Le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande de suspension du décret prononçant la dissolution d’une association musulmane.
L’Essentiel :
• Un décret du 24 novembre 2016 a prononcé la dissolution d’une association au motif qu’elle provoquait à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur non-appartenance à une religion et au motif qu’elle se livrait à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France.
• Cette association a demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre le décret prononçant sa dissolution.
• Par l’ordonnance de ce jour, le juge des référés rejette la demande de suspension. Il estime que le décret ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Par un décret du 24 novembre 2016, le Président de la République a prononcé la dissolution l’association « Fraternité musulmane Sanâbil » (Les Epis), sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Cet article permet de prononcer la dissolution, par décret en conseil des ministres, des associations :
- qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou qui propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence (6°) ;
- qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme (7°).
L’association intéressée a demandé au juge des référés du Conseil d’État, par la procédure du référé-liberté, de suspendre le décret du 24 novembre 2016.
Le juge des référés du Conseil d’État rejette cette demande.
Il constate, tout d’abord, que les éléments versés au contradictoire, dont des notes circonstanciées des services de renseignement, comme l’ensemble de l’instruction écrite et les débats au cours de l’audience font apparaître que :
- le président de l’association requérante entretient de nombreuses relations avec différentes personnes qui relèvent de la mouvance radicale de l’islam ou qui ont rejoint les rangs de l’organisation dénommée Etat islamique ; il a pour ce motif fait l’objet d’assignations à résidence, qui n’ont pas été remises en cause par le juge administratif à la suite des différents recours exercés par l’intéressé ;
- le trésorier de l’association a également fait l’objet d’une assignation à résidence, qui n’a pas été remise en cause par le juge administratif à la suite du recours exercé par l’intéressé ;
- plusieurs anciens dirigeants ou membres de l’association sont impliqués dans la mouvance radicale de l’islam et ont fait l’objet, pour ce motif, d’assignations à résidence ou, pour certains, ont quitté la France pour rejoindre la zone irako-syrienne.
Le juge des référés du Conseil d’État relève ainsi qu’au travers de ses principaux dirigeants comme de certains de ses membres, l’association est liée avec de nombreuses personnes fortement engagées dans l’islam radical.
Il relève ensuite que, sous couvert d’une assistance morale, logistique ou de bienfaisance aux détenus de confession musulmane, l’association développe, au travers de ses activités, un important réseau relationnel en lien avec l’islam radical. Ainsi, de nombreux détenus qui bénéficient de son assistance sont poursuivis pour des activités en lien avec le terrorisme ou appartiennent à la mouvance radicale, et son influence peut conduire certains à se radicaliser. En outre, une perquisition judiciaire a permis de trouver des documents portant l’en-tête de l’association et confirmant l’existence des liens qu’elle entretient avec les réseaux terroristes.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le juge des référés du Conseil d’État estime qu’en prononçant la dissolution de l’association sur le fondement des 6° et 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, le décret attaqué n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, notamment la liberté d’association. Il rejette donc le recours de l’association.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.