Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2330
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recouvrement des créances - Allocation compensatrice - Donation
 

Dossier no 002102

M. B...
Séance du 20 décembre 2002

Décision lue en séance publique le 9 janvier 2003

    Vu, enregistré le 17 juillet 2000 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Loire-Atlantique, le recours introduit par Maître B..., conseil de Mme Nicole D..., et tendant à l’annulation et à la réformation de la décision du 15 mai 2000 par laquelle la commission départementale d’aide sociale a confirmé celle prise le 8 décembre 1999 par la commission d’admission à l’aide sociale du canton de Nantes 1 de récupérer à concurrence de 58 259,00 F (8 881,53 Euro) le montant de l’allocation compensatrice servie du 9 juillet 1992 au 24 décembre 1999, date du décès de la bénéficiaire, à Mme Paulette B..., sa mère, par les moyens que :
    1o  Les premiers juges n’auraient pas motivé leur décision ;
    2o  La donation consentie par M. B... à sa fille aurait été effectuée en avancement d’hoirie au sens de l’article 1077 du code civil et devrait donc être rapportée à sa succession ;
    3o  Elle proviendrait en réalité de la succession de M. B..., décédé le 29 juin 1986, père de Mme D... ;
    4o  Elle a servi à l’acquisition d’un bien par les époux D... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du département de Loire-Atlantique du 30 octobre 2000 tendant au rejet des conclusions du recours susvisé par les motifs que :
    1o  M. D... a toujours reconnu que la somme litigieuse de 100 000,00 F proviendrait bien d’une donation de M. B... ;
    2o  L’attestation produite par Maître G... « n’apporte pas la preuve que les 100 000,00 F donnés proviennent (...) des fonds de la succession de M. B... (...) » ;
    3o  La destination des fonds à l’acquisition d’un bien n’explique pas leur origine ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 décembre 2002, M. Goussot, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la décision « juridictionnelle » attaquée est à nouveau et de manière particulièrement étonnante eu égard à la nature du litige et à la précision de l’argumentation juridique des parties dépourvue de toute motivation ; qu’il y a lieu de l’annuler et d’évoquer la demande ;
    Considérant d’abord que contrairement à ce que soutient Mme D... le Conseil d’Etat qui a « en tout état de cause regardé comme non établis en fait deux des moyens présentement repris par Mme D... n’a nullement reconnu comme « fondés en droit » lesdits moyens, sur lesquels la commission centrale d’aide sociale est à nouveau appelée à statuer ;
    Considérant d’une part que le recours en récupération au titre de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable s’exerçant à l’encontre des donataires bénéficiaires d’une donation partage ou en avancement d’hoirie n’en demeure pas moins en toute hypothèse un recours contre les donataires et non sur la succession ;
    Considérant d’autre part que s’agissant d’un don manuel de 100 000,00 F effectué en 1991, il n’est toujours pas établi, notamment par la seconde attestation de Maître G..., officier ministériel qui n’était, toutefois, pas le notaire instrumentaire dans la succession de M. B..., en date du 2 janvier 1999, complétant celle du dit notaire connue des juges de l’instance jugée par le Conseil d’Etat le 3 février 1999 en date du 2 avril 1998, que la somme donnée manuellement provenait en fait non d’une libéralité de Mme B... en tant qu’elle tenait de M. B... son époux, décédé le 29 juin 1986 dont la succession n’était pas réglée, la propriété de la moitié des titres et valeurs, biens de communauté, composant cette succession dont l’autre moitié revenait à sa fille Mme D... sous réserve d’usufruit, mais des fonds et valeurs composant cette autre moitié ; que la circonstance qu’au décès de Mme B... le 24 novembre 1997 l’actif fut de 25 198,00 F alors que l’actif de la communauté procédant des droits de M. B... était de 140 42,34 F au décès de celui-ci ne saurait nullement apporter cette preuve s’agissant d’un don manuel intervenu en 1991 ; que, si le notaire attestataire estime que les éléments de fait qu’il évoque, démontrent que « le chèque de 100 000,00 F qui a été remis par Mme B... à Mme D... en juin 1991 représentait indiscutablement la partie de la quote-part de la succession de M. Louis B... revenant à Mme D... en ses qualités de nue propriétaire », son appréciation ne s’impose pas à la présente juridiction et ne soulève pas par ailleurs en l’état des éléments de sa justification une difficulté sérieuse d’appréciation de la situation de droit privé en cause qui justifierait un renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire ; que si cet officier ministériel considère encore que « toute autre appréciation aboutirait à léser Mme D... et ne peut évidemment qu’être inique » il appartenait à son confrère de formaliser en 1991 le don manuel consenti autrement que par la seule inscription au crédit du compte de Mme D... du chèque remis et qu’il n’appartient pas à la collectivité d’aide sociale de supporter les conséquences de la situation ainsi créée, Mme D... pouvant d’ailleurs, si elle s’y croit fondée, mettre en cause la responsabilité du notaire devant l’autorité judiciaire ;
    Considérant ensuite que dans sa décision du 3 février 1999 le Conseil d’Etat avait relevé que Mme B... avait « consenti le 20 juin 1991 à sa fille Mme D... une libéralité » et que, « la circonstance que la somme allouée par sa mère à Mme D... a servi pour partie au financement par elle-même et son mari de l’achat d’un terrain ne saurait faire obstacle » à l’application des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable à l’encontre de la requérante ; que celle-ci persiste à soutenir que les époux D... étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et que, dès lors, seule la moitié du montant de l’acquisition rémunérée avec des fonds de la donation était susceptible d’être appréhendée par la collectivité d’aide sociale, après avoir soutenu que seul l’était le quart au regard des droits de co-propriété des époux séparés de biens dans la maison construite sur le terrain acquis ;
    Considérant que par lettre du 3 mai 1994 le conseil de la requérante indiquait au président du conseil général qu’il s’agissait d’une « donation intervenue entre Mme B... et sa fille Mme D... » ; qu’il ne faisait alors que reprendre les indications de sa cliente, d’ailleurs plus proches des faits que la position ultérieurement soutenue ; que s’agissant d’un don manuel ces indications constituent à tout le moins une présomption susceptible seulement d’être écartée par la preuve contraire ;
    Considérant qu’aucune pièce versée au dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale n’apporte d’élément de nature à détruire ladite présomption ; que dès lors, et ainsi d’ailleurs que l’avait relevé le Conseil d’Etat dans sa décision du 3 février 1999, les conditions d’utilisation de la somme donnée sont sans incidence sur la légalité et le bien fondé de la récupération litigieuse ; qu’au demeurant et en admettant même, que M. D... qui n’a pas été recherché devant les premiers juges ne puisse être utilement attrait dans la présente instance d’appel le moyen serait en tout état de cause sans portée pratique, le président du conseil général étant en droit de rechercher ultérieurement M. D... dans la seule limite de la prescription trentenaire ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme D... à la commission départementale d’aide sociale de Loire-Atlantique doit être rejetée,

Décide

    Art.  1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Loire-Atlantique du 15 mai 2000 est annulée.
    Art.  2.  -  La demande présentée par Mme D... devant la commission départementale d’aide sociale de Loire-Atlantique est rejetée.
    Art.  3.  -   : La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 décembre 2002 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Jegu, assesseur, M. Goussot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 9 janvier 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer