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Ariane Web: Conseil d'État 426283, lecture du 12 février 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:426283.20200212

Décision n° 426283
12 février 2020
Conseil d'État

N° 426283
ECLI:FR:CECHS:2020:426283.20200212
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BOUTET-HOURDEAUX, avocats


Lecture du mercredi 12 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 20 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié et de maintenir la reconnaissance de ce statut.

Par une décision n° 18003500 du 10 octobre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et a rétabli la reconnaissance à Mme B... du statut de réfugié.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme A... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, pour retirer à Mme A..., de nationalité russe et d'origine ingouche, la qualité de réfugié qui lui avait été reconnue le 31 mai 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a fait application du 1° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat (...) ".

2. Pour juger qu'il n'existait pas de raisons sérieuses de penser que la présence en France de Mme A... représente une menace grave pour la sûreté de l'Etat, la Cour nationale du droit d'asile s'est notamment fondée sur la circonstance que les propos faisant l'apologie du terrorisme susceptibles de lui être attribués n'avaient été pas été tenus publiquement et a estimé que les éléments invoqués par l'OFPRA, relatifs en particulier à l'existence de poursuites dont elle ferait l'objet en Ukraine pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ne pouvaient être tenus pour établis, l'intéressée ayant déclaré s'être rendue librement au commissariat et en être sortie libre. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la circonstance que les prises de position de Mme A... n'avaient pas été publiques ne conduisait pas à ne pas en tenir compte dans l'appréciation de la menace pour la sûreté de l'Etat qu'elles étaient susceptibles de caractériser et, d'autre part, qu'elle ne pouvait, pour écarter l'existence d'une procédure judiciaire en Ukraine, s'en tenir aux déclarations de l'intéressée sans user de ses pouvoirs d'instruction pour recueillir toutes les informations pertinentes, la cour a commis une erreur de droit.

3. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.


D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 10 octobre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.