Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Donation
 

Dossier no 010089

M. M...
Séance du 3 mars 2003

Décision lue en séance publique le 27 mars 2003

    Vu premier le recours formé par Mme Rolande M..., épouse B..., enregistré dans les services de la direction départementale des affaires sociales et sociales le 29 août 2000, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne en date du 3 juillet 2000 confirmant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 24 mars 2000 et maintenant à 48 000 F la somme récupérée sur les six donataires et, d’autre part et à titre subsidiaire, à obtenir l’échelonnement de ce remboursement ;
    Elle soutient qu’elle n’était pas informée que sa mère percevait l’allocation compensatrice et que c’est pour cette raison qu’elle n’a pu entreprendre des démarches ;
    Vu second le recours formé pour M. Gérard M..., Mme Gynette M..., épouse B..., M. Roland M..., M. Raymond M... et Mme Bernadette M..., épouse G..., enregistré dans les services de la direction départementale des affaires sociales et sociales le 7 septembre 2000, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 3 juillet 2000 fixant à 48 000 F la somme récupérée sur les six donataires et de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne confirmant la décision de la commission d’admission, d’autre part et à titre subsidiaire, à obtenir une limitation de ce remboursement ;
    Ils soutiennent, en premier lieu, qu’ils n’ont pas été convoqués devant la commission cantonale et qu’ils n’ont ainsi pas pu être entendus par elle, ce qui est contraire aux principes généraux du droit et à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en second lieu, que la commission départementale ne semble pas avoir motivé sa décision au regard des moyens invoqués, en faisant simplement état du maintien de la décision antérieure, en troisième lieu, qu’il y a lieu de les exonérer de tout remboursement, compte tenu de leur situation, de celle de leur mère, gravement handicapée, et de celle de leur père, âgé également, ainsi que de la valeur insignifiante de la propriété reçue, la commission cantonale, qui dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation en vertu de l’article 4 du décret du 15 mai 1961, n’ayant pas pu rendre une décision éclairée, faute de les avoir entendus, en quatrième lieu, qu’ils ignoraient qu’en cas de donation par leurs parents ils pourraient être recherchés en remboursement, en cinquième lieu, que, dans le cas contraire, ils se seraient dispensés de cette donation sans intérêt, en sixième lieu, que la loi fiscale dispense les héritiers en ligne directe de droit de succession jusqu’à 300 000 F par successeur, en dernier lieu, que le décès ab intestat de leurs parents aurait évité le problème aujourd’hui soumis ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2000, présenté par le président du conseil général de la Haute-Vienne, qui conclut au rejet de la requête, il fait valoir, en premier lieu, que la commission d’admission à l’aide sociale a déjà pris une décision favorable aux donataires puisqu’elle a réduit de 6 000 F le remboursement pouvant être demandé, en second lieu, que leur ignorance du versement de l’allocation compensatrice et du remboursement de son montant en cas de donation n’est pas de nature à interdire à une collectivité d’aide sociale de pourvoir à la récupération des prestations versées, en troisième lieu, que la législation fiscale évoquée par les requérants est différente de la législation en matière d’aide sociale, en dernier lieu, que la réglementation applicable aux recours sur succession est également différente de celle applicable en cas de donation ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961 ;
    Vu la lettre en date du 21 octobre 2002 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 mars 2003 M. Peronnet, rapporteur, les observations de maître R... avocat pour les consorts M... et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la requête de Mme Rolande M..., épouse B..., et celle de M. Gérard M..., Mme Gynette M..., épouse B..., M. Roland M..., M. Raymond M... et Mme Bernadette M..., épouse G..., sont dirigées contre une même décision ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
    Sur la recevabilité de la requête de Mme Rolande M... :
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que la commission départementale d’aide sociale avait été saisie par les donataires, à l’exception de Mme Rolande M..., épouse B..., d’un recours dirigé contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 3 juillet 2000 fixant à 48 000 F la somme récupérée sur les six donataires ; que Mme Rolande M..., épouse B..., n’était pas partie à l’instance devant la commission départementale d’aide sociale ; que, dès lors, et bien que la décision confirmant globalement la récupération décidée par la commission d’admission à l’encontre des six donataires lui ait été notifiée, elle n’a pas qualité pour faire appel de la décision rendue par cette commission ; que sa requête n’est donc pas recevable, qu’il appartient à Mme B... qui demande un « échelonnement » des modalités de récupération de formuler une telle demande auprès du payeur départemental ;
    Sur la régularité de la décision attaquée :
    Considérant que les commissions départementales d’aide sociale mentionnées à l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale sont des juridictions ; qu’il suit de là que ces commissions doivent observer les règles de procédure qui n’ont pas été écartées par une disposition législative expresse et qui ne sont pas incompatibles avec leur organisation ; qu’au nombre de ces règles figurent celles selon lesquelles les décisions juridictionnelles doivent être motivées ;
    Considérant que si la décision attaquée, qui se présente sous la simple forme d’une notification, énonce les textes et certaines circonstances de fait sur lesquels elle se fonde, elle ne mentionne ni ne répond au moyens soulevés par les requérants ; qu’il résulte de ce qui précède que M. Gérard M... et autres sont fondés à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée et à en demander pour ce motif l’annulation ;
    Considérant toutefois qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale d’évoquer et de statuer sur le bien fondé de la demande ;
    Considérant que le dernier alinéa de l’article 126 du code de la famille et de l’aide sociale, alors applicable à la commission d’admission à l’aide sociale, qui doit être regardé comme invoqué par la requête bien qu’elle invoque de manière inopérante « les principes généraux du droit français » et l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dispose que : « Le demandeur, accompagné de la personne ou de l’organisme de son choix, est entendu lorsqu’il le souhaite sur décision du président de la commission » ; que ces dispositions imposent aux services du département, qui assurent le fonctionnement de cette commission, de mettre les parties à même d’exercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; qu’à cet effet ils doivent les inviter à l’avance à lui faire connaître si elles ont l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de leur part ils soumettent leur demande au président de la commission et les avertissent ultérieurement, le cas échéant, de la date de la séance ; qu’il n’est pas contesté que ces formalités n’ont pas été accomplies en l’espèce à leur égard ; que M. Gérard M... et autres sont ainsi fondés à soutenir que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ; que, dès lors, il y a lieu d’annuler cette décision ;
    Sur le fond :
    Considérant que d’après le premier alinéa de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur, relatif à la récupération des allocations d’aide sociale, des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : « (...) b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande (...) » ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les sommes versées à Mme Lucienne P..., épouse M... au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne, du 1er décembre 1987 au 30 novembre 1997, se sont élevées à 512 331,05 F (78 104,37 Euro) ; que, par acte du 13 novembre 1993, Mme Lucienne P..., épouse M... et son époux ont fait donation à leurs six enfants de biens estimés alors à 108 000 F (16 464,49 Euro) en nue-propriété, soit 54 000 F par donateur (8 232,25 Euro) ;
    Considérant que la circonstance que les bénéficiaires d’une donation n’aient pas été informés de l’existence du recours en récupération prévu par les dispositions précitées ne fait pas obstacle à l’exercice d’un tel recours par le département ; qu’il en va de même de la circonstance, invoquée par un requérant, selon laquelle celui-ci n’aurait pas eu connaissance du versement des prestations d’aide sociale au donateur ;
    Considérant que le moyen selon lequel les requérants se seraient dispensés de cette donation sans intérêt, s’ils avaient connu l’existence de ce même recours, est sans incidence sur le bien fondé d’un tel recours, qu’il en va de même du moyen selon lequel le décès ab intestat des parents des donataires aurait évité la décision de récupération en cause ;
    Considérant que l’invocation de la loi fiscale, dispensant les héritiers en ligne directe de droits de succession jusqu’à 300 000 F par successeur, est inopérante à l’égard d’une décision de récupération qui trouve son fondement dans une législation distincte ;
    Considérant que le moyen tiré de la situation de la donatrice est inopérant ;
    Considérant que les revenus de M. Gérard M... sont très modestes ; qu’il y a lieu de remettre la créance de 1 372,04 Euro en ce qui le concerne ;
    Considérant que si Mme B... présente des éléments incomplets sur les revenus de son foyer et si les revenus de M. Raymond M... et de Mme G... ne sont pas à eux seuls de nature à justifier la remise de la créance, il résulte de l’instruction, d’une part, que la donation portait sur la petite maison familiale de faible valeur, d’autre part, qu’elle était faite en nue-propriété et que les donateurs l’occupent ; qu’il y a lieu de limiter la récupération à hauteur de 686,02 Euro pour chacun de ces trois donataires ;
    Considérant qu’en l’absence de toute pièce justificative concernant ses ressources produite par M. Roland M... aucune modération de sa créance ne doit lui être accordée ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de Mme Rolande M..., épouse B..., est rejetée.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Vienne du 3 juillet 2000 est annulée.
    Art. 3.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Saint-Sulpice-les-Feuilles du 24 mars 2000 est annulée.
    Art. 4.  -  Les conclusions de M. Roland M... tendant à ce qu’il n’y ait lieu à récupération à son encontre sont rejetées.
    Art. 5.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Gérard M...
    Art. 6.  -  Il y a lieu à récupération à hauteur seulement de la somme de 686,02 Euro à l’encontre de M. Raymond M..., Mme Bernadette G... et Mme Gynette B...
    Art. 7.  -  Le surplus des conclusions de M. Raymond M..., de Mme Bernadette G... et de Mme Gynette B... est rejeté.
    Art. 8.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 mars 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Jégu, assesseur, M. Peronnet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 27 mars 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer