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Ariane Web: Conseil d'État 451788, lecture du 27 juillet 2022, ECLI:FR:CECHS:2022:451788.20220727

Décision n° 451788
27 juillet 2022
Conseil d'État

N° 451788
ECLI:FR:CECHS:2022:451788.20220727
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Sébastien Jeannard, rapporteur
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public
SCP SPINOSI ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats


Lecture du mercredi 27 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Le Parc de Chavaray, également dénommée société Alzina Côte d'Azur, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 28 mars 2017 et du 25 avril 2018 par lesquels le maire de Saint-Péray a refusé de lui délivrer un permis d'aménager. Par un jugement n° 1707078, 1807697 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 1902641 du 23 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Le Parc de Chavaray contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 avril 2021, 16 juillet 2021 et 28 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Parc de Chavaray demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de de la commune de Saint-Péray la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Le Parc de Chavaray, et à la SCP Spinosi, avocat de la commune de Saint-Péray ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Parc de Chavaray, également dénommée société Alzina Côte d'Azur, s'est vu délivrer, le 3 juillet 2015, par le maire de Saint-Péray, un certificat d'urbanisme portant sur la réalisation d'un lotissement de dix-neuf lots. Par un arrêté du 24 novembre 2016, le maire de Saint-Péray a prorogé d'un an, à la demande de la société, la validité de ce certificat d'urbanisme, à compter du 3 janvier 2017. La société Le Parc de Chavaray a déposé le 1er décembre 2016 une demande de permis d'aménager un lotissement composé de quarante lots à bâtir. Par un arrêté du 28 mars 2017, le maire de Saint-Péray a refusé de lui délivrer le permis d'aménager sollicité au motif que le projet était situé en zone N depuis l'adoption du plan local d'urbanisme le 23 mars 2017. Par un arrêté du 25 avril 2018, le maire de Saint-Péray a de nouveau refusé de délivrer à la société un permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement de quarante lots sur les mêmes parcelles. Par un jugement du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de la société tendant à l'annulation de ces arrêtés. La société Le Parc de Chavaray se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) " Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande d'autorisation d'urbanisme, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Parmi ces règles figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, la condition mentionnée à l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme en litige dans la présente espèce et figurant désormais à l'article L. 153-11 du même code, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande d'autorisation concernant un projet qui serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan.

3. D'autre part, l'article R. 410-17 du même code dispose que : " Le certificat d'urbanisme peut être prorogé par périodes d'une année sur demande présentée deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité, si les prescriptions d'urbanisme, les servitudes administratives de tous ordres et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables au terrain n'ont pas changé. (...) ". En vertu de ces dispositions, l'autorité administrative, saisie dans le délai réglementaire d'une demande de prorogation d'un certificat d'urbanisme par une personne ayant qualité pour la présenter, ne peut refuser de prolonger d'une année la durée de cette garantie que si les prescriptions d'urbanisme, les servitudes administratives de tous ordres ou le régime des taxes et participations d'urbanisme qui étaient applicables au terrain à la date du certificat ont changé depuis cette date. Constitue en principe un tel changement l'adoption, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme couvrant le territoire dans lequel se situe le terrain, à moins, pour la révision ou la modification de ce plan, qu'elle ne porte que sur une partie du territoire couvert par ce document dans laquelle ne se situe pas le terrain.

4. Pour rejeter la requête de la société Le Parc de Chavaray, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance qu'à la date de prorogation du certificat d'urbanisme, le projet de plan local d'urbanisme était suffisamment avancé pour que soit opposé un sursis à statuer, pour en déduire que le maire de Saint-Péray devait apprécier les demandes de permis d'aménager sollicitées au regard des dispositions du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 23 mars 2017. En statuant ainsi, alors qu'il lui revenait de rechercher si la possibilité d'opposer un sursis existait dès la date de la délivrance du certificat d'urbanisme, qui avait seulement fait l'objet d'une prorogation, conservant le droit de la personne titulaire de ce certificat à ce que sa demande d'autorisation soit examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date du certificat, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Parc de Chavaray est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Péray une somme de 3 000 euros à verser à la société Le Parc de Chavaray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Saint-Péray.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 février 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La commune de Saint-Péray versera une somme de 3 000 euros à la société Le Parc de Chavaray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Péray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Le Parc de Chavaray et à la commune de Saint-Péray.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 27 juillet 2022.


La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
La secrétaire :
Signé : Mme Sinem Varis