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Ariane Web: Conseil d'État 433019, lecture du 8 mars 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:433019.20210308

Décision n° 433019
8 mars 2021
Conseil d'État

N° 433019
ECLI:FR:CECHS:2021:433019.20210308
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT, avocats


Lecture du lundi 8 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société La Maisonnette a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2011 et 2012. Par un jugement n° 1600347 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA01709 du 28 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société La Maisonnette contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 30 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Maisonnette demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme B... A..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société La Maisonnette ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit suisse La Maisonnette est propriétaire de la villa " Casetta Rossa " située à Saint-Jean-Cap-Ferrat qui est donnée en location à un associé. Au titre des années 2011 et 2012, la société La Maisonnette a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que le loyer annuel de 120 000 euros qu'elle avait déclaré était inférieur à la valeur locative réelle de la villa et que cette minoration, qui était constitutive d'un acte anormal de gestion, devait être réintégrée dans ses résultats. Par un jugement du 6 avril 2018 le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société La Maisonnette tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

3. Pour juger que l'administration devait être regardée comme ayant établi que la location pour un montant annuel de 120 000 euros de la villa " Casetta Rossa " était intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale, la cour administrative d'appel, à qui il appartenait de faire application de la règle rappelée au point 2, a retenu qu'il ne résultait pas de l'instruction, notamment des études économiques dont se prévalait la société La Maisonnette, que l'administration aurait fait une inexacte évaluation de sa valeur locative. En statuant ainsi, sans rechercher si l'administration démontrait elle-même que le taux de rendement de 4 % appliqué sur la valeur vénale de la villa pour déterminer sa valeur locative était pertinent, alors qu'il lui incombait d'établir le caractère anormalement bas du loyer consenti et que la société requérante soutenait que ce taux ne correspondait pas au rendement réel d'un immeuble tel que celui qui était en cause, la cour a méconnu les règles applicables en matière de charge de la preuve, et, par suite, entaché son arrêt d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société La Maisonnette est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la société La Maisonnette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la société La Maisonnette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société La Maisonnette et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.