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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2112
 
  CONDITIONS D’ADMISSION À L’AIDE SOCIALE  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers - Résidence
 

Dossier no 001659

M. G...
Séance du 1er octobre 2002

Décision lue en séance publique le 14 novembre 2002

    Au nom du peuple français, la commission centrale d’aide centrale,
    Vu le recours et les mémoires complémentaires présentés par M. G... Boris les 11 janvier 1999, 18 septembre 2000, 17 mai et 23 septembre 2002 tendant à l’annulation d’une décision du 16 octobre 1998 de la commission départementale d’aide sociale de Paris qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet de Paris du 5 juin 1998 rejetant sa demande d’allocation de revenu minimum d’insertion au motif qu’il ne remplissait pas les conditions d’octroi de l’allocation auxquelles sont soumis les étrangers ;
    Le requérant fait valoir que la décision de rejet de la demande d’allocation est signée de la même personne qui a notifié la décision de la commission départementale d’aide sociale, ce qui est contraire aux principes de séparation des pouvoirs ; que la commission départementale d’aide sociale a refusé d’entendre ses observations et ne l’a pas convoqué à la séance publique ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale est insuffisamment motivée ; que, notamment, elle ne mentionne pas les dispositions légales précises dont elle fait application ni les décisions juridictionnelles prises par le tribunal administratif et le Conseil d’Etat ; que la procédure suivie devant la commission départementale n’a pas respecté le principe du contradictoire ;que les avocats connaissent mal la procédure devant les juridictions d’aide sociale ; que le rapport d’instruction ne figure pas dans le dossier soumis à la commission centrale ; que si lui-même et sa femme ne pouvaient justifier, à la date de leur demande d’allocation, de titres de séjour leur donnant droit de travailler depuis trois années, cela résulte des décisions illégales prises par le préfet de police de Paris ; que l’illégalité de ces décisions préfectorales a été constatée par le Conseil d’Etat ; que l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière implique que leur séjour a toujours été régulier ; qu’enfin, la décision du préfet du 5 juin 1998 n’est pas suffisamment motivée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations en défense du préfet en date du 23 août 2000 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le Code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le Code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et les décrets subséquents ;
    Vu les lettres des 11 janvier et 21 mai 2002 invitant le requérant à présenter des observations orales devant la juridiction ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er octobre 2002, Mlle Landais, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le rapporteur a été destinataire de l’ensemble des mémoires et des pièces produites par le requérant, y compris de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris daté du 2 juillet 2002 ; qu’ainsi, le report de la séance n’est pas nécessaire ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens tirés de l’irrégularité de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale :
    Considérant qu’aux termes de l’article 128 du Code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur et repris à l’article L. 134-9 du Code de l’action sociale et des familles : « Le demandeur, accompagné de la personne de son choix, est entendu lorsqu’il le souhaite » ; que cette disposition impose aux commissions départementales d’aide sociale l’obligation de mettre les intéressés à même d’exercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; qu’à cet effet, les commissions doivent soit avertir le requérant de la date de la séance à laquelle son recours sera examiné, soit l’inviter à l’avance à leur faire connaître s’il a l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de sa part, elles l’avertissent ultérieurement de la date de la séance ;
    Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission départementale d’aide sociale de Paris ait convoqué M. G... pour l’entendre en sa séance du 16 octobre 1998 alors pourtant qu’il avait fait connaître son intention d’être entendu pour apporter les précisions nécessaires ; que, par suite, M. G... est fondé à soutenir que la commission départementale d’aide sociale de Paris a statué à la suite d’une procédure irrégulière et à demander, pour ce motif, l’annulation de sa décision du 16 octobre 1998 ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. G... devant la commission départementale d’aide sociale de Paris ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 susvisée, devenu l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum (...), qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle (...), a droit, dans les conditions prévues par la présente loi, à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article 8 de la même loi, devenu l’article L. 262-9 du code précité : « Les étrangers titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au troisième alinéa de l’article 12 de l’ordonnance no 42-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d’un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d’avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l’article 14 de ladite ordonnance, ainsi que les étrangers titulaires d’un titre de séjour prévus par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, peuvent prétendre au revenu minimum d’insertion » ; que, selon le troisième alinéa de l’article 12 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi no 84-622 du 17 juillet 1984 : « La carte de séjour temporaire délivrée à l’étranger qui, désirant exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation, justifie l’avoir obtenue, porte la mention de cette activité, conformément aux lois et règlements en vigueur » ; qu’en vertu du premier alinéa de l’article 14 de l’ordonnance précitée, tel qu’il résulte de la loi du 17 juillet 1984, les étrangers qui justifient d’une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur « d’au moins trois années en France », peuvent obtenir une carte dite « carte de résident » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’indépendamment du respect des autres conditions posées par la loi du 1er décembre 1988 et sous réserve de l’incidence des engagements internationaux introduits dans l’ordre juridique interne, une personne de nationalité étrangère doit, pour se voir reconnaître le bénéfice du revenu minimum d’insertion, être titulaire, à la date du dépôt de sa demande, soit d’une carte de résident ou d’un titre de séjour prévu par un accord international et conférant des droits équivalents, soit, à défaut, d’un titre de séjour l’autorisant à exercer une activité professionnelle pour autant que l’intéressé justifie en cette qualité d’une résidence non interrompue de trois années sur le territoire français ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est d’ailleurs pas contesté par le requérant qu’à la date du dépôt de leur demande tendant à bénéficier du versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion, le 9 mars 1998, M. G... et sa femme ne justifiaient pas d’une résidence non interrompue de trois ans en France sous couvert d’un titre de séjour les autorisant à travailler ; que s’ils font valoir que leur situation était exclusivement due aux décisions illégales prises par le préfet de police, cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, est sans incidence sur la décision du préfet de Paris du 5 juin 1998 dès lors que ce dernier ne pouvait que constater que les conditions légales d’octroi de l’allocation de revenu minimum d’insertion n’étaient pas remplies ; qu’en particulier, la décision du 26 novembre 1997 par laquelle le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière pris à l’encontre de M. G... le 10 février 1997 n’implique pas que ce dernier puisse être regardé comme ayant été titulaire d’un titre de séjour l’autorisant à travailler depuis plus de trois ans à la date de sa demande d’allocation de revenu minimum d’insertion ; que, par suite, le préfet, qui a suffisamment motivé sa décision du 5 juin 1998, pouvait légalement opposer un refus à M. G... ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. G... n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée du 5 juin 1998, du préfet ;
    Considérant, toutefois, que s’il s’y croit fondé et si ce chef de préjudice n’a pas déjà été réparé par l’arrêt du 2 juillet 2002 de la cour administrative d’appel de Paris, M. G... peut demander au juge administratif à être indemnisé du préjudice subi par lui-même et sa femme du fait qu’ils n’ont pu obtenir l’allocation de revenu minimum d’insertion compte tenu de l’abstention du préfet de police de Paris à leur délivrer un titre de séjour assorti d’une autorisation de travailler ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 16 octobre 1998 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par M. G... devant la commission départementale d’aide sociale de Paris est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er octobre 2002 où siégeaient Mme Hackett, président, M. Vieu, assesseur, Mlle Landais, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 14 novembre 2002.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
  M. Defer