Syndicat de la Magistrature

Décision de justice
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Le Conseil d’État rejette le recours introduit par le Syndicat de la magistrature relatif à l’interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de se rendre à l’étranger pour y participer à des activités terroristes.

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L’essentiel

  • Le Conseil d’État rejette le recours introduit par le Syndicat de la magistrature contre le décret du 14 janvier 2015 relatif à l’interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de se rendre à l’étranger pour y participer à des activités terroristes, ainsi que contre une circulaire du ministre de l’intérieur.

  • Il constate que, compte tenu de la manière dont la loi encadre l’objet des syndicats professionnels, le recours de celui-ci n’est pas recevable dès lors que les actes attaqués n’ont pas d’incidence sur les droits et les conditions de travail des magistrats judiciaires.

Faits et procédure

L’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure permet au ministre de l’intérieur de prononcer une mesure d’interdiction de sortie du territoire à l’encontre de Français projetant de participer, à l’étranger, à des activités terroristes. Pour l’application de cette loi, un décret du 14 janvier 2015 est venu organiser les modalités pratiques de mise en œuvre de cette mesure par les services administratifs. Par ailleurs, le ministre de l’intérieur a adressé le 18 février 2015 une instruction aux préfets pour décrire le fonctionnement de cette procédure.

Le Syndicat de la magistrature a déposé devant le Conseil d’État un recours pour obtenir l’annulation de certains articles de ce décret, ainsi que l’annulation de la circulaire. Dans le cadre de ce recours, le syndicat a notamment soulevé une question prioritaire de constitutionnalité contre l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure.

La décision du Conseil d’État

Un requérant, personne physique ou personne morale, ne peut demander à la juridiction administrative l’annulation d’un acte administratif que s’il justifie d’un « intérêt pour agir » contre cet acte. En l’absence d’un tel intérêt pour agir, son recours est irrecevable, et le juge peut le rejeter sans examiner son bien-fondé. Pour une personne morale, telle qu’un syndicat ou une association, l’existence d’un intérêt pour agir dépend de l’objet de ce groupement.

En l’espèce, le Syndicat de la magistrature invoquait ses statuts, dans lesquels il est mentionné que ce syndicat a pour objet la « défense des libertés et des principes démocratiques ». Il en déduisait qu’il avait intérêt pour agir contre le décret et la circulaire attaqués.

Le Conseil d’État a cependant souligné que le Syndicat de la magistrature était un syndicat professionnel et que, comme tout syndicat professionnel, son objet est directement encadré par la loi, en particulier par l’article L. 2131-1 du code du travail. Comme il avait déjà eu l’occasion de le juger pour des unions de syndicats d’agents publics (décision du 2 juin 2010, Centre communal d'action sociale de Loos, n° 309445), le Conseil d’État a jugé que le Syndicat de la magistrature ne pouvait pas s’appuyer sur les termes généraux de ses statuts pour se voir reconnaître un intérêt pour agir qui irait au-delà de ce que la loi prévoit.

Le Conseil d’État a rappelé que, conformément à sa jurisprudence constante, un syndicat peut attaquer devant le juge administratif des mesures susceptibles d’affecter les conditions d'emploi et de travail des personnels dont il défend les intérêts collectifs,  ou qui portent atteinte à leurs droits et prérogatives. Pour apprécier si un requérant justifie d’un « intérêt pour agir » à cet égard, le juge prend toujours en compte, non pas l’argumentaire développé par le requérant, mais le contenu des dispositions attaquées.

Or, en l’espèce, le Conseil d’État  a constaté que les dispositions critiquées par le Syndicat de la magistrature portaient seulement sur les modalités de mise en œuvre, par les services administratifs, de la mesure d’interdiction de sortie du territoire. Compte tenu du sujet traité par ces dispositions, le Conseil d’État a jugé que ni les conditions d’emploi et de travail des magistrats judiciaires, ni leurs droits et prérogatives, ne pouvaient s’en trouver affectés. Il en a déduit que le recours du Syndicat était irrecevable et l’a rejeté, tout comme, par voie de conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité qui l’accompagnait.