Le Conseil d’État ordonne l’expulsion des occupants d’installations illégales autour du centre d’accueil des migrants de Calais.
L’essentiel :
Le préfet du Pas-de-Calais a demandé que soit ordonnée l’expulsion de 72 installations précaires situées dans la zone d’accueil des migrants de Calais et abritant différents lieux de vente et commerces.
Le Conseil d’État relève que les occupants de ces installations ne disposent d’aucun titre pour occuper régulièrement les terrains en cause.
Il retient que ces installations présentent un risque important d’incendie et que les activités qui y sont exercées le sont dans des conditions sanitaires dangereuses. Certains trafics et la vente d’instruments pouvant servir d’armes ont en outre favorisé des tensions et des comportements violents dans la zone.
Malgré l’utilité que pouvait présenter ces installations pour les migrants, le Conseil d’État estime que les risques d’atteinte à l’ordre public justifient la libération de ces installations par leurs occupants.
Le cadre juridique :
La fermeture du centre de Sangatte en 2002 s’est traduite par la dispersion des migrants qu’il abritait sur le territoire de la commune de Calais, entraînant des occupations illicites de bâtiments et l’apparition de bidonvilles. Pour faire face à cette situation, les autorités publiques ont ouvert en mars 2015 un centre d’accueil et d’hébergement, le centre « Jules Ferry », dans une zone dite « zone nord », implantée en bordure d’un terrain dénommé « la Lande » au nord ouest de la ville. L’arrivée d’un grand nombre de migrants a conduit à la multiplication dans cette zone d’abris précaires servant d’hébergement ainsi que de lieux de vente ou de restauration.
Le 28 juillet 2016, le préfet du Pas de Calais a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d’ordonner l’expulsion des occupants de soixante-douze structures précaires abritant des lieux de vente illégaux recensés sur la zone nord. Le juge des référés du tribunal administratif a refusé de faire droit à cette demande le 12 août 2016. Le ministre de l’intérieur a alors contesté ce refus devant le Conseil d’État.
Le juge des référés ne peut faire droit à une demande d’expulsion sur le domaine public que si une telle mesure ne se heurte à aucune contestation sérieuse et si elle est urgente et utile.
Le Conseil d’État a estimé que la demande d’expulsion ne se heurtait à aucune contestation sérieuse. Elle vise soixante-douze structures précaires, abritant des lieux de vente illégaux en indiquant leurs emplacements précis au sein de la zone. Leurs occupants ne disposent d’aucun titre pour occuper ce terrain géré par l’État ni pour exercer leurs activités. En outre, au jour où le Conseil d’État statue, ces constructions n’ont pas été démontées.
Le Conseil d’État a ensuite estimé que la mesure d’expulsion présentait un caractère d’utilité et d’urgence. Le juge des référés du tribunal administratif avait relevé que ces installations permettait de pourvoir à des besoins non satisfaits, en termes de nourriture, de produits de première nécessité et de services, et constituaient des lieux de vie et de rencontre importants pour les migrants. Mais c’est à l’État qu’il appartient de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale et de veiller à ce que les demandeurs d’asile puissent bénéficier de conditions matérielles décentes. Dans ces conditions, le fait que les commerces illégaux aient pu contribuer à améliorer les conditions de vie des migrants sur le site n’était pas de nature à retirer son utilité à la mesure demandée par le préfet.
Le Conseil d’État relève en outre les risques sérieux d’incendie, du fait du caractère particulièrement inflammable des matériaux de construction et de la présence de nombreuses bonbonnes de gaz, de réserves d’hydrocarbures et d’installations électriques défectueuses. La vente de denrées alimentaires et la fourniture de repas ont lieu dans des conditions d’insalubrité qui exposent également à des risques sanitaires. Enfin, certains des lieux en cause procèdent à la vente d’instruments dangereux, susceptibles d’être utilisés comme des armes ou pour pénétrer irrégulièrement dans les camions se rendant en Grande-Bretagne. Les trafics liés à ces installations ont aussi provoqué des tensions et des comportements violents à l’encontre des bénévoles des associations comme des migrants.
Dans ces conditions, le Conseil d’État a jugé en référé que l’expulsion présente un caractère d’urgence et d’utilité. Il a annulé l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif et donné au préfet un titre pour procéder à l’évacuation des lieux visés.