Procédure dans le contentieux de l’aide sociale générale  

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  PRINCIPES PROCÉDURAUX  
 

Mots clés : Compétence - Juridictions de l’aide sociale et juridictions administratives de droit commun
 

Dossier no 000092

Mlle C...
Séance du 29 mars 2002

Décision lue en séance publique le 4 avril 2002

    Vu le recours formé par M. R..., directeur des foyers et CAT de Kerchène, demeurant parc des Cantarelles, à Lapalud, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse se déclarant incompétente et la décision du président du conseil général du 25 octobre 1996 admettant Mlle France C... à la prise en charge par l’aide sociale du service d’accompagnement et d’aide à la vie sociale à compter du 1er janvier 1997 jusqu’au 31 décembre 1997 excluant la période du 1er octobre 1996 au 31 décembre 1996 au motif que reconnue handicapée par la COTOREP, Mlle France C.... entrait au service d’accompagnement à la vie sociale le 1er novembre 1996 et déposait une demande de prise en charge le 25 février 1997 ; que l’arrêté de prise en charge du 19 février 1998 ne statuant qu’à compter du 1er janvier 1997, il sollicite la prise en charge depuis la date d’entrée conformément à la réglementation du règlement départemental d’aide social qui prévoit un effet rétroactif de quatre mois ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de Vaucluse en date du 26 novembre 1999 tendant au rejet de la requête par les motifs que la procédure conventionnelle régissant les aides extra-légales entre l’établissement et le conseil général définit l’éligibilité des personnes concernées ; que de ce fait, le bénéficiaire doit formuler une demande explicite, ce qui n’est pas le cas de Mlle C... pour la période du 25 octobre au 31 décembre 1996 ; que l’intéressée n’a présenté sa demande qu’en février 1997 et qu’elle a été admise en janvier 1997 ; que le directeur de l’établissement agissant au nom de Mlle C... sans avoir produit de mandat à sa qualité dans l’instance ne peut se prévaloir d’un droit stipulé dans le champ conventionnel sans respecter les obligations édictées en commun ; que le directeur du CAT a déjà introduit une requête devant la juridiction administrative non tranchée portant sur le même objet ; que l’appel à la juridiction administrative ne permet pas l’appel interjeté devant la juridiction sociale de prospérer conformément aux décisions des commissions départementales d’aide sociale des 16 novembre 1998 et 26 mai 1999 ;
    Vu le mémoire en réplique de M. R..., directeur des foyers et CAT de Kerchêne en date du 18 février 2002 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’ils ont bien effectué en priorité un recours gracieux auprès de M. le président du conseil général de Vaucluse en date du 14 avril 1998 ; que les courriers sont adressés directement à la personne et leur parviennent donc de manière très tardive ; qu’il joint également le mandat signé par Mlle C... l’autorisant à agir dans la présente procédure ;
    Vu le courrier du président du conseil général de Vaucluse en date du 7 mars 2002 transmettant les délibérations des 25 octobre 1996 et 5 décembre 1997 ;
    Vu le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 26 mars 2002 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 29 mars 2002, Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la compétence du juge de l’aide sociale :
    Considérant que le président du conseil général de Vaucluse soutient que « la juridiction sociale » est incompétente et que la requérante a du reste saisi « la juridiction administrative », i.e. le tribunal administratif de Marseille ;
    Considérant que celui-ci a effectivement statué le 26 mars 2002 sur une requête en date du 21 décembre 1998 (enregistrée le 28 décembre ), qu’il a regardé dirigée contre la « décision de sursis à statuer » de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 18 novembre 1998 ; que si le tribunal administratif n’a pu, sans méconnaître sa compétence se reconnaître compétent pour connaître d’une décision, quelle qu’elle soit, de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse, il résulte de l’instruction qu’en réalité, en tout état de cause, Mlle C... entendait attaquer devant le tribunal administratif l’arrêté du 16 février 1998 du président du conseil général de Vaucluse qui est celui même sur lequel a statué la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse dans sa décision attaquée du 26 mars 1999, après être revenue, avant même que le tribunal administratif ne se soit prononcé, sur la décision de sursis à statuer jusqu’au jugement de celui-ci qu’elle avait antérieurement prise, en tant que ledit arrêté refusait son admission à l’aide sociale facultative pour la prise en charge des frais d’intervention du service d’accompagnement à la vie sociale de Lapalud du 1er novembre au 31 décembre 1996 ;
    Considérant par ailleurs que, dans la présente instance, la commission départementale d’aide sociale était, fut-ce prématurément dès le 22 juin 1998 et la commission centrale d’aide sociale est, en appel, saisies par le directeur du service d’accompagnement à la vie sociale de Lapalud du refus implicite opposé à son recours gracieux du 1er avril 1998 formulé non en son nom propre, mais en celui de Mlle C..., sans que les premiers juges n’aient régularisé pour production du mandat du demandeur, lequel, en appel, n’a produit qu’un mandat pour l’instance d’appel ; qu’il n’y a pas lieu, néanmoins, pour la commission centrale d’aide sociale de régulariser en l’état sa demande par demande de production d’un mandat concernant également la demande de première instance ;
    Considérant, ainsi, que le tribunal administratif et la commission départementale d’aide sociale se sont respectivement reconnus compétent et incompétente pour connaître de demandes dirigées contre le refus implicite du recours gracieux formulé par Mlle C... contre l’arrêté du 19 février 1998 du président du conseil général de Vaucluse en tant qu’il ne l’admet pas à l’aide sociale pour la prise en charge des frais de suivi par le service d’accompagnement à la vie sociale de Lapalud du 1er novembre au 31 décembre 1996 ;
    Considérant que la position des deux juridictions est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat du 2 janvier 1993 (Sipos, page 2) selon laquelle les litiges relatifs à l’aide sociale facultative, à tout le moins au titre des prestations créées et non abondées par le département, ne relèvent pas du juge de l’aide sociale, mais du juge administratif de droit commun ; que cette jurisprudence n’a pas été remise en cause par la jurisprudence ultérieure selon laquelle l’ensemble des litiges subséquents, notamment de recouvrement, à ceux portant sur les prestations légales d’aide sociale relèvent du juge de l’aide sociale ;
    Mais considérant que compte tenu de l’évolution de l’aide sociale aux adultes handicapés aujourd’hui en grande partie sinon essentiellement constituée par des prestations de la nature de celles en litige dans la présente instance de l’étroite imbrication des prestations relevant de l’aide sociale légale et de l’aide sociale facultative aux adultes handicapés, la présente juridiction est revenue sur la jurisprudence susrappelée et s’est reconnue compétente pour connaître des litiges portant sur l’aide sociale facultative, qu’elle concerne une prestation créée ou abondée par le département ; que la présente instance tend d’ailleurs, sans doute, à conforter en opportunité la solution ainsi adoptée, l’attribution de compétence aux tribunaux administratifs pour des litiges relevant essentiellement des règles techniques et des structures institutionnelles spécifiques de l’action sociale aux personnes handicapées dont la spécificité fonde la compétence de la juridiction spécialisée de l’aide sociale, apparaissant peu satisfaisante ;
    Considérant que c’est pour ces motifs et dans l’attente soit d’une nécessaire modification des textes applicables, soit d’une confirmation par le Conseil d’état de sa jurisprudence Sipos dont l’occasion ne lui a pas encore été donnée que la présente juridiction s’est reconnue compétente en matière d’aide sociale facultative (cf. par exemple 5 décembre 2000 no 990329, cjas 01/08, 117) pour connaître de litiges portant, comme en l’espèce, sur l’application du règlement départemental d’aide sociale et des conventions, à valeur réglementaire vis à vis des tiers, prises pour l’application de celui-ci en matière de prestation d’aide sociale facultative créées par le département ;
    Considérant que la circonstance que le tribunal administratif de Marseille se soit en réalité prononcé, par un jugement d’ailleurs non définitif, sur le même litige que celui soumis à la commission départementale d’aide sociale n’est pas de nature, en l’absence en pareille hypothèse de toute procédure de « règlement de juges » à interdire à la présente juridiction, qui est en toute hypothèse compétente pour connaître de l’appel formulé contre la décision de la commission départementale, de reconnaître également la compétence du juge de l’aide sociale ; que seul le Conseil d’état saisi soit contre la présente décision soit contre l’arrêt que viendrait à rendre la cour administrative d’appel de Lyon contre le jugement du tribunal de Marseille, pourrait décider de la juridiction seulement compétente pour connaître du litige en annulant la décision de celle qui se serait reconnue à tort compétente, observation faite qu’aucun texte ne permet à la commission centrale d’aide sociale de saisir dès à présent le Conseil d’état pour qu’il statue sur la compétence ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort que par la décision attaquée la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse a dénié sa compétence pour connaître du présent litige ; qu’il y a lieu d’annuler sa décision et d’évoquer la demande de Mlle C... ;
    Au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande à la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse ;
    Considérant que Mlle C... a en fait été prise en charge par le service d’accompagnement à la vie sociale de Lapalud le 1er novembre 1996 et que le directeur en a informé l’administration par lettre du 23 décembre 1997 « suite à nos différents échanges » dont la teneur et la date ne sont d’ailleurs pas au dossier ; que si, contrairement à ce qu’à relevé le tribunal administratif, Mlle C... faisait bien ainsi, dès le 1er novembre 1996 « partie du service d’accompagnement à la vie sociale » comme elle l’exposait dans sa demande du 21 décembre 1998, les articles VIII des conventions types annexées aux délibérations des 25 octobre 1996 et 5 décembre 1997 dont procède le 5b « services d’accompagnement à la vie sociale ») du chapitre III (aide sociale aux personnes handicapées) du règlement départemental d’aide sociale de Vaucluse prévoient que « la demande doit être déposée auprès du CCAS ou de la mairie du lieu de résidence... la prise en charge est accordée par le président du conseil général... » ; que ces dispositions ne permettent pas de faire rétroagir la prise en charge à une date antérieure aux dates de la demande ou de la décision, le demandeur eut-il été pris en charge dès alors, sans qu’il soit besoin de déterminer en l’espèce, si la date à prendre en compte est celle de la demande, ou, plutôt, de la décision ; que contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 18 du décret du 11 juin 1954 est sans application en l’espèce, à la fois, en tout état de cause, parce qu’il ne s’agit pas d’aide sociale légale, et, en outre, parce qu’il ne s’agit pas d’hébergement, mais d’intervention d’un service ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier notamment des extraits fournis du règlement départemental d’aide sociale de Vaucluse qu’une quelconque disposition de celui-ci ait étendu pour la forme d’aide sociale facultative litigieuse les dispositions dudit article 18 ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mlle C... n’est en tout état de cause pas fondée à se plaindre de ce que la décision du 19 février 1998 (de « régularisation 1997 ») ne l’ait admise à l’aide sociale facultative par la prise en charge des frais d’intervention du service de Lapalud qu’à compter du 1er janvier 1997 et non du 1er novembre 1996 ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 26 mai 1999 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par Mlle C... devant la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 mars 2002 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 4 avril 2002.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer