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Ariane Web: Conseil d'État 405448, lecture du 23 mai 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:405448.20180523

Décision n° 405448
23 mai 2018
Conseil d'État

N° 405448
ECLI:FR:CECHR:2018:405448.20180523
Publié au recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP BOULLEZ ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du mercredi 23 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner Pôle emploi à lui verser une indemnité d'un montant de 28 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes que Pôle emploi aurait commises dans la gestion de son dossier d'allocation de solidarité spécifique. Par un jugement n° 1502054 du 26 mai 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2016 et 28 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Boré, Salve de Bruneton, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2001 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de Mme A...B...et à la SCP Boullez, avocat de Pôle emploi.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par courrier du 11 mai 2012, le directeur de Pôle emploi Centre a réclamé à Mme B... le remboursement d'un trop-perçu d'allocation de solidarité spécifique, d'un montant de 13 606,57 euros, pour la période allant du 1er octobre 2009 au 10 mars 2012. Par un jugement du 27 mars 2014, devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande par laquelle Mme B...contestait le bien-fondé de cet indu. Après le rejet, par une décision explicite de Pôle emploi du 8 septembre 2014, de la réclamation indemnitaire préalable qu'elle lui avait adressée, Mme B... a demandé au même tribunal la condamnation de Pôle emploi à lui verser une indemnité d'un montant de 28 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes que ses services auraient commises dans la gestion de son dossier. Par un jugement du 26 mai 2016, contre lequel Mme B...se pourvoit en cassation, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir informé Mme B... qu'il était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que ses conclusions indemnitaires étaient mal dirigées, a rejeté la demande de Mme B....

2. Aux termes de l'article L. 5312-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui a notamment pour mission de : " 4° Assurer (...) pour le compte de l'État ou du Fonds de solidarité prévu à l'article L. 5423-24, le service des allocations de solidarité prévues à la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la présente partie (...) ", parmi lesquelles figure l'allocation de solidarité spécifique. L'article L. 5423-24 du code du travail, alors en vigueur, prévoit que le Fonds de solidarité, qui est un établissement public à caractère administratif, gère les moyens de financement, notamment, de l'allocation de solidarité spécifique, destinés à être reversés, en vertu du 2° de l'article L. 5312-7 du même code, à la section " solidarité " du budget de Pôle emploi, dédiée au financement des allocations et aides servies pour le compte de l'État ou du Fonds de solidarité et équilibrée par une contribution de l'État et de ce fonds.

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque Pôle emploi assure le service des allocations de solidarité, telles que l'allocation de solidarité spécifique, mentionnées au 4° de l'article L. 5312-1 du code du travail, cette institution agit au nom et pour le compte de l'État. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Orléans, les fautes qu'elle pourrait commettre à cette occasion, sauf à être détachables, sont de nature à engager non sa responsabilité mais celle de l'État.

4. Toutefois, aux termes de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable et désormais repris aux articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé. / Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie. (...) ". En vertu de l'article 21 de la même loi, alors applicable et désormais repris sur ce point à l'article L. 231-4 du même code, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret.

5. Lorsqu'un organisme de droit public ou un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public est chargé du service de prestations au nom et pour le compte de l'Etat, une réclamation préalable adressée à cet organisme en vue d'obtenir la réparation des préjudices nés de fautes commises dans le service d'une telle prestation doit, en principe, être regardée comme adressée à la fois à cet organisme et à l'État, lequel, en l'absence de décision expresse de sa part, est réputé l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de réception de la demande par l'organisme saisi, alors même que ce dernier l'aurait également rejetée au titre de sa responsabilité propre.

6. En outre, dans une telle hypothèse, il appartient au juge administratif, saisi d'une action indemnitaire après le rejet d'une telle réclamation préalable, de regarder les conclusions du requérant tendant à l'obtention de dommages et intérêts en réparation de fautes commises par les services de l'organisme chargé du service des prestations au nom et pour le compte de l'État comme également dirigées contre ce dernier et de communiquer la requête tant à cet organisme qu'à l'autorité compétente au sein de l'État.

7. Par suite, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit en rejetant les conclusions de MmeB..., tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par les services de Pôle emploi dans la gestion, au nom et pour le compte de l'Etat, de son dossier d'allocation de solidarité spécifique, au motif qu'elles avaient été dirigées contre Pôle emploi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander pour cette raison l'annulation du jugement qu'elle attaque. Le motif ainsi retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B...présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B...est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à Pôle emploi et à la ministre du travail.


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