Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Modération - Créance
 

Dossier no 020032

M. B...
Séance du 31 mars 2003

Décision lue en séance publique le 4 avril 2003

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 29 novembre 2001, la requête de Mme Odette B..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision du 4 octobre 2001 de la commission départementale d’aide sociale du Tarn rejetant sa demande contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Lavaur en date du 2 avril 2001 notifiée par lettre du président du conseil général du Tarn du 10 avril 2001 à M. Christophe C... et à elle-même décidant d’une récupération à l’encontre de M. Christophe C... en qualité de donataire de prestations avancées par l’aide sociale à M. Hubert B..., époux de la requérante par les moyens que son mari est inconscient et qu’une surveillance constante est indispensable ; que compte tenu des revenus modestes du ménage une aide était nécessaire pour rémunérer une aide ménagère et que c’est pourquoi le département a été sollicité ; que la situation personnelle et familiale difficile les a contraints à vendre leur ferme, ce qu’ils ont fait à leur petit-fils pour 700 000 F convertis en obligation de soins à sa charge ; qu’il est régulièrement présent tous les jours à leurs côtés et que ses revenus sont modestes (travail de saisonnier et fermage de l’exploitation) ; qu’il n’a pu encore s’endetter pour reprendre l’exploitation et qu’il n’est pas en état de rembourser la créance de l’aide sociale ; que les époux B... ont conservé l’aide ménagère rémunérée avec l’allocation compensatrice malgré la suppression de celle-ci ne pouvant faire autrement ; qu’ils demandent un recours gracieux et un allégement substantiel de la créance pour « faire face » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 4 juillet 2002 le mémoire en défense du président du conseil général du Tarn tendant un rejet de la requête par les motifs que l’acquéreur de la vente litigieuse n’assume pas son obligation de soins puisque Mme B... précise que son petit-fils est sans ressources et qu’en outre M. B... a fait appel à l’aide sociale compte tenu de son état de santé ; qu’en conséquence, la vente du 4 juillet 2000 constitue en réalité une donation déguisée pour une valeur de 700 000 F ; que l’évaluation de l’obligation de soins à la charge de l’acquéreur est manifestement exagérée compte tenu de sa portée et des aides dont bénéficiaient les vendeurs ; que cette donation s’inscrit bien dans le cadre d’exercice du recours sur donataire de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que celui-ci s’exerce à concurrence de la valeur du bien donné et de la créance départementale, et qu’en l’espèce le montant de 150 582,79 F à récupérer représente le montant de la créance départementale inférieure à la valeur de la donation ; qu’en outre l’exercice du recours sur donation n’est nullement conditionné à un niveau de ressources du donataire ; qu’une proposition d’étalement de la dette a été faite ainsi qu’un sursis à récupération par le biais d’une inscription hypothécaire conventionnelle ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret no 901124 du 17 décembre 1990 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 31 mars 2003 Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique et de la même formation ;
    Considérant qu’il ressort de mentions mêmes de la décision attaquée que le rapporteur a été « un adjoint administratif territorial bureau du contentieux auprès de la direction de la solidarité du Tarn » ; que dans cette compétence il est susceptible d’avoir connu l’affaire qui a été jugée par la commission départementale d’aide sociale, et qu’ainsi le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions administratives d’ailleurs rappelé par l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que par décision du 2 avril 2001 la commission d’admission à l’aide sociale de Lavaur a décidé la récupération de « l’intégralité de la valeur de la donation » déguisée procédant selon elle de la vente de la ferme des époux B..., M. Henri B... l’assisté et son épouse Odette, à leur petit-fils M. Christophe C... qui est seul tenu au paiement de la somme récupérée ; que toutefois le président du conseil général du Tarn a le 2 avril 2001 notifié la décision de l’instance d’admission à Mme Odette B... et à M. Christophe C... en indiquant à chacun d’eux que « le règlement de la créance départementale devra être adressé par chèque libellé à l’ordre de M. le payeur départemental du Tarn » ; que s’il a entendu ainsi rechercher Mme B... en l’acquit de la créance de l’aide sociale, une telle imputation serait illégale, et il appartiendra en tout état de cause à Mme B... de faire opposition au titre de paiement qui viendrait à être émis à son encontre (il ne semble pas l’avoir été), seul le donataire pouvant être recherché au fondement de l’article 146 b) du code de la famille et de l’aide sociale, devenu l’article L. 132-8 2o du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que seule Mme B... a déféré à la commission départementale d’aide sociale la décision de la commission d’admission à l’aide sociale qui concernait le seul M. Christophe C... ; que les conditions de notification d’une décision sont sans incidence sur sa légalité alors qu’il résulte de ce qui précède que cette décision ne lui est pas opposable ainsi qu’à son époux mais l’est seulement au donataire que, seul, elle concerne directement ;
    Considérant toutefois que, selon l’article L. 134-4 du code de l’action sociale et des familles qui ne fait aucune différence entre les différents recours dont il appartient au juge de l’aide sociale de connaître, lesdits recours peuvent être formés, d’une part, par le demandeur d’aide sociale et, d’autre part, par le « débiteur d’aliment », qu’à supposer même qu’en matière de récupération sur le donataire « les demandeurs » ne soient pas les demandeurs d’aide sociale mais soit le président du conseil général qui saisit la commission d’admission, soit le donataire lui-même, les époux B... sont en tout état de cause débiteurs d’aliments de leur petit-fils ; que les dispositions précitées ne permettent pas d’écarter le débiteur d’aliments de celui à la charge duquel est mise ainsi la récupération de la possibilité à fournir recours ;
    Considérant qu’il s’ensuit que la requête de Mme Odette B... débiteur d’aliment de M. Christophe C... est recevable ;
    Considérant il est vrai qu’en première instance la requérante a seulement demandé une modération de la créance en ce qui la concerne et que c’est en appel qu’elle invoque la situation financière de son petit-fils lui-même ; qu’en tout état de cause la remise ou la modération constitue une question d’ordre public pour le juge de l’aide sociale selon la jurisprudence du Conseil d’Etat ; qu’en outre en réalité depuis l’origine la requérante entend invoquer les faibles ressources de l’ensemble du groupe familial dans son ensemble comme, en tant que besoin, celles de son ménage mais aussi celles de son petit-fils, ne faisant pas dans la réalité de la situation concrète du groupe familial éprouvé la différence entre la situation des uns et des autres ; que dans ces circonstances il y a lieu pour le juge de l’aide sociale d’interpréter les conclusions recevables dont il est saisi comme tendant à la modération de la créance, de M. C..., le donataire tant en première instance qu’en appel ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que la ferme familiale des époux B... donnée en fermage à une des filles du couple a été vendue au petit-fils moyennant 70 000 F (10 671,43 Euro) payés comptant et une clause de soins et d’entretien évalué à 700 000 F ; qu’à cette dernière hauteur le président du conseil général considère qu’il s’agit d’une donation déguisée ; que si en appel Mme B... indique que son petit-fils même non domicilié sur la ferme « est présent tous les jours à côté de nous » elle n’établit pas, et d’ailleurs en réalité n’élève même pas de contestation à cet égard, que la valeur stipulée à l’acte de vente pour la clause de soins et d’entretien mis à charge de M. C... ne fut pas excessive, nonobstant l’âge relativement peu élevé des donateurs nés en 1930 et 1933, ce que corrobore d’ailleurs l’absence d’exécution à la date de la présente décision des charges stipulées au regard même de la situation modeste qui était celle de M. C... et ne pouvait être ignorée des vendeurs à la date de l’acte de vente ; qu’ainsi le président du conseil général du Tarn établit, ce qui encore une fois n’est pas sérieusement contesté, si même ce l’est, que la vente litigieuse constituait en réalité à hauteur à tout le moins d’une partie suffisante pour la récupération des prestations litigieuses dans la présente instance une donation déguisée ;
    Considérant cependant que, contrairement à ce que l’administration a soutenu et soutient encore devant la commission centrale d’aide sociale en faisant valoir que « l’exercice d’un recours n’est nullement conditionné à un niveau de ressources du donataire », il appartient à la commission d’admission à l’aide sociale sous le contrôle du juge de l’aide sociale d’apprécier le bien-fondé de la récupération et d’accorder le cas échéant une remise ou une modération de la créance ; qu’en première instance Mme B... doit être regardée comme ayant conclu non à la remise mais à la modération à hauteur de 70 000 F (10 671,43 Euro), c’est-à-dire la somme qu’elle se déclarait disposée à rembourser au département ; que ses conclusions n’ont pas été modifiées en appel et qu’en tout état de cause elles correspondent à une équitable appréciation des circonstances de l’espèce ;
    Considérant en effet qu’il résulte de l’instruction que M. Christophe C... n’a pu encore s’installer sur la ferme acquise faute de moyens pour ce faire ; qu’il exerce des activités de saisonnier et que ses revenus sont comme il n’est pas contesté très modestes à la date de la présente décision ; que dans ces conditions il y a lieu de limiter la récupération à la somme de 70 000 F (10 671,43 Euro) ;
    Considérant qu’il appartiendra pour le surplus à M. C... de solliciter comme il y avait été invité un échéancier de paiements du payeur départemental et de réexaminer la possibilité qui lui avait été ouverte par l’administration de reporter la récupération jusqu’à ce qu’il ait pu s’installer sur ses terres et acquérir une situation professionnelle mieux assise, moyennant la souscription d’une hypothèque conventionnelle, l’hypothèque légale n’étant pas inscriptible en ce qui concerne la récupération sur le donataire ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn du 4 octobre 2001 est annulée.
    Art. 2.  -  La récupération pratiquée à l’encontre de M. C... est limitée à 70 000 F (10 671,43 Euro).
    Art. 3.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Lavaur du 2 novembre 2001 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 31 mars 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mlle Bauer, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 4 avril 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer