE, 7 juin 2017, Fondation Jean et Lili Delaby, n° 389927, T. p. 574.