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Ariane Web: Conseil d'État 394172, lecture du 30 janvier 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:394172.20170130

Décision n° 394172
30 janvier 2017
Conseil d'État

N° 394172
ECLI:FR:CECHR:2017:394172.20170130
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 30 janvier 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires, enregistrés les 21 octobre et 1er décembre 2015, 23 mars et 16 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 juillet 2015 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités albanaises ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lyon-Caen et Thiriez, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 janvier 2017, présentée par M. A...;




1. Considérant que, par décret du 9 juillet 2015, le Premier ministre a accordé aux autorités albanaises l'extradition de M. B...A..., ressortissant albanais, sur le fondement d'une décision de placement en détention provisoire prononcée le 10 septembre 2013 par le tribunal de Kurbin, aux fins de poursuites de faits qualifiés d'assassinat en d'autres circonstances qualifiantes et fabrication et détention non autorisées d'armes militaires et de munitions ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose les objectifs de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou pour les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et qui établit qu'elle est menacée dans son pays de la peine de mort, de tortures ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou qu'elle est exposée, s'agissant d'un civil, à une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ; qu'en vertu de l'article L. 712-3 du même code, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut mettre fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l'octroi de cette protection ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle a été pris le décret accordant l'extradition aux autorités albanaises de M. B...A..., ce dernier bénéficiait de la protection subsidiaire qui lui avait été accordée, sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 février 2014, devenue définitive ;

4. Considérant que les principes généraux du droit de l'extradition font obstacle à ce qu'une personne bénéficiant de la protection subsidiaire puisse faire l'objet, aussi longtemps qu'il n'a pas été mis fin à cette protection, d'une extradition vers son pays d'origine ; qu'ainsi, et alors qu'il appartenait au Gouvernement, s'il s'y croyait fondé, de demander à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de mettre fin à la protection subsidiaire dont bénéficiait M. B...A..., cette protection faisait obstacle à ce que soit légalement pris le décret accordant son extradition aux autorités de son pays d'origine ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...A...est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 9 juillet 2015 accordant son extradition aux autorités albanaises ;

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 9 juillet 2015 accordant l'extradition de M. B...A...aux autorités albanaises est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M.A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.


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