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Décision n° 456578
13 septembre 2021
Conseil d'État

N° 456578
ECLI:FR:CEORD:2021:456578.20210913
Inédit au recueil Lebon



Lecture du lundi 13 septembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... C... et M. D... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du maire de Savigny-sur-Orge de rendre obligatoire la présentation d'un passe sanitaire pour assister à la réunion publique d'information sur la modification du plan local d'urbanisme organisée à la salle des fêtes de la commune le lundi 13 septembre 2021 à 19h30 et d'enjoindre au maire de permettre le libre accès à cette réunion ou, à titre subsidiaire, d'assurer la retransmission en direct de cette réunion ou, à tout le moins, de mettre rapidement à la disposition du public une captation audio-visuelle de cette réunion.

Par une ordonnance n° 2107686 du 10 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a enjoint au maire de Savigny-sur-Orge de permettre aux habitants de la commune d'assister librement à cette réunion publique d'information du lundi 13 septembre 2021, sans que soit exigée la présentation d'un passe sanitaire.

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Savigny-sur-Orge demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande présentée au juge des référés du tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de M. C... et de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- l'ordonnance est mal fondée, comme entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle se fonde sur la circonstance que la réunion organisée le 13 septembre 2021 n'est pas constitutive d'une activité culturelle, sportive, ludique ou festive ;
- le juge des référés a retenu une lecture restrictive des dispositions du décret du 1er juin 2021 alors qu'il devait retenir une lecture plus souple et empirique, liée à l'évolution de la situation sanitaire ;
- la lecture restrictive retenue est contraire à la volonté du législateur et du pouvoir réglementaire ;
- la réunion prévue le 13 septembre 2021 peut s'approcher de la conception d'une activité ludique en ce qu'il s'agit de délivrer des informations relatives au développement urbanistique et environnemental de la commune ;
- le législateur a entendu limiter l'application des dispositions relatives au passe sanitaire aux cas où il est envisagé de mettre en présence un grand nombre de personnes dans un même lieu ;
- la situation sanitaire, au regard de l'épidémie de Covid-19, n'est pas stabilisée dans le département de l'Essonne ;
- subsidiairement, la condition d'urgence n'est pas remplie, s'agissant d'une réunion d'information facultative et pédagogique et alors que la réunion sera diffusée sur le site internet de la commune, et que la mesure contestée ne porte pas d'atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le décret n° 2021-1118 du 26 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il appartient au juge des référés saisi en appel de porter son appréciation sur ce point au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.

2. La commune de Savigny-sur Orge relève appel de l'ordonnance du 10 septembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lui a enjoint de permettre l'accès à la réunion publique d'information sur la modification du plan local d'urbanisme organisée dans la salle des fêtes de la commune le lundi 13 septembre 2021 à 19h30, sans que soit exigée la présentation du passe sanitaire.

3. Aux termes du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : (...) / 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / a) Les activités de loisirs ; / b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ; / c) Les foires, séminaires et salons professionnels ; / d) Sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux (...) / e) Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux (...) / f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / Cette réglementation est rendue applicable au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. (...) ".

4. L'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, issu du décret du 7 août 2021, exige que les personnes majeures présentent le résultat d'un examen de dépistage, un justificatif de statut vaccinal ou un certificat de rétablissement pour accéder aux lieux mentionnés au II et III du même article, lesquels incluent notamment " 1° Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l'article R. 143-12 du code de la construction et de l'habitation figurant ci-après, pour les activités culturelles, sportives, ludiques ou festives qu'ils accueillent : / a) Les salles d'auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples, relevant du type L ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'accueil dans les salles d'auditions, de conférences, de réunions ou de spectacles, relevant de la catégorie des établissements recevant du public de type L, ne peut être subordonné à la présentation d'un passe sanitaire que pour les seules activités culturelles, sportives, ludiques ou festives qui s'y déroulent.

5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, la réunion publique d'information sur la modification du plan local d'urbanisme, organisée dans la soirée du 13 septembre 2021 à la salle des fêtes de la commune de Savigny-sur-Orge, ne peut être regardée comme présentant le caractère d'une activité culturelle, sportive, ludique ou festive au sens et pour l'application des dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, issu du décret du 7 août 2021. Il s'ensuit que l'accès à cette réunion ne peut être subordonné à la présentation d'un passe sanitaire sur le fondement des dispositions résultant de la loi du 5 août 2021 et du décret du 7 août 2021, quand bien même la réunion doit se tenir dans une salle relevant de la catégorie des établissements recevant du public de type L. Aucune autre disposition n'investit, par ailleurs, le maire du pouvoir d'exiger la présentation d'un tel document pour accéder à cette réunion.

6. Par suite, la commune de Savigny-sur-Orge n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif, qui au demeurant a relevé que le respect des conditions d'hygiène et de distanciation définies dans le cadre de lutte contre l'épidémie de Covid-19 était de nature à assurer une protection suffisante de la santé publique, aurait, à tort, retenu que la mesure contestée était dépourvue de fondement légal et qu'elle portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et de communication et au droit d'expression collective des idées et des opinions. C'est également à bon droit, eu égard à la date de la réunion, que le juge des référés a retenu que la condition d'urgence était en l'espèce remplie.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Savigny-sur-Orge n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. Il y a lieu de rejeter sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application de l'article L. 522-3 du même code.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la commune de Savigny-sur-Orge est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Savigny-sur-Orge.
Copie en sera adressée à M. B... C..., à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.