Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Commission locale d’insertion
 

Dossier no 990243

Madame N...
Séance du 14 mars 2000

Décision lue en séance publique le 10 avril 2000

    Vu le recours formé par Mme Fatima N..., le 4 février 1999, tendant à l’annulation d’une décision du 15 juillet 1998 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 22 septembre 1997 par laquelle le préfet de l’Hérault a décidé la suspension du revenu minimum d’insertion à compter du 1er septembre 1997 ;
    La requérante soutient que la décision de la commission départementale d’aide sociale est irrégulière en tant qu’elle n’a pas eu communication du dossier et des mémoires présentés par l’administration ; que l’audience a été organisée de sorte à ce qu’elle ne puisse pas être accompagnée et défendue par son avocat ; que la requête a été irrégulièrement notifiée ; que la décision préfectorale est insuffisamment motivée ; qu’elle a été prise après la commission locale d’insertion eut rendu un avis défavorable sans la mettre en situation de présenter ses observations ; qu’en se fondant, pour suspendre le revenu minimum d’insertion, sur le fait qu’elle n’a pas respecté les obligations contenues dans le contrat d’insertion, le préfet a commis une erreur de fait ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations du préfet de l’Hérault ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et les décrets subséquents ;
    Vu la lettre invitant la requérante à présenter ses observations orales devant la juridiction ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 mars 2000 M. Casas, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault en date du 15 juillet 1998 :
    Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale et de l’article 27 de la loi du 1er décembre 1988 que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives lorsqu’elles statuent sur les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’ainsi, elles sont tenues de mettre les intéressées à même d’exercer la faculté qui leur est reconnue de présenter des observations orales devant elles ; que, dès lors, les commissions départementales doivent tenir les intéressés informés de la date de l’audience ou les inviter à faire connaître si elles ont l’intention de présenter des observations et, dans l’affirmative, de les convoquer ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par deux courriers avec avis de réception en date des 10 avril et 11 juin 1998, le conseil de Mme N... a demandé la communication de la date de l’audience ; que Mme N... n’a cependant été avisée de l’audience que par voie téléphonique, la veille de celle-ci, de sorte que le conseil de la requérante n’a pu être présent à l’audience ; que, dans ces conditions, la requérante ne peut pas être regardée comme ayant été régulièrement informée de la date de l’audience et Mme N... est fondée à soutenir que l’atteinte ainsi portée au principe du contradictoire a entaché la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale ; qu’après annulation de cette dernière, il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme N... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la loi du 1er décembre 1998 : « Le droit à l’allocation est renouvelable, par période comprise en trois mois et un an, par décision du représentant de l’Etat dans le département, après avis de la commission locale d’insertion sur la mise en œuvre du contrat d’insertion mentionné à l’article 42-2 et, le cas échéant, au vu de nouveau contrat d’insertion » ;
    Considérant qu’après avoir signé un premier contrat d’insertion le 14 janvier 1997, Mme N... a signé un second contrat le 3 juillet 1997, dans le cadre du renouvellement de son droit au revenu minimum d’insertion ; que ce dernier contrat, qui reposait sur l’engagement de Mme N... à rechercher activement un emploi dans le domaine « Accueil - Tourisme - Réception », a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission locale d’insertion le 28 août 1997, au motif que l’intéressée n’avait pas suffisamment recherché d’emploi pendant l’été dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration alors que des possibilités existaient ; que sur le fondement de cet avis, le préfet, par une décision du 22 septembre 1997, a décidé la suspension du revenu minimum d’insertion à compter du 1er septembre 1997 ;
    Considérant que si, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article 14 précité de la loi du 1er décembre 1988, le préfet peut estimer que la mise en œuvre du contrat d’insertion peut nécessiter de la part du bénéficiaire du revenu minimum d’insertion une recherche active d’emploi ou de formation, en dehors des strictes limites du secteur d’activité envisagé par le contrat, il résulte de l’instruction que Mme N... a déployé de nombreux efforts pour trouver une insertion dans le domaine d’activité correspondant à son profil, à sa formation spécialisée et à l’énoncé précis de ses engagements d’insertion ; que la preuve de ces efforts est apportée par la quinzaine de réponses négatives reçues par Mme N... aux mois de février, mai, juin et septembre 1997 ; que, dès lors, en décidant la suspension du revenu minimum d’insertion au motif que Mme N... ne s’était pas conformée à ses obligations d’insertion, le préfet de l’Hérault à commis une erreur de fait ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme N... est fondée à demander l’annulation de la décision du préfet de l’Hérault en date du 22 septembre 1997 ;
    Sur les intérêts :
    Considérant que Mme N... demande le versement du revenu minimum d’insertion auquel elle avait droit, assorti des intérêts de droit à compter du 3 mars 1997 et jusqu’au 7 octobre 1998 ;
    Considérant que l’annulation pour erreur de fait de la décision du préfet de l’Hérault prononçant la suspension du droit au revenu minimum d’insertion entraîne le rétablissement de Mme N... dans ses droits ; que, dès lors, elle a droit au versement de cette allocation à compter de la date à laquelle ont lui a irrégulièrement suspendu, à savoir le 1er septembre 1997 ; que les intérêts légaux doivent être comptabilisés à compter de cette date, et jusqu’au 7 octobre 1998 ;
    Sur les dommages et intérêts :
    Considérant que Mme N... demande 50 000,00 F de dommages et intérêts ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale, juge de l’admission aux différents dispositifs de l’aide sociale, n’est pas compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
    Sur les frais irrépétibles :
    Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à Mme N... la somme qu’elle demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault en date du 15 juillet 1998, ensemble la décision du préfet de l’Hérault en date du 22 septembre 1997 sont annulées.
    Art. 2. - Mme N... sera rétablie dans ses droits avec intérêts à compter du 1er septembre 1997 jusqu’au 7 octobre 1998.
    Art. 3. - Le surplus des conclusions de Mme N... est rejeté.
    Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 mars 2000 où siégeaient Mme Valdes, président, M. Retournard, assesseur, et M. Casas, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 10 avril 2000.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer