Le Conseil d’État précise le régime des perquisitions effectuées sur le fondement de l’état d’urgence.
L’Essentiel :
• Les perquisitions sur le fondement de l’état d’urgence ne sont possibles que s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne menaçant la sécurité publique.
• Le juge administratif contrôle les ordres de perquisitions qui doivent, en particulier, être motivés.
• Les personnes concernées par une telle perquisition seront indemnisées soit si la perquisition était illégale, soit si des fautes ont été commises dans sa conduite.
• Les autres personnes seront indemnisées si la perquisition leur cause un dommage, y compris en l’absence de faute des services de l’État.
L’état d’urgence décrété depuis le 14 novembre 2015 en application de l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 confère au ministre et aux préfets le pouvoir d’ordonner, dans certaines conditions, des perquisitions administratives, sans autorisation d’un magistrat.
Le Conseil d’État était saisi d’une demande d’avis contentieux, selon la procédure prévue par l’article L. 113-1 du code de justice administrative. Cette procédure permet à un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel de transmettre au Conseil d’État une question de droit nouvelle qui se pose dans une requête, lorsqu’elle présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges. Le Conseil d’État examine alors la question dans un délai de trois mois.
Dans le cadre de cette procédure de demande d’avis, le Conseil d’État a, à la demande des tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun, apporté plusieurs précisions sur ces perquisitions administratives.
Une partie de ces précisions concerne la légalité des mesures de perquisitions administratives :
Une perquisition administrative ne peut être décidée que s’il y a des raisons sérieuses de penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
Le Conseil d’État a rappelé que le juge administratif doit contrôler les éléments justifiant la mesure et vérifier que la mesure de perquisition était nécessaire et proportionnée au regard des éléments dont disposait l’administration au moment où elle a pris sa décision.
Il a estimé que l’ordre de perquisition doit être motivé, en faisant apparaître les raisons qui ont conduit l’autorité administrative à décider de la perquisition. La décision doit indiquer le lieu et le moment à partir duquel la perquisition peut être exécutée. Cependant, la suffisance de cette motivation doit aussi tenir compte de l’urgence et des circonstances particulières de chaque cas.
Le Conseil d’État a également précisé le régime d’indemnisation applicable :
Lorsque la perquisition est illégale, notamment s’il n’existe pas d’éléments crédibles faisant soupçonner une menace pour l’ordre public ou si la mesure est disproportionnée au regard du risque, il y a là une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’État pour les préjudices qu’elle aura causés.
En outre, même si la perquisition est légale, il peut y avoir des fautes commises dans son exécution (ouverture par la force de la porte sans justification, usage de la contrainte ou atteinte aux biens disproportionnés, traitement des enfants mineurs sans égard pour leur vulnérabilité particulière…). Là encore, ces fautes engagent la responsabilité de l’État qui doit indemniser leurs conséquences.
En revanche, en l’absence de faute, les personnes concernées par une perquisition ne sont pas susceptibles d’être indemnisées des conséquences de cette perquisition. Il n’en va pas de même pour les tiers qui seront indemnisés même s’il n’y a aucune faute, en application du principe selon lequel les charges publiques doivent être réparties également entre les citoyens. Par exemple, l’éventuel propriétaire du lieu visé par la perquisition, qui n’a pas d’autre lien avec les personnes soupçonnées d’être une menace pour la sécurité publique que le contrat de location, sera indemnisé des dégradations du local même si la perquisition était légale et si les services de police n’ont commis aucune faute.