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Ariane Web: Conseil d'État 389642, lecture du 16 décembre 2016, ECLI:FR:CESEC:2016:389642.20161216

Décision n° 389642
16 décembre 2016
Conseil d'État

N° 389642
ECLI:FR:CESEC:2016:389642.20161216
Publié au recueil Lebon
Section
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public
DELAMARRE, avocats


Lecture du vendredi 16 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 26 août 2013 par laquelle la caisse d'allocations familiales de l'Yonne lui a notifié un indu de prime exceptionnelle de fin d'année 2012 et, d'autre part, d'ordonner la décharge de la somme ainsi mise à sa charge ainsi que son remboursement. Par un jugement n° 1401531 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 26 août 2013 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril et 8 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Yonne la somme de 3 000 euros à verser à Me Delamarre, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2012-1468 du 27 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de Mme A...;


Considérant ce qui suit :

1 Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 26 août 2013, la caisse d'allocations familiales de l'Yonne a mis à la charge de Mme A... un indu d'un montant de 274,41 euros, au motif qu'elle ne pouvait prétendre au bénéfice de l'aide exceptionnelle de fin d'année qu'elle avait perçue au titre de 2012. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Dijon de conclusions tendant à l'annulation de cette décision, à la décharge de la somme correspondante et au remboursement par la caisse de cette somme, qui avait déjà été recouvrée à la date d'introduction de sa requête. Par un jugement du 4 décembre 2014, le tribunal a annulé la décision de récupération de l'indu mais rejeté ses conclusions tendant à la décharge et au remboursement de la somme recouvrée. Mme A...se pourvoit en cassation contre l'article 2 de ce jugement, qui rejette ces dernières conclusions.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne à l'allocation de revenu de solidarité active ou à l'aide exceptionnelle de fin d'année, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette allocation ou à cette aide qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé sur lesquels l'administration s'est prononcée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il appartient au juge administratif d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l'intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s'il ne peut y procéder, de renvoyer l'intéressé devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement.

3. Lorsque, en revanche, le recours dont il est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu de revenu de solidarité active ou d'aide exceptionnelle de fin d'année, il entre dans l'office du juge d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. Il lui appartient, s'il y a lieu, d'annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l'exercice de son office, de régler le litige.

4. En cas d'annulation par le juge de la décision ordonnant la récupération de l'indu, il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Lorsque tout ou partie de l'indu d'allocation de revenu de solidarité active ou d'aide exceptionnelle de fin d'année a été recouvré avant que le caractère suspensif du recours n'y fasse obstacle, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de forme ou de procédure.

5. Par suite, Mme A...est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit en jugeant que l'annulation de la décision du 26 août 2013, pour un vice de forme, impliquait seulement que la caisse d'allocations familiales prenne une nouvelle décision et en rejetant, pour ce motif, ses conclusions tendant au remboursement de la somme litigieuse.

6. En revanche, les conclusions de Mme A...tendant à la décharge de la somme en litige ne pouvaient avoir d'autre effet utile que d'imposer à la caisse d'allocations familiales de lui rembourser cette somme. Par suite, la requérante ne saurait faire grief au tribunal d'avoir regardé ces conclusions comme dépourvues d'objet, dès lors qu'il a, en tout état de cause, statué sur ses conclusions tendant au remboursement de cette somme.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2014 doit être annulé en tant seulement qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui rembourser la somme en litige.

8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle, en tout état de cause, à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Yonne, qui n'est pas partie à la procédure et n'a été appelée en la cause que pour produire des observations.


D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2014 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant au remboursement de la somme en litige.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Dijon.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée Mme B...A...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de l'Yonne.


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