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  Procédure dans le contentieux de l’aide sociale générale  

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  RECOURS DEVANT LES JURIDICTIONS DE L’AIDE SOCIALE  
 

Mots clés : Recours contentieux - Commission départementale d’aide sociale (CDAS) - Procédure
 

Dossier no 012191

Mme G...
Séance du 25 novembre 2002

Décision lue en séance publique le 10 décembre 2002

    Au nom du peuple français, la commission centrale d’aide sociale,
    Vu et enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 13 septembre 2001, la requête présentée pour Mme G..., par maître Geneviève P..., avocate, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 20 septembre 1993 rejetant sa demande dirigée contre la décision d’une commission d’admission à l’aide sociale de Nice du 14 décembre 1992 décidant d’une récupération de 68 302,00 F sur l’actif net successoral de la succession de sa mère, Mme G... ; déclarer sans fondement, a fortiori sans fondement définitif, la créance du département des Alpes-Maritimes, annuler la contrainte dont procèdent les commandements du 5 mai 1994 et du 25 août 1998 et le titre de recettes à la suite duquel ceux-ci ont été émis ; la décharger du paiement de la somme totale de 50 702,00 F par les moyens ; qu’après la précédente décision de la commission centrale d’aide sociale du 5 février 2001, la commission départementale d’aide sociale, plutôt que de statuer sur les commandements attaqués s’est bornée à notifier la copie de la décision qu’elle avait prise le 20 septembre 1993, selon le courrier du 12 juillet 2001 ; que cette décision est sensée être le jugement attendu sur les recours ayant saisi la commission départementale d’aide sociale dont elle relève ; que ce jugement est insuffisamment motivé la commission ayant purement et simplement occulté les recours dont elle était saisie ; que faudrait-t-il considérer qu’elle ait entendu régulariser, a posteriori les commandements en notifiant la décision du 20 septembre 1993 pour la première fois en juillet 2001, ladite décision a méconnu l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale en ce qu’elle n’a pu présenter des observations orales et l’article 6-1 de la commission européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il n’est pas établi que l’audience ait été publique ;
    Vu la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes attaquée du 20 septembre 1993 et sa notification en date du 12 juillet 2001 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 novembre 2002, Mme Giletat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes a, par « rapport » du 15 janvier 1999 entend transmettre à la commission centrale d’aide sociale un « appel » contre, selon lui, semble-t-il, la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 20 septembre 1993 rejetant la demande de Mme G..., dirigée contre une décision d’une commission d’admission à l’aide sociale de Nice du 14 décembre 1992 décidant à son encontre de la récupération de l’actif net de la succession de sa mère, soit 68 470,02 F au titre des frais de placement en foyer logement exposés par l’aide sociale ;
    Considérant que le 5 février 2001, la présente juridiction a pris la décision suivante qu’il est nécessaire de citer dans son intégralité ;
    Considérant que le 20 septembre 1993, la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté une demande de Mme Jacqueline G... dirigée contre une décision du 24 septembre 1992 d’une commission d’admission à l’aide sociale de Nice décidant d’une récupération sur succession de prestations avancées par l’aide sociale à Mme Marianne G... ; que Mme Jacqueline G... n’a pas reçu notification de cette décision ; que le 20 septembre 1994, le payeur départemental a émis un commandement de payer les sommes récupérées en vertu de titres exécutoires émis par le président du conseil général ; que Mme Jacqueline G... a fait opposition à ce commandement devant le tribunal administratif de Nice le 22 septembre 1994 et que sur renvoi du président de ce tribunal, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, par ordonnance du 2 novembre 1994, attribué le jugement de la demande à la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes qui ne l’a jamais jugée ; que le payeur a, le 25 août 1998, émis un nouveau commandement pour avoir paiement apparemment de la même créance et que la requérante a fait opposition devant la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes le 7 octobre 1998 ; que le 15 janvier 1999, le préfet des Alpes-Maritimes (DDASS secrétariat de la CDAS) a informé la requérante qu’il considérait cette opposition comme un appel contre la décision du 20 septembre 1993 et la transmettait à la présente commission par lettre de même date, à la suite de quoi le secrétariat de la présente commission a pour sa part considéré être saisi d’un appel en date du 19 octobre 1993, qui était en réalité une lettre adressée au président du conseil général sollicitant une remise gracieuse, laquelle ne pouvait être ni quant à son destinataire ni en tout état de cause quant à l’absence de notification de la décision prétendument déférée à la commission centrale un appel, dirigée contre cette dernière ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de radier la requête no 990913 des registres de la commission et de retransmettre le dossier au président de la commission départementale des Alpes-Maritimes afin que les requêtes dont demeure saisie la commission départementale d’aide sociale soient enfin jugées ; que la commission croit devoir observer que de tels errements de procédure, qui ne sont pas exceptionnels, justifieraient des mesures appropriées de remise en ordre au niveau, notamment, de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ;
    Art. 1er. - La « requête » no 990313 est radiée des registres de la commission centrale d’aide sociale.
    Art. 2. - Copies de la présente décision ainsi que le dossier sont adressés à M. le président de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes.
    Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Considérant qu’à la suite de la transmission de cette décision, le préfet des Alpes-Maritimes, sous le timbre « direction des affaires sanitaires et sociales. Le conseiller technique départemental » dont la commission imagine qu’il est en charge du secrétariat de la commission départementale d’aide sociale s’est borné à transmettre à Mme G... par lettre du 12 juillet 2001 « copie de la décision de la commission départementale d’aide sociale » que cette lettre du 12 juillet selon l’administration est versée au dossier avec un accusé de réception de distribution le 12 avril 2001 ; que la requérante fait valoir pour sa part qu’elle aurait été délivrée le 20 juillet 2001, alors que sa requête aurait été enregistrée le 15 septembre 2001 ; que compte tenu sur ce point encore de la cohérence des pièces transmises, la commission centrale d’aide sociale considérera la requête comme recevable, ni le président du conseil général qui n’a pas produit en défense, ni le préfet ne justifiant ces incohérences ;
    Considérant par ailleurs, que les diligences sus-rappelées paraissent être les seules effectuées par le préfet direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Alpes-Maritimes ; qu’en tout cas, qu’il ait ou non transmis la décision de la commission centrale d’aide sociale du 5 février 2001 au président de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes, celle-ci n’a à la connaissance de la commission toujours pas jugé la demande qui lui avait été adressée par l’ordonnance du 7 novembre 1994 du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat et la demande qu’avait ultérieurement formé Mme G... le 7 octobre 1998 relatives à deux commandements ayant même objet, le montant de la créance procédant de la décision de la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant qu’au regard de cette situation « circulaire » dont la commission centrale d’aide sociale, qui n’a aucun pouvoir hiérarchique sur la commission départementale d’aide sociale ou le préfet des Alpes-Maritimes ne peut à nouveau que prendre acte, les conclusions de la requête enregistrée le 13 septembre 2001 sont dirigées « contre une décision de la commission départementale d’aide sociale du 20 septembre 1993 (...) ensemble deux commandements de la paierie (...) ensemble le titre de recettes » dont ces commandements procèdent ; qu’elles tendent à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale « annuler le jugement de la commission départementale d’aide sociale en date du 20 septembre 1993, déclarer sans fondement, a fortiori sans fondement définitif, la créance du département des Alpes-Maritimes pour un montant de 68 302,00 F ; ce faisant, annuler la contrainte dont procèdent les commandements (...) et à nouveau la décharger d’avoir à payer deux fois la somme de 68 302,00 F majorée du coût des actes (...) soit 140 702,00 F ;
    Considérant que la requérante devant une situation devenue « pour le moins ubuesque » selon elle dès avant la décision du 5 février 2001 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a tenté, sans succès en l’état, de « remettre bon ordre à la procédure » semble, en réalité, demander l’annulation de la décision du 20 septembre 1993 en tant que cete décision aurait entendu « régulariser a posteriori, les (...) commandements en notifiant, pour la première fois en juillet 2001, la décision de rejet en date du 20 septembre 1993 » ; que d’ailleurs, elle ne formule pas de conclusions contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 14 février 1992 ; qu’à suivre littéralement ces conclusions, la commission centrale d’aide sociale qui ne s’estime pas en état de construire une temporalité procédurale dans laquelle une décision du 20 septembre 1993 aurait statué sur des conclusions dirigés contre des décisions des 29 novembre 1993, 5 mai 1994 et 25 août 1998 n’aurait d’autres alternatives que de renvoyer à nouveau l’examen des demandes dirigées contre les décisions dont s’agit à la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ;
    Considérant toutefois, qu’une situation « ubuesque » ne saurait être prolongée trop longtemps sans mettre en cause le minimum de sérieux qui doit être celui de tout fonctionnement juridictionnel, fut ce celui des juridictions sociales spécialisées ; qu’il est raisonnablement possible d’interpréter les conclusions précitées comme dirigées d’une part contre la décision de la commission départementale d’aide sociale du 20 septembre 1993 et aussi, si les moyens d’annulation de cette décision pour irrégularité prospèrent, contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 14 décembre 1992 ; d’autre part, contre le titre de recette et les commandements émis en suite de ces décisions ; que seule cette interprétation est de nature à permettre de sortir de la situation « circulaire » où se trouve le juge d’appel et à lui permettre de régler le litige ; qu’elle sera en conséquence retenue ;
    Sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 20 septembre 1993 notifiée à Mme G... par lettre du 12 juillet 2001 ;
