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Ariane Web: Conseil d'État 388830, lecture du 9 novembre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:388830.20161109

Décision n° 388830
9 novembre 2016
Conseil d'État

N° 388830
ECLI:FR:CECHR:2016:388830.20161109
Publié au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Arno Klarsfeld, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 9 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 11013546-11013547 du 19 décembre 2014 la Cour nationale du droit d'asile a annulé les décisions du 23 mai 2011 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui avaient rejeté les demandes d'asile présentées par M. A...B...et par son épouse et refusé de leur reconnaître la qualité de réfugié et de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et des nouvelles observations enregistrés les 19 mars 2015, 19 juin 2015, 23 décembre 2015 et 12 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision du 19 décembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile en tant qu'elle concerne M.B... ;

2°) de renvoyer l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A...B...;



Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 mai 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé à M.B..., de nationalité rwandaise, la qualité de réfugié. Devant la Cour nationale du droit d'asile, M. B... s'était prévalu, pour la première fois, pour justifier de ses craintes de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, de son appartenance aux forces armées rwandaises pendant les premiers jours des massacres des populations tutsies ainsi que du témoignage qu'il avait fait, le 18 novembre 2008, devant le tribunal pénal international pour le Rwanda, en faveur d'un militaire condamné pour sa participation à ce génocide. Par une décision en date du 19 décembre 2014, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation en tant qu'elle concerne MB..., la Cour nationale du droit d'asile a reconnu la qualité de réfugié à M. B...en jugeant, d'une part, qu'il pouvait craindre d'être persécuté, du fait de ses opinions politiques, en cas de retour au Rwanda, et, d'autre part, qu'il n'y avait pas de raisons sérieuses de penser qu'il se serait rendu coupable d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité.

2. Aux termes des stipulations du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considéré comme réfugié toute personne qui " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays " et aux termes de celles de l'article 1 F de la même convention, " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ; c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. ".

3. Il ressort des énonciations non contestées sur ce point de l'arrêt que M. B..., officier de l'armée rwandaise, " a évolué à Kigali au sein de son unité militaire, au moins du 15 avril au 15 mai 1994 ", lors " des massacres génocidaires de masse " des populations tutsies et qu'il avait ainsi des fonctions de commandement au sein d'une unité impliquée dans le génocide. Il ressort également des énonciations non contestées de l'arrêt qu'il a dissimulé à l'OFPRA puis à la cour elle-même, dans un premier temps, la réalité de sa situation militaire et qu'il a ensuite refusé de donner son numéro de matricule militaire avant, finalement, de le révéler à l'audience. En jugeant, au vu de ces éléments, qu'il n'y avait pas de raisons sérieuses de penser que M.B..., se serait rendu coupable, comme auteur ou complice, à titre personnel, d'un des agissements visés à l'article 1er F de la Convention de Genève de ces éléments, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne M.B....



D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 décembre 2014 est annulée en tant qu'elle concerne M.B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Monsieur A...B....




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