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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recouvrement des créances - Hébergement - Succession - Décès
 

Dossier no 010075

Mlle B...
Séance du 20 décembre 2002

Décision lue en séance publique le 14 janvier 2003

    Vu, enregistré le 21 novembre 2000 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociale de la Drôme, le recours introduit par Mme Marie-Claude B... épouse B..., en qualité de tutrice légale de Mlle Isabelle B..., sa sœur, et dirigé contre la décision du 15 septembre 2000 par laquelle la commission départementale d’aide sociale a confirmé celle de la commission d’admission du canton de Nyons de récupérer une somme de 145 000,00 F sur la part des biens reçus par Mlle B..., bénéficiaire de l’aide sociale aux personnes handicapées, à l’occasion de la succession ouverte par le décès de son père survenu le 31 mars 1999, la mise en recouvrement de la créance du département ayant été reportée au décès de la mère de l’intéressée, soit après le 16 mai 2000, et ce par les moyens que :
    1o  La commission cantonale n’a pu faire une exacte appréciation de la situation parce que les successions confondues des (...) deux parents (non pas de l’un puis de l’autre), n’étaient pas terminées au jour de la décision ;
    2o  L’accroissement du patrimoine n’avait pas encore eu effectivement lieu à la date de la décision à défaut « d’homologation par le tribunal de grande instance de l’acte de partager » ;
    3o  L’accord préalable du juge des tutelles, chargé de préserver les intérêts de Mlle Isabelle B..., majeure protégée, est requis avant toute décision, de sorte que celle-ci doit être repoussée ;
    4o  En conséquence, « la demande de recouvrement anticipée de (la) commission (...) » serait mal fondée » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en réponse du 1er décembre 2000 du président du conseil général du département de la Drôme tendant au rejet des conclusions du recours susvisé par les motifs que :
    1o  Le notaire n’a nullement attendu le décès de Mme B..., la mère de la requérante pour procéder à l’ouverture de la succession de son père, M. B..., décédé le 31 mars 1999, une déclaration de succession du 20 janvier 2000 ayant été déposée auprès de l’administration fiscale, de laquelle il ressortait que Mlle Isabelle B... héritait de son père de la nue-propriété de biens d’une valeur de 161.282,36 F, l’usufruit étant laissé à titre universel à la veuve aux termes d’un acte du 28 janvier 1987 ;
    2o  En raison de cette clause de réserve d’usufruit en faveur de la mère, la commission d’admission a reporté l’exercice effectif du recours au décès de cette dernière ;
    3o  Celui-ci étant survenu le 16 mai 2000, l’action en recouvrement de la créance pouvait être mise en œuvre même si le département n’était pas hostile à un report à la liquidation de la succession de Mlle B... de la récupération effective de la créance ;
    Vu, enregistré le 21 mai 2002, le mémoire en réplique de Mme Marie-Claude B..., agissant en qualité de tutrice légale de Mlle Isabelle B... par le secrétariat de la commission de céans, tendant au rejet des conclusions du recours susvisé par les moyens nouveaux que :
    1o  La commission départementale d’aide sociale aurait statué dans des conditions ne garantissant pas le droit à un procès équitable rendu par une juridiction impartiale et indépendante au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 ;
    2o  L’article L. 33465 du code de l’action sociale et des familles reporte au décès de la personne handicapée le recours fondé sur le retour à meilleure fortune de l’intéressée ;
    3o  En tout état de cause, à supposer que cette dernière disposition ne s’applique pas, il y aurait lieu de procéder à un tel report ou d’aménager les modalités de remboursement de la dette de manière à ne pas nuire à l’équilibre psychologique ni à la dignité de Mlle  Isabelle B... ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 décembre 2002, M. Goussot, rapporteur, les observations de Mme Marie-Claire B... et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur l’étendue de la saisine de la commission centrale d’aide sociale :
    Considérant que le Conseil d’Etat ayant jugé dans sa décision La Rosa de décembre 2002 qu’en matière d’aide sociale la requête pouvait être motivée jusqu’à la date de clôture de l’instruction la commission considèrera que a fortiori des moyens fondés sur toutes causes juridiques peuvent être soulevés après l’expiration du délai de recours contentieux ; qu’il y a donc lieu d’examiner l’ensemble des moyens contenus dans le mémoire en réplique ;
    Considérant par ailleurs que si comme l’a fait remarquer l’administration en première instance, la demande était très sommairement motivée, dans les circonstances de l’espèce où il était essentiellement alors demandé d’attendre la liquidation de la succession des parents de l’assistée l’argumentation pouvait être provisoirement différée et que compte tenu à la date de la présente décision de l’homologation du partage de la succession par le tribunal de grande instance de Paris, il y a lieu de statuer sur l’ensemble des moyens soulevés dans le dernier état de l’instruction devant la commission centrale d’aide sociale sans que ne soit opposable une irrecevabilité de la demande pour défaut de motivation de celle-ci ;
    Sur la régularité de la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :
    Considérant qu’il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme ni des autres pièces du dossier que la juridiction ait statué en audience publique ainsi que l’exigent les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que sa décision doit être annulée et qu’il y a lieu d’évoquer la demande ;
    Sur l’interprétation des conclusions de la requête :
    Considérant que dans le dernier état de l’instruction la requérante conteste à titre principal la légalité de la récupération en titre du recours à meilleure fortune issue de la succession de son père ; qu’à titre subsidiaire, elle demande le report de la récupération de tout ou partie de la somme récupérée à son décès ;
    Sur la légalité de la décision attaquée :
    Considérant que la loi du 4 mars 2002 qui supprime pour l’avenir la récupération pour retour à meilleure fortune des frais d’hébergement et d’entretien des handicapés pris en charge par l’aide sociale et qui ne comporte pas de disposition transitoire en disposant autrement ne dispose que pour l’avenir ; qu’à la date des décès de M. B... et de Mme B... comme d’ailleurs à celle de la décision attaquée de la commission d’admission à l’aide sociale la récupération pour retour à meilleure fortune n’avait pas été abrogée, par la législation applicable ; qu’ainsi, et alors même que la présente instance n’était pas achevée à la date d’entrée en vigueur de la loi dont s’agit, le moyen tiré de l’application des dispositions de celle-ci au présent litige ne peut qu’être écarté, sans qu’il soit besoin d’examiner sa seconde branche - tirée de ce que les pertes de recettes imputables à l’application des dispositions nouvelles sont selon la loi prises en compte par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement ;
    Sur les modalités de la récupération :
    Considérant en premier lieu qu’à la date de la présente décision et comme l’indique Mme B... tutrice de Mlle B..., elle-même dans son mémoire en réplique, le tribunal de grande instance de Paris a homologué le partage de la succession de Mme B... décédée le 16 mai 2000 avec laquelle la succession de M. B... son époux décédé le 31 mars 1999 avait été confondue ; qu’ainsi le juge administratif de plein contentieux de l’aide sociale doit en tout état de cause statuer sur les droits du département de la Drôme ;
    Considérant que Mlle B... demande, soit que la récupération soit entièrement reportée à son décès, soit que la créance soit récupérée partiellement sur le produit de la vente de titres faisant partie de son attribution dans la succession et différée jusqu’à son décès à hauteur de sa part dans la valeur de la maison de famille qui demeure en indivision entre les six frères et sœurs héritiers ; que dans son mémoire enregistré antérieurement, à la clôture de l’instruction le 20 décembre 2002, elle demande en outre que soient distraites des sommes éventuellement récupérées les frais qu’elle a dû supporter pour la liquidation de ladite succession ;
    Considérant que la circonstance que Mlle B... s’acquitterait dorénavant de l’essentiel des charges de son hébergement et de son entretien au foyer Les Tilleuls, à Taulignan, n’est pas par elle-même de nature à permettre le report de la récupération dans son ensemble à son décès dès lors qu’il ressort du dossier que les revenus dont elle dispose après affectation de la part réglementaire de ses ressources aux frais d’hébergement et d’entretien suffisent conjugués avec l’aide de fait de ses frères et sœurs à lui assurer une vie normale sinon certes aisée et luxueuse ; qu’il y a lieu toutefois comme il est demandé par la requérante dans le dernier état de l’instruction de déduire des sommes récupérées un montant de 4 717,10 euros, qui correspond aux frais de succession à hauteur de sa part ;
    Mais considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des attestations circonstanciées des cinq frères et sœurs de Mlle B... que ceux-ci unis dans le souvenir de leurs parents et de leur ultime volonté ont souhaité conserver en indivision la maison familiale située à proximité de la dernière résidence des parents et du foyer d’accueil de la requérante pour permettre à celle-ci de continuer à y trouver une fois par mois et pendant les vacances l’accompagnement familial nécessaire à son équilibre qu’elle y avait trouvé jusqu’alors ; qu’un tel projet familial justifie à l’évidence le report de la récupération de la part correspondante de 5 491,00 euros dans la succession de Mme B... au décès de celle-ci ou à la vente de la maison si elle devait intervenir antérieurement,

Décide

    Art.  1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme du 15 septembre 2000 est annulée.
    Art.  2.  -  Il sera récupéré après notification de la présente décision la somme de 9 297,84 euros.
    Art.  3.  -  Il est accordé décharge à Mlle B... de la récupération de la somme de 4 717,10 euros.
    Art.  4.  -  La récupération du surplus de la créance de l’aide sociale de 8 094,00 euros est reportée au décès de Mlle B... ou à la vente de la maison possédée en indivision par les six héritiers des époux B... si celle-ci intervient antérieurement.
    Art.  5.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Nyons du 16 mai 2000 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
    Art.  6.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mlle B... est rejeté.
    Art.  7.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 décembre 2002 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Jegu, assesseur, M. Goussot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 14 janvier 2003
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer