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Ariane Web: Conseil d'État 439128, lecture du 10 mai 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:439128.20220510

Décision n° 439128
10 mai 2022
Conseil d'État

N° 439128
ECLI:FR:CECHR:2022:439128.20220510
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Flavie Le Tallec, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public


Lecture du mardi 10 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 26 février 2020 et 14 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Emerainville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1577 du 30 décembre 2019 fixant la liste des communes exemptées de l'application des dispositions des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, en application du III du même article, au titre de la septième période triennale (années 2020, 2021 et 2022), en tant qu'elle ne figure pas sur cette liste.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Emerainville demande l'annulation du décret du 30 décembre 2019 fixant la liste des communes exemptées de l'application des dispositions des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, en tant qu'elle n'est pas mentionnée dans ses annexes qui désignent, pour la période triennale 2019 - 2022, les communes qui sont exemptées de l'obligation d'atteindre un certain pourcentage de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales.

Sur le droit applicable :

2. Le premier alinéa du III de l'article L.302-5 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'un décret fixe, au moins au début de chaque période triennale, la liste des communes appartenant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour lesquelles l'obligation, fixée au I du même article, d'atteindre, selon le cas, 20% ou 25% de logements sociaux dans le parc de résidences principales, ne s'appliquera pas pour la période triennale en question.

3. Aux termes du second alinéa de ce même III, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " la liste des communes est arrêtée sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent, après avis du représentant de l'Etat dans la région et de la commission nationale mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1. Cette liste ne peut porter que sur des communes situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliées aux bassins d'activités et d'emplois par le réseau de transports en commun, dans des conditions définies par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article, ou situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dans laquelle le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social, se situe en-deçà d'un seuil fixé par ce même décret, ou sur des communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 112-6 du code de l'urbanisme ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation résultant de l'application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code ". Il résulte de ces dispositions que, pour être exemptées de leurs obligations en matière de logement social, les communes doivent être proposées comme éligibles à cette exemption par une délibération de l'organe délibérant de l'EPCI auquel elles appartiennent et doivent être ensuite retenues par le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. L'absence de présentation par l'EPCI compétent fait ainsi obstacle à ce que la commune puisse être retenue par ce décret.

4. Pour proposer, à la demande d'une commune lui appartenant, que celle-ci soit exemptée des obligations en matière de logement social pour une période triennale donnée, il appartient à l'EPCI d'apprécier si la commune remplit l'une au moins des trois conditions mentionnées au III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. Toutefois, la seule circonstance que la commune remplit une ou plusieurs de ces conditions d'éligibilité n'impose pas de proposer son exemption, l'EPCI pouvant en effet refuser de faire cette proposition au vu de l'ensemble des intérêts publics en cause, en tenant compte, notamment, de l'importance de la demande de logements locatifs sociaux sur son territoire, du taux de logements sociaux de la commune, de sa politique en matière de réalisation de logements sociaux et de ses performances passées dans l'atteinte de ses objectifs.

5. Enfin, si la délibération par laquelle l'organe compétent d'un EPCI se prononce sur des demandes d'exemption de communes lui appartenant revêt, y compris lorsqu'elle refuse de faire droit à une demande, le caractère d'un acte préparatoire insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, des moyens tirés de sa régularité ou de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de cette délibération, être invoqués devant le juge saisi du décret pris, au titre de la période triennale considérée, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

Sur les conclusions de la requête :

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 20 juin 2019, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Paris - Vallée de la Marne, a refusé de proposer que la commune d'Emerainville soit exemptée des obligations fixées par les articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

7. Il ressort également des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que la commune d'Emerainville remplissait, à la date de cette délibération, la troisième des trois conditions alternatives d'exemption prévues par le III de l'article L.302-5 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que plus de la moitié du territoire urbanisé la commune était soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C du plan d'exposition au bruit de l'aérodrome de Lognes-Emerainville.

8. Par suite, la communauté d'agglomération de Marne la vallée - Val maubuée, venant aux droits de la communauté d'agglomération Paris - Vallée de la Marne, ne faisant état d'aucune circonstance de la nature de celles énumérées au point 4, permettant de justifier que, bien que remplissant une des conditions légales d'exemption, la commune d'Emerainville n'ait pas été proposée pour la période triennale 2019 - 2022, cette dernière est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que ce refus de proposition entache d'illégalité le décret attaqué en tant qu'il ne mentionne pas la commune d'Emerainville.

9. L'exécution de la présente décision implique que la communauté d'agglomération de Marne la vallée - Val maubuée procède au réexamen de la situation de la commune d'Emerainville. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre qu'elle y procède dans un délai de deux mois à compter de la présente décision.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la commune d'Emerainville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le décret n° 2019-1577 du 30 décembre 2019 est annulé en tant qu'il ne mentionne pas la commune d'Emerainville dans la liste des communes exemptées de l'application des dispositions des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Article 2 : Il est enjoint à la communauté d'agglomération de Marne la vallée - Val maubuée de procéder au réexamen de la situation de la commune d'Emerainville, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision.

Article 3 : Les conclusions de la requête au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Emerainville, à la communauté d'agglomération de Marne la vallée - Val maubuée et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 mars 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 mai 2022.

Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras


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