Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours -  Collectivité débitrice de l’aide sociale -  Procédure -  Compétence des juridictions d’aide sociale
 

Dossier no 981081

M. B...
Séance du 25 avril 2000

Décision lue en séance publique le 2 juin 2000

    Vu le recours formé le 29 décembre 1997 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Seine-Saint-Denis tendant à déterminer que la prise en charge des frais d’hébergement de M. Jean B... à la maison de retraite de Carentan (Manche) revient à l’Etat (direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Manche) ;
    Le requérant soutient que M. Jean B... ne peut être considéré comme étant sans domicile fixe, qu’il a résidé dans le département de la Seine-Saint-Denis, qu’il a ensuite été hospitalisé, admis en maison de retraite privée puis transféré à la maison de retraite de l’hôpital de Carentan le 1er juin 1994 ;
    Vu le mémoire en réponse en date du 26 juin 1998 de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Manche rejetant sa compétence pour la prise en charge des frais d’hébergement de M. Jean B... dans la mesure où l’intéressé n’était pas sans domicile fixe et que les foyers et maisons de retraite ne sont pas acquisitifs d’un domicile de secours ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 avril 2000 Mme Normand, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. Jean B... a demandé l’aide sociale pour son placement en maison de retraite dans la Manche où il résidait alors à la maison de retraite privée le Saint-Bernard à Saint-Jores (Manche) le 9 décembre 1994 ; que le 27 décembre 1994 au lieu d’y faire statuer par la commission d’admission à l’aide sociale de la résidence, comme il lui appartenait de le faire, le Président du conseil général de la Manche l’a invité à s’adresser au président du conseil général de Seine-Saint-Denis au motif, dépourvu de base légale, que « les maisons de retraites, foyers etc ne sont pas acquisitifs du domicile de secours » ; que M. Jean B... l’a fait le 11 janvier 1995 ; que la commission d’admission à l’aide sociale d’Aulnay-sous-Bois a rejeté sa demande le 19 septembre 1995 au motif qu’il « n’avait plus son domicile de secours en Seine-Saint-Denis. Compétence de l’Etat » ; que cette décision visait les frais exposés en maison de retraite du centre hospitalier local de Carentan où l’intéressé avait été transféré le 26 juin 1995, le précédent établissement, quoi qu’autorisé, ce qui n’est pas contesté, sans que le contraire ne ressorte du dossier, n’étant pas habilité au titre de l’aide sociale ; que le Président du conseil général de Seine-Saint-Denis a, le 3 octobre 1995, au lieu de pourvoir à une décision par la commission d’admission à l’aide sociale statuant en formation plénière, transmis le dossier au Préfet de Seine-Saint-Denis ; que le 24 septembre 1996 celui-ci a notifié une nouvelle décision « de la commission d’aide sociale » de date non précisée dont il ne ressort pas du dossier qu’elle n’a pas été prise dans la formation plénière prévue au deuxième alinéa de l’article 194 et au quatrième alinéa de l’article 126 du code de la famille et de l’aide sociale, à laquelle il aurait appartenu à l’administration de soumettre le dossier un an auparavant déjà ; que la décision ainsi notifiée qui, en l’état du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale doit être ainsi regardée comme étant celle d’une commission d’admission siégeant en formation plénière était ainsi motivée « prise en charge sur le compte Etat de la D.D.A.S.S du lieu d’implantation de l’établissement pour le placement à la maison de retraite le Saint-Roch » à Saint-Jores « à compter du 1er juillet 1994 » ; que nonobstant cette indication et en l’absence de toute indication de fin de prise en charge alors que comme il a été dit la maison de retraite de Saint-Jores n’était pas habilitée aide sociale, cette décision ne peut être regardée que comme ayant entendu statuer sur la prise en charge à compter du 27 janvier 1995 à la maison de retraite du centre hospitalier de Carentan ; que cette décision a été apparemment transmise par le Préfet de Seine-Saint-Denis au préfet de la Manche ; que le préfet de la Manche, considérant que M. Jean B... avait conservé son domicile de secours dans le département de la Seine-Saint-Denis et que la prise en charge incombait à celui-ci a, le 2 décembre 1996, retourné le dossier au préfet de Seine-Saint-Denis, alors cependant que seul le préfet du département de la commission d’admission à l’aide sociale ayant statué sur les droits de l’assisté était compétent pour dénier la compétence financière de l’Etat ; que le centre hospitalier local de Carentan a le 6 décembre 1996 demandé au préfet et non au président du conseil général de Seine-Saint-Denis de s’acquitter des frais dont l’imputation à charge de l’Etat avait été reconnue par la décision notifiée du 24 septembre 1995 ; que le 28 mai 1997, le préfet de Seine-Saint-Denis a derechef et sans davantage dénier la compétence financière de l’Etat mais au contraire en l’affirmant à nouveau - demandé au préfet de la Manche que les frais soient acquittés au compte Etat dans son département ; que le 24 juin 1997, le préfet de la Manche a, à nouveau, refusé la prise en charge par l’Etat au motif qu’elle incombait au département de la Seine-Saint-Denis où M. Jean B... avait conservé son domicile de secours ;
    Considérant qu’à la suite de l’ensemble de ces errements, dont la commission sait qu’ils n’ont rien d’exceptionnels, et qui sont malgré tout en l’espèce particulièrement significatifs, deux instances juridictionnelles ont été introduites ;
    Considérant, en premier lieu, que par requête du 15 décembre 1997 l’hôpital général de Carentan, qui, compte tenu des pratiques habituelles également avérées dans le présent dossier des collectivités publiques, assumait et assume, au vu du dossier, toujours la charge de l’avance de frais, a saisi le tribunal administratif de Paris en faisant valoir que la compétence Etat n’étant pas contestée, il appartenait au préfet de Seine-Saint-Denis, qui y avait statué, de prendre en charge les frais sur le compte de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de son département et de lui verser sous astreinte égale au montant du prix de journée à compter du 14 janvier 1998 les sommes dues et à devoir ; que sur renvoi du président du tribunal administratif de Paris le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a par ordonnance du 22 juin 1998 attribué le jugement de cette requête à la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis ; qu’au cours de la présente instance la commission centrale d’aide sociale s’est néanmoins trouvée destinataire dudit dossier mais a, en conséquence de ladite ordonnance, retourné le dossier à la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis qui est tenue d’y statuer, ainsi que le prévoit cette ordonnance, qui s’impose à elle en ce qui concerne la compétence à l’intérieur de la juridiction administrative seule en cause ;
    Considérant, en second lieu, que le 29 décembre 1997 le préfet de Seine-Saint-Denis, agissant comme l’aurait fait dans une situation différente, un résident du conseil général estimant que le domicile de secours était dans un autre département, a saisi la commission centrale d’aide sociale d’une requête tendant à ce que la charge des frais soit attribuée à l’Etat au compte des services extérieurs de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Manche ; que le préfet de la Manche persiste, pour refuser cette imputation, à conclure devant la commission centrale d’aide sociale à la compétence d’imputation financière du département de la Seine-Saint-Denis pour les motifs susrappelés ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 195 du code de la famille et de l’aide sociale « Sous réserve de l’application de l’article 201 les recours formés contre les décisions prises en vertu de l’article 193 du code de la famille et de l’aide sociale relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la commission centrale d’aide sociale » et qu’à ceux de l’article 194 « A défaut de domicile de secours les frais d’aide sociale incombent au département où résidait l’intéressé au moment de la demande d’admission à l’aide sociale. Toutefois les frais d’aide sociale engagés en faveur de personnes pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé sont intégralement pris en charge par l’Etat sur décision de la commission d’admission mentionnée à l’article 126 » ; qu’en vertu de l’article 128 les recours formés contre les décisions des commission d’admission à l’aide sociale relèvent des commissions départementales d’aide sociale ;
    Considérant, d’une part, qu’à supposer que par son mémoire enregistré le 20 mai 1999 à la commission centrale d’aide sociale, l’hôpital local de Carentan entende demander à la commission de statuer sur sa requête susanalysée initialement présentée au tribunal administratif de Paris, il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale de le faire, seule la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis pouvant désormais, en tout état de cause, statuer sur ce litige, alors même que l’ordonnance du 26 juin 1998 aurait exactement analysé les conclusions de la requête de l’hôpital, qui n’estimait pas « le domicile de secours à Aulnay-sous-Bois, (93) » ce qui aurait entraîné une compétence financière du département de la Seine-Saint-Denis, mais se bornait à demander que l’Etat pris en la personne du préfet de Seine-Saint-Denis et de ses services applique la décision notifiée le 24 septembre 1996 en tant qu’elle statuait à la compétence financière de l’Etat ;
    Considérant, d’autre part, que la saisine du préfet de Seine-Saint-Denis ne conteste pas l’imputation des frais litigieux à l’Etat, mais se borne à demander à la commission de les imputer « au compte de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du lieu d’implantation de l’établissement » de Carentan ; que les articles 194 et 195 précités du code susvisés ne confèrent pas à la commission centrale d’aide sociale compétence pour connaître de telles conclusions, l’article 194 ne visant que la « prise en charge par l’Etat » et non l’imputation aux comptes de tel ou tel service extérieur du ministère de l’emploi et de la solidarité ; qu’au surplus, l’Etat est un et qu’il appartient au préfet de Seine-Saint-Denis dès lors qu’une commission siégeant dans son ressort avait admis l’assisté à l’aide sociale de l’Etat, de prendre en charge le paiement des frais à l’établissement, quitte à faire, s’il s’y croit fondé, son affaire dans le cadre des procédures administratives et comptables appropriées éventuellement existantes d’un recouvrement auprès du préfet de la Manche ;
    Considérant, par ailleurs, que le préfet de la Manche n’est pas fondé, dès lors que la commission d’admission à l’aide sociale compétente pour y statuer dans le département de la Seine-Saint-Denis a admis M. Jean B... à l’aide sociale de la compétence financière de l’Etat, à conclure à ce que les frais soient à charge du département de la Seine-Saint-Denis où M. Jean B... aurait, selon lui, conservé son domicile de secours ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête du préfet de Seine-Saint-Denis ; qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, juge de plein contentieux, de dire qu’il appartient en conséquence à l’Etat préfet de Seine-Saint-Denis, qui ne conteste pas que les frais soient à la charge de l’Etat, et alors même que la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis n’a pas encore statué sur la requête du centre hospitalier de Carentan dont l’examen lui a été renvoyé par l’ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat du 22 juin 1998, de supporter à la date de la présente décision la charge desdits frais,

Décide

    Art. 1er. - La requête du préfet de Seine-Saint-Denis est rejetée.
    Art. 2. - Jusqu’à ce que la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis ait statué sur la requête qui lui a été renvoyée par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat du 28 juin 1998, l’Etat sur le compte des services extérieures du département de la Seine-Saint-Denis paiera au centre hospitalier de Carentan les sommes dues et à devoir procédant de l’admission à charge de l’aide sociale de l’Etat de M. Jean B... à la maison de retraite de Carentan depuis le 21 janvier 1995.
    Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 avril 2000 où siégeaient M. Levy, président, Mme Pasquini, assesseur, et Mme Normand, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 juin 2000.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer