Le Conseil d’État annule partiellement le montant de l’allocation pour demandeur d’asile et enjoint au Premier ministre de fixer un nouveau montant
L’Essentiel :
Un décret du 21 octobre 2015 a précisé les conditions de versement de l’allocation pour demandeur d’asile, prévue par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.
Le Conseil d’État rejette les recours dirigés contre les conditions posées par le décret pour bénéficier de l’allocation (âge, ressources, acceptation d’une offre d’hébergement), les modalités de versement de cette allocation et les conditions de suspension ou de retrait de son bénéfice. Il rejette également les recours contre le montant journalier forfaitaire de l’allocation.
En revanche, le Conseil d’État juge que le montant additionnel de l’allocation, qui est versé aux seuls demandeurs d’asile à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée, est manifestement insuffisant pour permettre à ces demandeurs de disposer d’un logement, et par suite illégal. Il annule donc le décret dans la seule mesure où il ne fixe pas un montant additionnel suffisant.
Le Conseil d’État enjoint au Premier ministre de fixer, dans un délai de deux mois, un montant additionnel d’allocation permettant aux demandeurs d’asile à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée de disposer d’un logement.
L’article 23 de la loi du 29 juillet 2015 (relative à la réforme du droit d’asile), qui a réformé les aides versées aux demandeurs d’asile, a prévu qu’une allocation pour demandeur d’asile serait versée aux demandeurs qui acceptent une offre d’hébergement et remplissent des conditions d’âge et de ressources. Le Gouvernement a précisé les conditions d’application de cet article par un décret du 21 octobre 2015. Plusieurs associations ont demandé au Conseil d’État d’annuler les différentes dispositions de ce décret.
1. Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette l’essentiel des demandes des associations requérantes.
S’agissant de la condition d’âge, le Conseil d’État relève que le service de l’aide sociale à l’enfance des départements doit prendre en charge l’hébergement et pourvoir aux besoins des demandeurs d’asile mineurs qui sont privés de la protection de leur famille. Il juge par conséquent que le décret a pu légalement prévoir que l’allocation serait versée aux demandeurs d’asile majeurs.
S’agissant des modalités de versement de l’allocation, le Conseil d’État relève que le droit de l’Union européenne (directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013), qui fixe les obligations que les États membres doivent respecter pour l’accueil des demandeurs d’asile, permet de réserver l’allocation aux demandeurs ayant accepté une offre d’hébergement et un contrôle de leurs ressources. Il juge en outre que la procédure de versement de l’allocation répond à la nécessité de contrôler que le demandeur d’asile remplit les conditions pour en bénéficier. Le Conseil d’État en déduit que les modalités de versement de l’allocation retenues par le décret ne méconnaissent pas le droit de l’Union européenne.
S’agissant de la suspension ou du retrait du bénéfice de l’allocation, le Conseil d’État relève que les cas de suspension ou de retrait fixés par la loi correspondent aux hypothèses résultant de la directive du 26 juin 2013. Il écarte en outre les autres critiques formées par les associations requérantes sur ce point.
2. Toutefois, le Conseil d’État annule partiellement les dispositions du décret qui fixent le montant de l’allocation.
Le décret prévoit que l’allocation comprend un montant journalier forfaitaire, qui varie en fonction de la composition de la famille du demandeur d’asile, et un montant additionnel, qui est versé aux demandeurs qui ont accepté l’offre de prise en charge mais auxquels aucune place d’hébergement n’a pu être proposée.
Le Conseil d’État écarte l’ensemble des critiques dirigées contre le montant journalier forfaitaire :
il juge que le pouvoir réglementaire n’était pas tenu de fixer l’allocation à un niveau équivalent à celui du RSA ;
il juge que le pouvoir réglementaire pouvait légalement retenir un barème unique pour l’allocation, sans moduler le montant en fonction des prestations offertes par chaque lieu d’hébergement.
En revanche, le Conseil d’État fait droit aux demandes dirigées contre le montant journalier additionnel.
L’article 17 de la directive du 26 juin 2013 prévoit que lorsqu’un État membre n’est pas en mesure d’offrir une solution d’hébergement à un demandeur d’asile, il doit lui verser une allocation financière d’un montant suffisant pour lui permettre de disposer d’un logement sur le marché privé.
Le décret contesté fixait à 4,20 euros le montant journalier additionnel versé aux demandeurs à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée. Le Conseil d’État juge qu’un tel montant est manifestement insuffisant pour permettre à un demandeur d’asile de disposer d’un logement sur le marché privé de la location.
Le Conseil d’État annule donc le décret du 21 octobre 2015 dans la seule mesure où il fixe un montant journalier additionnel insuffisant. En conséquence, il enjoint au Premier ministre de fixer, dans un délai de deux mois, un montant additionnel suffisant pour permettre aux demandeurs d’asile à qui aucune solution d’hébergement n’est proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location.