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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur donation
 

Dossier no 951796

M. B...
Séance du 28 février 2000

Décision lue en séance publique le 18 avril 2000

    Vu le recours formé le 24 mai 1995, présenté par M. Yves B... tendant à l’annulation de la décision en date du 24 avril 1995 de la commission départementale d’aide sociale de la Loire-Atlantique rejetant son recours dirigé contre la décision du 15 novembre 1994 par laquelle la commission cantonale d’aide sociale de M... a décidé de récupérer sur la donation faite à M. Yves B... par M. et Mme Marcel B..., ses grands-parents, la créance d’aide sociale de ces derniers sur le département ;
    Le requérant soutient que l’actif successoral laissé par M. Marcel B... son grand-père s’élève à 188 957,34 F et qu’étant inférieur au seuil de 250 000,00 F cette succession ne peut faire l’objet d’une récupération ; que lui-même n’a reçu une donation que de 120 000,00 F dont 54 000,00 F donnés par son grand-père, somme qui étant inférieure au seuil de 250 000,00 F fixé par le décret du 28 septembre 1983 ne peut faire l’objet d’une récupération ; que sa situation financière et familiale ne lui permet pas, compte tenu notamment des emprunts à sa charge, de rembourser la créance d’aide sociale qui lui est réclamée ; que s’étant marié postérieurement à la donation qui lui a été faite et qui est un bien propre, l’estimation de ses ressources ne doit pas prendre en compte les revenus et allocations perçus par son épouse ; que sa grand-mère, bénéficiaire d’une partie de la succession de M. Marcel B... serait prête à régler la créance d’aide sociale sur cette part d’héritage ; qu’il a un frère dont la situation financière, plus favorable que la sienne, permettrait d’assumer une éventuelle obligation alimentaire à l’égard de ses grands-parents ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Vu le code civil ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 février 2000 Mlle Hedary, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que, aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : « Des recours en récupération sont exercés par le département (...) a) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune (...) b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; que ces dispositions sont applicables à la récupération des sommes versées au titre de l’allocation compensatrice instituée par l’article 39 de la loi du 30 juin 1975 ; que si le II de l’article 39 de cette loi énonce qu’il n’est exercé aucun recours en récupération « à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante, la charge du handicapé », ces dernières dispositions ne font pas obstacle à l’exercice d’une action en récupération sur la donation consentie au petit-fils du bénéficiaire de l’aide sociale ; que si le décret du 28 septembre 1983 instaure un seuil d’actif en deçà duquel la récupération sur succession des prestations d’aide sociale ne peut être exercée, ce seuil ne s’applique pas aux donations ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Yves B... a reçu de son grand-père une donation de 18 400,00 F le 25 novembre 1988 puis une donation de 54 000,00 F le 28 avril 1990 ; que son grand-père a été admis au bénéfice de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er avril 1991 au 20 novembre 1992, date de son décès ; que les donations consenties par M. Marcel B... avaient été consenties moins de cinq ans avant son admission à l’aide sociale et pouvaient donc légalement faire l’objet d’une récupération de la créance d’aide sociale du département évaluée à 49 762,70 F ; que M. Yves B... a reçu de sa grand-mère une donation de 4 100,00 F le 25 novembre 1988 puis une donation de 54 000,00 F le 28 avril 1990 ; que Mme Marie B..., sa grand-mère, a été admise au bénéfice de l’allocation compensatrice par une décision du 2 février 1994 ; qu’ainsi, si la première donation faite par Mme Marie B... ne pouvait donner lieu à récupération, la seconde donation pouvait légalement faire l’objet d’une récupération de la créance d’aide sociale du département évaluée à 12 305,72 F ;
    Considérant que si M. Yves B... soutient que le montant des donations qui lui ont été consenties par ses grands-parents « représente une succession anticipée » en sa faveur, ces donations ont été consenties antérieurement au décès des donateurs et ne peuvent être regardées comme une « succession anticipée » ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’il soutient encore, le seuil d’actif récupérable institué pour les successions ne s’applique pas à la récupération sur les donations litigieuse ;
    Considérant que la circonstance que le logement occupé par M. Yves B... fasse lui-même l’objet d’une hypothèque est par elle-même sans incidence sur le bien-fondé de la récupération en ce qui le concerne ;
    Mais considérant que, aux dates de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale et de celle de la commission départementale d’aide sociale, la situation du foyer de M. Yves B..., dont il y a lieu de prendre en compte en ce qui concerne la modération, contrairement à ce qu’il soutient, l’ensemble des ressources et des charges, était précaire, compte tenu des ressources et des charges de ce foyer ; que si certains doutes ont été émis sur « l’intégralité des revenus déclarés par le donataire », ils ne sont pas corroborés par les pièces du dossier et le président du conseil général, qui s’est abstenu de produire tout mémoire en défense devant la commission centrale d’aide sociale, n’a pas fourni d’éléments justifiant d’une telle hypothèse ; que le montant des prestations à récupérer est de 62 068,42 F ; qu’il appartient à la commission d’admission à l’aide sociale, sous le contrôle du juge de l’aide sociale, comme le rappelle d’ailleurs l’article 4, alinéa 4 du décret du 15 mai 1961, de modérer le cas échéant la somme récupérée ; que le juge doit apprécier la situation de fait à la date de sa décision ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier et qu’il n’est pas allégué par le président du conseil général, mis à même de le faire par la lettre de la commission du 20 décembre 1999, que la situation ait évolué en cours d’instance devant la commission centrale d’aide sociale ; qu’il sera, dans ces circonstances de fait, fait une juste appréciation de la situation financière de M. Yves B... et des charges de son foyer comme de l’ensemble des circonstances de l’espèce en limitant la récupération à 30 000,00 F,

Décide

    Art. 1er. - La décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de la Loire-Atlantique du 24 avril 1995 est annulée.
    Art. 2. - La récupération effectuée sur la donation consentie par M. Marcel B... et Mme Marie B... à M. Yves B... est limitée à 30 000,00 F.
    Art. 3. - La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de M... du 15 novembre 1994 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2 de la présente décision.
    Art. 4. - Le surplus des conclusions de la requête de M. Yves B... est rejeté.
    Art. 5. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 février 2000 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, et Mlle Hedary, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 18 avril 2000.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer