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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Récupération sur succession - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP)
 

Dossier no 980113

Consorts B...
Séance du 3 avril 2001

Décision lue en séance publique le 20 septembre 2001

    Vu le recours formé par Mmes Yvonne et Lucette B... et MM. Jean-Noël et André B..., le 5 septembre 1997, tendant à l’annulation de la décision du 20 juin 1997 par laquelle la Commission départementale d’aide sociale de Haute-Savoie a confirmé celle du 25 mars 1997 rendue par la commission cantonale de Sallanches décidant la récupération sur la succession de Mlle Marie-Louise B..., décédée le 15 octobre 1995, de l’intégralité de la créance départementale d’aide sociale s’élevant à 668 939,39 F et résultant de la prise en charge de l’intéressée au titre de l’aide sociale aux personnes handicapées pour des frais d’hébergement au foyer de l’Epanou puis à la ferme de Chosal entre 1974 et 1992, à l’encontre de quatre des cinq frères et sœurs de l’intéressée, Mme Georgette V... étant exonérée ;
    Les requérants soutiennent qu’il ne peut être décidé d’exonérer un des héritiers et de reporter sa dette sur les autres ; qu’il n’ont pour l’instant pas encore accepté la succession sans toutefois y renoncer ; que leur sœur Mme V..., dont ils ne nient pas le rôle auprès de l’intéressée, n’est pas la seule à s’être occupée de la bénéficiaire mais que toute la famille y a contribué ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier, et notamment l’intervention de Mme Georgette V... par courrier en date du 7 octobre 1997, complétée par un nouveau mémoire en date du 23 mars 2001, demandant principalement que soit maintenue son exonération de récupération ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Vu le lettre en date du 5 mars 2001 invitant Mme V... à présenter ses observations orales devant la juridiction ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2001, MM. Jean-Noël et André B..., M. Rosat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en l’absence de certitude sur la date de notification de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Haute-Savoie la concernant, l’intervention de Mme V... à l’instance devant la commission centrale d’aide sociale est recevable ;
    Considérant que l’action en récupération sur succession d’une créance d’aide sociale est limitée, d’une part, au montant de l’actif net successoral, mais aussi, d’autre part, au montant de la créance sur laquelle la récupération est exercée ; qu’ainsi la commission cantonale de Sallanches et la commission départementale d’aide sociale de Haute-Savoie ne pouvaient décider d’exonérer Mme V... sans réduire à peine de reporter sa dette sur les autres héritiers, ce qui n’entre pas dans la compétence de ces commissions, la part récupérable de la créance d’aide sociale ; que ces commissions ont ainsi commis une erreur de droit et que leurs décisions doivent, ensemble, être annulées ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 168 alinéa 4-2o du code de la famille et de l’aide sociale, repris à l’article L. 344-5-2o du code de l’action sociale et des familles, la prise en charge des frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées s’effectue « (...) sans qu’il y ait lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que tous ses frères et sœurs se sont occupés de Mlle Marie-Louise B... ; qu’elle était régulièrement reçue dans la ferme familiale avant de s’établir dans un chalet, propriété d’elle-même et de sa sœur Mme V... en 1992 ; que sa sœur Lucette avait par exemple en charge de s’occuper du linge de l’intéressée ; que si Mme V..., tutrice de la bénéficiaire décédée, s’est plus régulièrement occupée de sa sœur, il n’est pas sérieusement contesté que cela n’a pas toujours été à titre gratuit ; qu’en particulier les comptes de tutelle font apparaître des remboursements de frais de pension lorsque Mme V... recevait sa sœur ; que Mme V... a en outre acquis des meubles payés par la bénéficiaire pour garnir le chalet construit en 1992 et dont elle se trouve aujourd’hui propriétaire aux deux tiers, puisqu’elle, elle est propriétaire dans cette proportion du chalet ; qu’ainsi Mme V... n’a pas fait mieux que ses frères et sœurs et ne peut se voir appliquer, pour elle seule, les dispositions favorables de l’article 344-5-2o ;
    Considérant qu’une exacte appréciation des circonstances de l’espèce conduit à considérer que c’est la collectivité constituée de l’ensemble des cinq frères et sœurs de la bénéficiaire qui a, de façon globalement effective et constante mais de manière individuellement variable dans le temps, fournit des services et des soins ; qu’il y a lieu dans ces conditions de faire application des dispositions du 2o de l’article L. 344-5, non à une seule personne, ce qui serait contraire à la volonté du législateur de favoriser la prise en charge du handicapé par l’ensemble de ses proches, ni à quiconque s’est occupé de l’intéressée, ce qui serait incompatible avec le souci du législateur exprimé dans la disposition susmentionnée de préserver les derniers publics, mais d’en faire application à la collectivité des cinq frères et sœurs de l’intéressée qui ont collectivement assumé à la charge effective et constante de la bénéficiaire et doivent dès lors également collectivement être déchargés de 20 p. 100 de la créance départementale ; qu’ainsi, la part récupérable de la créance départementale d’aide sociale à l’encontre de la succession de Mlle Marie-Louise B... doit être ramenée à 535 151,51 F sous réserve d’un actif net supérieur à cette somme ;
    Considérant que les conditions du partage de cette somme entre les intéressés relèvent de la négociation amiable et à défaut du juge judiciaire ; que les juridictions d’aide sociale sont incompétentes pour en connaître ; qu’il relève de la seule compétence des comptables publics d’accorder le cas échéant des délais de paiement ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Haute-Savoie en date du 20 juin 1997, ensemble la décision du 25 mars 1997 de la commission cantonale de Sallanches, sont annulées.
    Art. 2.  -  La part récupérable de la créance d’aide sociale détenue par le département de Haute-Savoie sur la succession de Mlle Marie-Louise B... est ramenée à 535 151,15 F à récupérer sur la part successorale de chacun des cinq frères et sœurs de la bénéficiaire décédée.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2001 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, M. Rosat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 septembre 2001.
        La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer