Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur legs
 

Dossier no 192807

Département de la Haute-Garonne
Séance du 21 janvier 2000

Lecture du 4 février 2000

    Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 1997 et 23 avril 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le département de la Haute-Garonne, représenté par le président du conseil général ; le département de la Haute-Garonne demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 27 août 1997 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a, d’une part, annulé la décision du 22 novembre 1994 de la commission départementale d’aide sociale de Toulouse autorisant le département de la Haute-Garonne à récupérer la somme de 38 434,17 F au titre de l’aide ménagère à domicile allouée à Mme Eugénie Commenge, auprès de la sœur de cette dernière, Mme Augustine Abadie et, d’autre part, rejeté l’action en récupération du département ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale, notamment son article 146 ;
    Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961, modifié par le décret no 83-875 du 28 septembre 1983 ;
    Vu l’ordonnance no 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret no 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Après avoir entendu en audience publique :
    -  le rapport de Mme Bordenave, maître des requêtes ;
    -  les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat du conseil général de la Haute-Garonne ;
    -  les conclusions de Mme Boissard, commissaire du Gouvernement ;
    Sur la régularité de la décision de la commission centrale d’aide sociale :
    Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le département de la Haute-Garonne, la décision de la commission centrale d’aide sociale comporte l’analyse des conclusions et moyens des parties ;
    Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 129 du code de la famille et de l’aide sociale, dans sa rédaction issue de l’article 53 de la loi du 6 janvier 1986 : « Des commissaires du Gouvernement, chargés de prononcer leurs conclusions sur les affaires que le président de la commission centrale, d’une section ou d’une sous-section, leur confie, sont nommés... » ; qu’il résulte de ces dispositions que le président, les présidents de section ou de sous-section de la commission centrale d’aide sociale peuvent décider de ne pas confier une affaire au commissaire du Gouvernement ; qu’ainsi, la circonstance qu’un commissaire du Gouvernement n’a pas conclu sur l’affaire soumise par Mme Abadie à la commission centrale d’aide sociale n’a pas entaché d’irrégularité la procédure suivie par cette commission ;
    Sur le bien-fondé de la décision :
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse a autorisé le 21 février 1994 le département de la Haute-Garonne à récupérer la somme de 38 434,17 F, correspondant aux prestations d’aide sociale à domicile versées à Mme Eugénie Commenge entre le 1er avril 1982 et le 15 juillet 1985, date de son décès, sur les biens transmis par cette dernière à sa sœur, Mme Augustine Abadie ;
    Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale relatif à la récupération des allocations d’aide sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date du décès de Mme Commenge, des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : « a) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; c) Contre le légataire » ;
    Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa du même article « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral défini par les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat » ; qu’en application des dispositions de l’article 4-1 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 modifié par le décret du 28 septembre 1983, le seuil ainsi prévu était égal, à la date du décès de Mme Commenge, à la somme de 250 000,00 F ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l’intervention de la loi du 13 juillet 1982 relative aux prestations de vieillesse, d’invalidité et de veuvage, dont l’article 29 est à l’origine de l’introduction du seuil d’exonération visant certaines catégories de prestations d’aide sociale, qu’en cas de recours en récupération contre la « succession » d’un défunt, il n’y a pas lieu de distinguer entre la situation des héritiers institués par la loi et celle des légataires universels ou à titre universel venant aux droits du défunt en vertu du testament de ce dernier dès lors que ces personnes bénéficient des mêmes droits et sont sujettes aux mêmes charges ; que, par suite, les dispositions du c) de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale doivent s’entendre comme visant uniquement la situation du légataire à titre particulier qui, à la différence du légataire universel ou à titre universel, n’est pas normalement tenu des dettes de la succession ;
    Considérant que pour juger que les dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale s’appliquaient aux biens transmis par Mme Commenge à sa sœur Mme Abadie, en vertu d’un testament de la première instituant la seconde sa légataire universelle, la commission centrale d’aide sociale s’est fondée sur la circonstance que Mme Abadie avait légalement la qualité d’unique héritière de sa sœur ; que cette motivation qui, pour l’application des dispositions précitées de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, fait dépendre la situation du légataire universel ou à titre universel du point de savoir si cette qualité se conjugue ou non avec celle d’héritier légal, alors que, comme il a été dit ci-dessus, le légataire universel ou à titre universel bénéficie de ce seul chef des mêmes droits et est sujet aux mêmes charges que l’héritier, est entachée d’erreur de droit ;
    Considérant toutefois qu’il résulte de l’interprétation rappelée ci-dessus de l’article L. 146 du code de la famille et de l’aide sociale que les biens transmis à Mme Abadie, en sa seule qualité de légataire universelle de Mme Commenge, entraient dans le champ d’application des dispositions précitées du deuxième alinéa de cet article ; qu’il y a lieu de substituer ce motif, qui n’implique aucune appréciation de fait, au motif, juridiquement erroné, retenu par la commission centrale d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le département de la Haute-Garonne n’est pas fondé à demander l’annulation de la commission centrale d’aide sociale en date du 27 août 1997 ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du département de la Haute-Garonne est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Garonne, aux héritiers de Mme Augustine Abadie et au ministre de l’emploi et de la solidarité.