Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2340
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Légataire universel - Allocation compensatrice pour tierce personne
 

Dossier no 990937

Mlle E...
Séance du 31 mars 2003

Décision lue en séance publique le 16 avril 2003

    Vu le recours formé le 25 septembre 1998 par Mlle Saïda E..., représentée par Maître Claire G..., avocat tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision du 30 juin 1998 de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault et de la commission d’admission de Montpellier décidant d’une récupération à son encontre en qualité de légataire universelle de M. Armand C... par les moyens qu’elle a été instituée légataire universelle par M. Armand C... décédé le 13 novembre 1996 selon testament reçu en l’étude de Maître V... ; que celui-ci percevait l’allocation compensatrice pour tierce personne de son vivant ; qu’à ce titre elle intervenait chez lui deux heures par semaine ; qu’en réalité elle l’avait à sa charge totale vingt-quatre heures sur vingt-quatre puisqu’elle résidait chez lui à titre bénévole durant plus de cinq ans ; que cette réalité est attestée par le maire de Palavas, le Dr M..., médecin traitant de M. C... et un ami proche de celui-ci Jacques O... ; que c’est la raison pour laquelle M. C... a voulu exprimer sa gratitude en lui léguant sa fortune, reconnaissant par là même son dévouement puisqu’elle fut la seule à ses côtés jour et nuit pour le soigner et le prendre en charge moralement et matériellement ; que le conseil général entend récupérer sur le fondement de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale la créance de 217 163,21 F (33 106,32 Euro) ; qu’évoquant le bénéfice de l’article 39 de la loi de 1975 la commission départementale d’aide sociale a rejeté sa demande sans motivation sur cet argument de droit ; que si l’article 146 prévoit le principe pour un département d’un recours contre le légataire, les dispositions de l’article 39 prévoient qu’il n’est exercé aucun recours contre le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé ; que dès lors qu’elle démontre avoir assumé la charge de M. C... au-delà de son intervention de deux heures par semaine, elle doit pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 39 ; que si le conseil général à titre amiable n’entendait pas cette position, il lui paraît possible d’envisager un recours devant le tribunal administratif avec des chances de succès sous réserve de l’appréciation des magistrats ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Hérault en date du 30 novembre 1998 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que M. Armand C... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er novembre 1986 au jour de son décès ; que la créance départementale s’élève à 217 163,21 F (33 106,32 Euro) ; que l’actif net de la succession revenant à Mlle Saïda E..., légataire universelle, s’élève à 2 058 524,65 F (313 820,06 Euro) ; que le recours sur legs est fondé sur l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale et l’article 4 1er et 3o alinéas du décret 61-495 du 15 mai 1961 ; qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 39 II de la loi no 75-534 du 30 juin 1975, celui-ci ne concernant que les ressources sur succession et ne prévoit une dérogation au principe de la récupération qu’au bénéfice des héritiers et non aux légataires ; que de surcroît l’actif net qui reviendra à Mlle Saïda E... après règlement de la créance départementale demeure largement excédentaire s’élevant à 184 361,49 F (280 713,75 Euro) et qu’elle pourra se faire restituer auprès des services de l’enregistrement du centre des impôts compétent les droits de succession indûment réglés ;
    Vu le mémoire complémentaire de Mlle E... Saïda en date du 1re octobre 1998 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que personne ne conteste qu’elle a assumé la charge effective et constante du handicapé ; que confirmation a été adressé le 19 septembre 1997 par la mairie de Palavas au conseil général ; qu’aucune réponse ne lui est parvenue sur ce point ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 31 mars 2003, Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la décision attaquée rejette la demande sans répondre aux moyens non inopérants formulés devant elle, tirés notamment de l’application de l’article 39-2 de la loi du 30 juin 1975 et de sa priorité sur celle de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable ; qu’elle doit être annulée et qu’il y a lieu d’évoquer la demande ;
    Considérant qu’il résulte de l’article 39-II de la loi du 30 juin 1975 que la personne qui a assumé la charge effective et constante de la personne handicapée est exonérée de récupération sur succession ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article 132-8 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 4-I du décret du 15 mai 1961 qu’en cas de recours en récupération contre « la succession » du défunt, il n’y a pas lieu de distinguer entre la situation des héritiers institués par la loi et celle des légataires universels ou à titre universel venant aux droits du défunt en vertu d’un testament de ce dernier, dès lors que ceux-ci bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes charges ; que par suite, ce sont les dispositions du a) et non du c) qui s’appliquent ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Armand C... était bénéficiaire de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er novembre 1986 jusqu’à son décès ; que la créance départementale s’élève à 217 163,21 F (33 106,32 Euro) ; que M. Armand C... a institué Mlle Saïda E... légataire universelle par acte du 16 janvier 1996 devant Maître Bernard V..., notaire à Montpellier ; que l’actif net de la succession s’élève à 2 058 524,65 F (313 820,06 Euro) ; qu’il ressort de divers témoignages et n’est d’ailleurs pas contesté que Mlle Saïda Errido, qui intervenait d’ailleurs officiellement deux heures par semaine en qualité de tierce personne chez M. Armand C..., avait en réalité eu la charge totale, non seulement matérielle, mais psychologique, morale et affective, de la personne lourdement handicapée vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; qu’elle restait en permanence à son chevet sans interruption ; qu’elle s’occupait de lui avec beaucoup de sérieux, d’attention et de prévenance ; qu’elle résidait d’ailleurs chez lui « à titre bénévole » ; qu’il s’ensuit que celle-ci devant être regardée, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, comme ayant assumé la charge effective et constante de M. Armand C..., il ne pouvait y avoir lieu à récupération à son encontre ;

Décide

    Art. 1er.  -  Il n’y a lieu à récupération sur le fondement de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale à l’encontre de Mlle Saïda E...
    Art. 2.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 1er août 1996, ensemble la décision de la commission d’admission de Montpellier du 7 octobre 1997 sont annulées.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 31 mars 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mlle Bauer, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 16 avril 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

            Le président Le rapporteur

            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer