texte9


  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2333
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Qualification de l’acte
 

Dossier no 000675

M. B...
Séance du 10 juillet 2001

Décision lue en séance publique le 5 décembre 2001

    Vu le recours formé par M. Gilbert B..., le 20 mai 1993, tendant à l’annulation de la décision du 20 avril 1993 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Haute-Garonne a maintenu la décision de la commission cantonale de Boulogne-sur-Gesse en date du 7 décembre 1992 de récupérer, contre le donataire, les sommes avancées par l’aide sociale à Mme Marie-France B... pour la prise en charge de services ménagers à domicile du 1er octobre 1990 au 7 décembre 1992, soit 51 512,82 F, au motif qu’une clause d’entretien figurait dans l’acte du 10 septembre 1990 ;
    Le requérant soutient qu’il n’est pas en mesure de restituer une telle somme et demande la révision du montant à restituer et des facilités de paiement ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu la décision de la commission centrale d’aide sociale en date du 15 janvier 1996 ;
    Vu la décision du Conseil d’Etat en date du 18 mai 1998, annulant la décision de la commission centrale d’aide sociale susvisée et renvoyant l’affaire devant la commission centrale d’aide sociale ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier et notamment, d’une part, le mémoire complémentaire adressé le 21 janvier 2000 par Me François A..., avocat de M. Gilbert B..., demandant à nouveau l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Haute-Garonne ainsi que la condamnation du département aux frais irrépétibles et aux dépens, d’autre part, les pièces complémentaires transmises par Me A... le 4 avril 2001 suite au supplément d’instruction formulé par la commission centrale d’aide sociale le 5 mars 2001 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 2 mai 2000 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 10 juillet 2001, M. Rosat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le requérant soutient que l’acte du 10 septembre 1990 passé avec sa tante par alliance a consisté en l’aliénation à titre onéreux d’une petite propriété avec réserve d’usufruit du vivant de Madame B... pour un prix de 120 000,00 F dont 30 000,00 F payés comptant, le solde étant converti en obligation de soins ;
    Mais considérant que si l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, repris à l’article L. 132-8 2o du code de l’action sociale et des familles, vise la récupération contre le donataire, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au rétablissement de sa nature exacte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une question préjudicielle à l’autorité judiciaire ; qu’une vente peut en réalité, constituer, en raison notamment des conditions très favorables consenties à l’acquéreur, une donation déguisée ; qu’une conclusion identique peut être tirée notamment de la circonstance qu’un bail à nourriture comporte une disparité flagrante entre l’ampleur des avantages consentis par le bailleur et les charges minimes assurées par le preneur ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en convertissant les trois quarts du prix convenu en clause stéréotypée d’entretien et de soins alors que l’intéressée disposait de ressources de l’ordre de 3 400,00 F par mois, bénéficiait de l’aide sociale et restait usufruitière de son logement, le contrat créait une disparité manifeste entre les avantages consentis par le bailleur et les charges assurées par le preneur ; que d’une part, l’attestation produite et jointe au dossier ne saurait à elle seule démontrer l’absence de disparité flagrante entre avantages et charges ; que d’autre part, si le requérant produit une facture attestant les travaux réalisés sur la maison objet du contrat, cette facture est de dix huit mois postérieure au décès de Mme Marie B... et ne saurait, dès lors, constituer le commencement de preuve d’une prestation réalisée dans le cadre de la convention du 10 septembre 1990 ;
    Considérant que la disparité flagrante née dudit contrat doit dès lors être estimée à la moitié du montant de la clause d’entretien consentie et surévaluée ; qu’il y a lieu de requalifier l’acte en donation pour ce même montant, soit 45 000,00 F ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est par une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce que la commission départementale d’aide sociale de Haute-Garonne a décidé la récupération du montant intégral de la créance d’aide sociale ; que sa décision doit être annulée ; qu’il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l’espèce en limitant la requalification en donation déguisée et donc la somme à récupérer à 45 000,00 F ;
    Considérant que les juridictions d’aide sociale sont incompétentes pour accorder des délais de paiement ;
    Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le département de Haute-Garonne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. Gilbert B... la somme qu’il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens ;

Décide

    Art.  1er. - La décision susvisé de la commission départementale d’aide sociale de Haute-Garonne est annulée.
    Art.  2. - La récupération de la créance d’aide sociale départementale sur le donataire de Mme Marie B... est ramenée au montant évaluable de la donation déguisée, soit 45 000,00 F.
    Art.  3. - Le surplus des conclusions de la requête de M. Gilbert B... est rejeté.
    Art.  4. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 10 juillet 2001 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, M. Rosat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 5 décembre 2001.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer