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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2400
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Personnes âgées - Placement - Obligation alimentaire - Récupération
 

Dossier no 001968

Mme D...
Séance du 11 mars 2003

Décision lue en séance publique le 26 mars 2003

    Vu la requête présentée le 31 juillet 2000 par Maître V..., occupant pour Mme Julienne B... et son époux, tendant à l’annulation de la décision du 20 juin 2000 de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze maintenant la décision du 24 mars 2000 par laquelle la commission cantonale d’admission à l’aide sociale de Mercœur a refusé à Mme Pauline D..., mère de la requérante, le bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge des frais de son hébergement au centre hospitalier gériatrique de Beaulieu, du 16 septembre 1999 au jour de son décès, le 9 février 2000, au motif que l’intéressée et ses obligés alimentaires peuvent supporter la dépense ;
    La requérante fait valoir qu’il est de règle, pour l’application de l’article 205 du code civil, que les pensions alimentaires ne s’arréragent pas ; qu’en conséquence, une pension alimentaire ne peut être accordée qu’à compter de la demande en justice et qu’une telle action ne peut être intentée que du vivant du créancier d’aliments ; que, par suite, les obligés alimentaires de Mme D... ne peuvent être recherchés en paiement des frais de séjour de l’intéressée défunte ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations présentées le 17 novembre 2000 par le président du conseil général de la Corrèze, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu’en vertu de l’article 2277 du code civil, l’action en paiement des arrérages d’aliments se prescrit par cinq ans, que celle-ci soit exercée par le créancier d’aliments ou par les personnes subrogées, le cas échéant, dans ses droits ; que s’il est de règle qu’aliments ne s’arréragent point, le créancier d’aliments doit établir, pour en écarter l’application, qu’il était dans le besoin au moment où il a demandé la mise en œuvre de l’obligation alimentaire ; qu’en l’espèce, cette preuve est rapportée par la demande d’aide sociale formée par Mme D... le 16 septembre 1999 ; qu’en outre, compte tenu de son état de santé, Mme D... s’est trouvée, de la date de son entrée au centre hospitalier jusqu’à celle de son décès, dans l’impossibilité d’intenter une action à l’encontre de ses débiteurs d’aliments ; que, dès lors, elle ne peut être regardée comme ayant renoncé à sa créance ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale, ensemble le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées, par une lettre du 7 novembre 2000, de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et aucune d’entre elles n’ayant exprimé le souhait d’en faire usage ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 11 mars 2003, M. Bereyziat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » ; que l’article 208 de ce code prévoit : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit (...) » ; que l’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles, reprenant l’article 144 du code de la famille et de l’aide sociale, dispose : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. La commission d’admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles, reprenant l’article 145 du code de la famille et de l’aide sociale : « En cas de carence de l’intéressé, le représentant de l’Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l’autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l’Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part de l’aide sociale (...) » ; qu’enfin, l’article 2277 du code civil déclare prescrite par cinq ans l’action en paiement des arrérages des pensions alimentaires ;
    Considérant, en premier lieu, que la règle « aliments ne s’arréragent point » est seulement fondée sur la présomption selon laquelle le créancier qui ne réclame pas les termes échus de sa pension est considéré comme étant à l’abri du besoin ; qu’elle n’a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que la personne subrogée dans les droits du créancier défunt puisse rechercher, dans le délai de cinq ans prévu à l’article 2277 du code civil, les débiteurs d’aliments en paiement des pensions dues à l’intéressé de son vivant ; qu’en outre, la seule juridiction compétente pour trancher un tel litige est, en toute hypothèse, le juge aux affaires familiales ; que la dette que chacun des obligés alimentaires est en mesure de supporter ou condamné à assumer ne constitue, pour les juridictions spécialisées de l’aide sociale, qu’un élément de calcul en vue de fixer la contribution d’ensemble de ceux-ci ; que, dès lors, et sans qu’il y soit besoin, comme devant le juge judiciaire, de demander à l’ayant droit de Mme D... de rapporter la preuve, d’une part, que l’intéressée était dans le besoin au cours de la période considérée, d’autre part, qu’elle a effectué en temps utile les diligences nécessaires à la sauvegarde de ses droits ou qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’agir à cette fin, Mme Julienne B... ne peut invoquer, devant la commission centrale d’aide sociale, ni la circonstance que sa mère est décédée, ni la règle selon laquelle « aliments ne s’arréragent point », pour demander la décharge des dettes d’aliments éventuellement mises à sa charge du vivant de l’intéressée ;
    Considérant, en second lieu, qu’il est constant que les ressources personnelles de Mme Pauline D... ne lui permettaient pas de supporter seule les frais de son hébergement au centre hospitalier gériatrique de Beaulieu, dans lequel elle est entrée le 16 septembre 1999 ; qu’en outre, il n’est pas établi ni même allégué, devant la commission centrale d’aide sociale, que les obligés alimentaires de Mme D... soient dans l’incapacité de supporter les dépenses d’hébergement non couvertes par les ressources personnelles de l’intéressée ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B... ne peut qu’être rejetée ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête présentée par Maître V... pour Mme Julienne B... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 mars 2003 où siégeaient M. Belorgey, Président, M. Vieu, assesseur, M. Bereyziat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 26 mars 2003
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer