Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2220
 
  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Conseil d’Etat statuant au contentieux
Dossier no 206321

Département du Tarn
C/M. Z.
Séance du 6 avril 2001
Lecture du 23 mai 2001

    Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 5 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le département du Tarn, dont le siège est avenue du Maréchal-Foch à Albi (81), représenté par son président en exercice, habilité par décision de la commission permanente du conseil général en date du 9 avril 1999 ; le département du Tarn demande au Conseil d’Etat :
    1o D’annuler la décision du 31 août 1998 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a fixé le domicile de secours de M. Z. dans le département du Tarn à compter du 1er juillet 1993 ;
    2o De régler l’affaire au fond et de fixer le domicile de secours de M. Z. dans le département de la Marne ;
    3o De condamner le département de la Marne à lui verser une somme de 25 000,00 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relatives aux institutions sociales et médico-sociales ;
    Vu la loi no 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées ;
    Vu le code de justice administrative ;
    
Après avoir entendu en audience publique :
    -  le rapport de M. Lafouge, conseiller d’Etat,
    -  les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat du département du Tarn,
    -  les conclusions de Mme Boissard, commissaire du Gouvernement ;
    Considérant que selon l’article 192 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur, à l’exception des prestations à la charge de l’Etat en vertu de l’article 35 de la loi du 22 juillet 1983, les dépenses d’aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 193 du même code : « Nonobstant les dispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires et sociaux (...) qui conservent le domicile de secours qu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement. Le séjour dans ces établissements (...) est sans effet sur le domicile de secours » ; qu’aux termes de l’article 194 du même code, « le domicile de secours se perd : 1o par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité, ou à l’émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social (...) Si l’absence résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour (...) le délai de trois mois ne concerne à courir que du jour où ces circonstances n’existent plus » ;
    Considérant que, pour l’application des dispositions précitées de l’article 193 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur, l’admission et le séjour dans un établissement sanitaire ou social impliquent nécessairement que l’intéressé soit hébergé effectivement dans ledit établissement ; qu’il faut entendre par établissements sanitaires et sociaux, au sens de cet article, les établissements désignés à l’article 3 de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, parmi lesquels figurent notamment les établissements qui assurent « l’hébergement des personnes âgées et des adultes handicapés » ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. Z. , né en 1960, qui résidait auparavant dans le département de la Marne où il était accueilli au sein d’un établissement médico-professionnel pour jeunes handicapés, a été admis en 1985 dans un centre d’aide par le travail à Lavaur, dans le Tarn, et hébergé dans le foyer Jean-Calastreng, associé à ce centre ; qu’il avait ainsi conservé son domicile de secours dans le département de la Marne ; qu’à compter du mois de mars 1993, M. Z. , tout en continuant à travailler au centre d’aide par le travail de Lavaur, a quitté le foyer d’hébergement pour occuper un logement autonome dont le locataire est l’association qui gère le foyer Jean-Calastreng et le centre d’aide par le travail et qui le lui sous-loue ; que le département de la Marne a refusé de prendre en charge l’aide sociale bénéficiant à M. Z. au motif que celui-ci avait acquis, à compter du 1er juillet 1993, un domicile de secours dans le Tarn ;
    Considérant qu’en jugeant que M. Z. , dès lors qu’il n’était plus directement hébergé par le foyer Jean-Calastreng, ne pouvait, quels que soient les liens qu’il conservait par ailleurs avec les services de cet établissement, être regardé comme séjournant dans un établissement sanitaire ou social au sens des articles 193 et 194 du code de la famille et de l’aide sociale, et avait en conséquence acquis un domicile de secours dans le département du Tarn à compter du 1er juillet 1993, la commission centrale d’aide sociale, par une décision suffisamment motivée, a fait une exacte application de ces dispositions ;
    Considérant que les circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour, au sens des dispositions de l’article 194 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur, doivent s’entendre comme des circonstances extérieures à la personne même du bénéficiaire de l’aide sociale et ne sauraient, par suite, résulter de la seule situation de dépendance physique ou psychique de l’intéressé ; que M. Z. , du seul fait de son handicap, ne peut être considéré comme se trouvant toujours dans des circonstances excluant de sa part toute liberté de choix quant à son lieu de séjour ; que, dès lors, la commission centrale d’aide sociale n’a pas commis d’erreur de droit en n’estimant pas que M. Z. se trouvait dans de telles circonstances ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le département requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 31 août 1998 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a fixé le domicile de secours de M. Z. dans le département du Tarn à compter du 1er juillet 1993 ;
    Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
    Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département de la Marne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au département du Tarn la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Décide

    Art. 1er. - La requête du département du Tarn est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au département du Tarn, au département de la Marne, et à M. Z. et au ministre de l’emploi et de la solidarité.