    Considérant que Mme G... conteste la régularité de cette décision par trois moyens, qui sont également fondés ;
    Considérant que si le premier d’entre eux qui fait état de l’absence de toute motivation de forme et de fond, de la décision, est inopérant en ce qu’il est reproché de n’avoir pas répondu aux conclusions et moyens concernant le titre de recette et les commandements, il est opérant et fondé en ce qu’il est fait valoir que la décision est motivée ainsi qu’il suit « rejet de la demande. La succession doit rembourser la somme de 68 302,00 F, montant de l’actif. Mme G... est décédée le 1er novembre 1988 » sans répondre aux moyens de la demande, qui tendait en fait exclusivement à la remise de la créance de l’aide sociale en explicitant la modeste situation financière et patrimoniale de Mme G... ;
    Considérant ensuite qu’il ne ressort ni des mentions de la décision attaquée, ni d’autres pièces versées au dossier que Mme G... ait été convoquée à l’audience ou, ayant été antérieurement mise à même de demander à l’être, ne l’ait pas demandé ; que dans ces conditions l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable a été méconnu ;
    Considérant enfin, qu’il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée que la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ait siégé en séance publique pour connaître de la demande de Mme G... ; que les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme ont été dès lors méconnues ;
    Considérant que la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 20 septembre 1993 doit être annulée et qu’il y a lieu d’évoquer la demande formulée par Mme G... devant cette juridiction ;
    Considérant que devant la commission départementale d’aide sociale, Mme G... avait fait valoir qu’âgée alors de 67 ans, veuve et handicapée dans sa mobilité, elle avait dû employer, une grande partie du modeste héritage reçu de sa mère à des dépenses de traitement et de soins ; qu’elle disposait d’un revenu brut de 66 014,00 F et d’un capital inférieur à 20 000,00 F ; qu’elle supportait les cotisations de mutuelle de 3 000,00 F par an ; qu’elle n’était pas imposable ; que par mémoire enregistré le 8 juin 2000 dans l’instance 90213, elle avait souligné que sa situation n’avait alors pas évolué ; que le président du conseil général des Alpes-Maritimes qui n’a, a aucun moment produit en défense, dans la présente instance comme dans la précédente, ne conteste rien de tout cela ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la situation sociale et financière de Mme G... ait évolué à la date de la présente décision ;
    Considérant dans ces conditions, nonobstant le montant de prestations de 87 102,36 F qui avait été avancé par l’aide sociale et qui n’est d’ailleurs pas justifié au dossier malgré les demandes formulées en cours d’instance par Mme G..., qu’il y a lieu à remise de la créance dont le président du conseil général des Alpes-Maritimes a sollicité la récupération ;
    Sur les conclusions dirigées contre le titre de recettes du 21 novembre 1993 et les commandements des 5 mars 1994 et 25 août 1998 ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’est toujours pas possible pour la commission centrale d’aide sociale de statuer sur des conclusions dirigées contre ces décisions de recouvrement pour les annuler par voies de conséquence de l’annulation qui précède ; qu’il ne peut être procédé autrement qu’en renvoyant à nouveau à la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes, le jugement des conclusions sur lesquelles elle n’a toujours pas statué ; que copie de la présente décision sera adressée au payeur départemental des Alpes-Maritimes, qui, nonobstant la durée des procédures procédant de l’ensemble des errements sus-décrits n’a, à ce jour, toujours pas recouvré la créance en tout ou en partie ; qu’il y a lieu de présumer que le comptable n’entendra sans doute pas procéder à un recouvrement, qui en l’état de la procédure sur l’action en récupération dont il procède devient sans objet ;
    Considérant qu’il apparaît opportun de transmettre pour information, copie de la présente décision à la directrice générale de l’action sociale dont les services sont en charge du fonctionnement des commissions départementales d’aide sociale et au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat dont l’ordonnance du 2 novembre 1994 n’est à ce jour toujours pas suivie d’effet ;

Décide

    Art. 1er. - Les décisions de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 20 septembre 1993 et de la commission d’admission à l’aide sociale de Nice du 14 décembre 1992 sont annulées.
    Art. 2. - Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme G... de la somme de 10 412,45 euros.
    Art. 3. - L’examen des conclusions de Mme G... tendant à l’annulation du titre de recettes dont procèdent les commandements en date des 5 mai 1994 et 25 août 1998 ainsi que contre lesdits commandements est à nouveau attribué à la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes.
    Art. 4. - La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale à Mme G..., au président du conseil général des Alpes-Maritimes, au préfet des Alpes-Maritimes et pour information au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat et à la directrice générale de l’action sociale.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 novembre 2002 où siégeaient M. Levy, président, Mlle Bauer, assesseur, Mme Giletat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 10 décembre 2002.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer