Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Modération - Créance
 

Dossier no 020462

M. S...
Séance du 31 mars 2003

Décision lue en séance publique le 4 avril 2003

    Vu et enregistré le 9 juillet 1998 à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne, la requête présentée pour M. Philippe S... par Maître Didier B..., Avocat, tendant à ce qu’il plaise à la Commission centrale d’aide sociale annuler une décision du 20 avril 1998 de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne fixant à 91 052 F le montant de la récupération effectuée à son encontre sur le fondement de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale par les moyens qu’il ne bénéficie que d’une donation en nue-propriété d’un bien évalué à 40 000 F et taxé à 2 594 F par la conservation des hypothèques ; que le donateur a voulu conserver l’usufruit de l’immeuble et faire en sorte que ce ne soit qu’à son décès que le bien entrerait dans le patrimoine de son fils ; qu’il ne s’agissait pas d’une fraude dans la mesure où au décès du donateur, le bien revenait en pleine propriété au donataire ; qu’ainsi l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale n’est pas applicable ; qu’il a la charge d’un père aveugle et d’un oncle handicapé qui explique que sa situation est précaire ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré à une date non précisée le mémoire du Président du conseil général de la Haute-Garonne, tendant 1o au rejet de la requête ; 2o à ce que le montant de la récupération soit fixé à 208 601,85 F par les motifs que l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale est applicable à la donation de la propriété d’un bien, fut-elle démembrée ; que la donation est postérieure à la première demande d’aide sociale ; que la commission départementale d’aide sociale a fait une inexacte application de l’article 4 du décret du 10 mai 1961 en limitant le montant de la dette du donataire en se fondant sur des circonstances qui n’ont juridiquement aucune incidences ; que M. S... père bénéficie de la prestation spécifique dépendance pour 5 125 F par mois et que M. S... est pris en compte par le plan d’aide, en qualité d’aide à domicile ; que la valeur actualisée de la donation est de 452 526,35 F et celle de la créance de l’aide sociale de 618 893,25 F ;
    Vu enregistré le 27 juin 2002, les mémoires en réplique présentés pour M. S... persistant dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et les moyens que les donateurs étant décédés, la récupération sur succession doit s’exercer sur la portion de l’actif net successoral défini selon les règles de droit commun excédant le seuil fixé par voie réglementaire ; que l’allocation personnalisée d’autonomie n’est pas récupérable ; qu’il a apporté par son travail une plus-value au bien démembré de 151 398,92 F ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le Code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le Code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret du 15 mai 1961 ;
    Vu le décret 90-1124 du 17 décembre 1990 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 31 mars 2003, Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur les conclusions du recours incident du Président du conseil général de la Haute-Garonne ;
    Considérant que dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, le défendeur de première instance ne saurait étendre, sauf éléments nouveaux de la nature desquels n’est pas le retard important, mis par le Président du conseil général et/ou le Préfet de la Haute-Garonne à régulariser le dossier d’appel apparus en cours d’appel, ses conclusions de première instance (tantum devolutum, quantum appelatum...) ; qu’il ressort des pièces du dossier que dans son mémoire en date du 3 août 1998 qui constitue le mémoire en défense sur la demande formulée par M. S... à la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne, le Président du conseil général de la Haute-Garonne se bornait, comme il l’avait fait d’ailleurs devant la commission d’admission à l’aide sociale à demander une récupération d’un montant de 91 052 F et que le premier juge a fait droit à cette demande ; que le changement de fonctionnaire en charge de l’instruction du dossier, qui explique sans doute l’évolution de la position de l’administration n’autorise pas le Président du conseil général à étendre ses conclusions au-delà de celles qu’il a formulées devant la commission départementale d’aide sociale ; qu’ainsi, les conclusions du recours incident du Président du conseil général de la Haute-Garonne ne sont pas recevables ;
    Sur les conclusions d’appel de M. S... :
    Considérant que la donation d’un bien en nue-propriété, le donateur en conservant l’usufruit et/ou la jouissance de l’immeuble, constitue, contrairement à ce que soutient M. S..., une donation entrant dans le champ d’application de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable, aucune disposition du code civil ne faisant obstacle à une telle inclusion ; que la valeur de la nue-propriété est celle retenue par l’administration, incluse dans l’acte de donation ; que l’absence d’information du donateur et du donataire n’est pas de nature à interdire l’exercice de l’action en récupération du Président du conseil général ; que le décès du donateur, en cours d’instance n’a pas pour effet de transformer le recours litigieux en recours contre la succession du handicapé, le donataire ; qu’en conséquence, les biens donnés demeurent récupérables dès le premier euro et non seulement au-delà du seuil fixé, en ce qui concerne les prestations à domicile en ce qui concerne le recours contre la succession ;
    Considérant que la suppression par la loi du 26 juillet 2001 de toute récupération en ce qui concerne l’allocation personnalisée d’autonomie est sans incidence sur la possibilité de récupérer les prestations d’allocation compensatrice, comme du reste, la suppression par la loi du 17 janvier 2002 de cette possibilité en ce qui concerne ladite allocation, laquelle ne s’applique pas à l’instance en cours, s’agissant d’une décision administrative antérieure à son entrée en vigueur ;
    Considérant que les modalités, dont se prévaut M. S..., de taxation de la nue-propriété par les services fiscaux lors de la donation sont sans incidence sur les droits du Président du conseil général pour l’application, non de la législation fiscale, mais de la législation d’aide sociale ;
    Considérant que si M. S... fait état de ce que pour l’application de l’article 4 du décret du 15 mai 1961, la valeur du bien donné doit être déterminée en déduisant une plus-value tenant compte non seulement des matériaux utilisés mais du travail gratuit du donataire et de ses amis sur le bien donné, il n’apporte en tout état de cause, aucune précision de nature à justifier qu’au regard de la valeur, qui, compte tenu du rejet du recours incident du Président du conseil général de la Haute-Garonne, demeure seule susceptible d’être prise en compte (soit 91 052 F), la prise en compte de telles prestations en nature permettrait de retenir une valeur inférieure à cette dernière ;
    Considérant que ni l’erreur du notaire instrumentaire ni l’absence d’informations sur l’éventualité d’une récupération du donataire et/ou du donateur ne sont, de nature à interdire l’exercice de l’action en récupération contre le donataire par le Président du conseil général ;
    Considérant ainsi que la créance du département s’élève à 619 000 F (arrondis) dont ne sont récupérables en l’état que 91 052 F ; que du fait du décès de M. S... père, le requérant est dorénavant propriétaire de l’ensemble de l’immeuble en pleine propriété, (valeur en 1986) - de 400 000 F ; que toutefois il n’est pas allégué que sa situation financière ait varié pour l’essentiel depuis l’introduction de l’appel ; qu’âgé aujourd’hui de cinquante-sept ans, il était titulaire du revenu minimum d’insertion et que eu égard à son âge, il n’est pas vraisemblable qu’il ait retrouvé une activité professionnelle ; qu’il a toujours la charge d’un oncle handicapé ; qu’à supposer même que son fils étudiant ne soit plus à sa charge, et compte tenu en outre des travaux alors effectués gratuitement sur l’immeuble donné qui ont profité de son vivant au donateur, il y a lieu sinon à remettre, du moins à modérer la créance de l’aide sociale en la ramenant à 5 000 Euro ; que pour le surplus, il appartient, si besoin au requérant de solliciter des délais de paiement auprès du payeur départemental ;

Décide

    Art. 1er.  -  Le montant de la récupération à effectuer sur M. Philippe S... est limité à 5 000 Euro.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 20 avril 1998 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à l’article premier.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête de M. S... et les conclusions du recours incident du Président du conseil général de la Haute-Garonne sont rejetées.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 31 mars 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mlle Bauer, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 4 avril 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer