Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2500
 
  RÉPÉTITION DE L’INDU  
 

Mots clés : Personnes âgées. - Aide ménagère. - Indu. - Recours en récupération
 

Dossier no 991725

Epoux M. .....
Séance du 20 juin 2003

Décision lue en séance publique le 2 juillet 2003

    Vu, enregistrés le 5 mai et le 2 juin 1999, le recours et le mémoire complémentaire présentés par M. et Mme Pierre M..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne du 30 mars 1999 en tant que, par ladite décision, la commission a rejeté leur recours dirigé contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère du 23 juin 1998 décidant le remboursement d’une somme de 136 329,60 F indûment perçue au titre de l’aide sociale aux personnes âgées sous la forme de services ménagers et de portage de repas ;
    Les requérants soutiennent que l’attestation du 21 janvier 1998 de ne percevoir aucune retraite complémentaire a été rédigée par les services de l’aide ménagère et soumise à la seule signature de Mme Raymonde M..., ignorante de la retraite complémentaire d’environ 300 F par mois perçue par son époux M. Pierre M... ; qu’il n’y a eu aucune volonté de dissimulation de ressources ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, présenté le 1er décembre 2000 par le président du conseil général de l’Aisne, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les époux M... ont bénéficié de l’aide sociale pour le portage de repas et l’aide ménagère à domicile, pour la période du 1er novembre 1992 au 31 octobre 1997, accordée sur la base de déclarations de ressources erronées ; qu’ils ont omis de déclarer une retraite complémentaire puis attesté qu’ils n’en percevaient pas, alors que la prise en compte des sommes perçues à ce titre leur faisait dépasser le plafond de ressources fixé pour l’attribution de l’aide sociale ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 mars 2003, présenté par M. et Mme M..., qui reprennent les conclusions de leurs recours par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu’ils n’ont jamais rempli eux-mêmes les dossiers de demande d’aide sociale ; que le dépassement des plafonds de ressources n’est pas établi ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d’assistance ;
    Vu le décret no 54-1128 du 15 novembre 1954 portant majoration d’allocations familiales ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 juin 2003, M. Campeaux, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 157 du code de la famille et de l’aide sociale, repris à l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement » ; que l’article 158 du même code, repris à l’article L. 231-1 du code de l’action sociale et des familles, dispose : « L’aide à domicile peut être accordée soit en espèces, soit en nature. (...) L’aide en nature est accordée, sans préjudice de l’application des dispositions relatives à l’aide médicale à domicile, sous forme de services ménagers (...) » ; que l’article 6 du décret du 15 novembre 1954 dispose : « L’octroi des services ménagers visés à l’article 158 du code de la famille et de l’aide sociale peut être envisagé, dans les communes où un tel service est organisé, au profit des personnes ayant besoin, pour demeurer à leur domicile, d’une aide matérielle et ne disposant pas de ressources supérieures à celles prévues pour l’octroi de l’allocation simple, sans qu’il soit tenu compte, d’une part, des créances alimentaires auxquelles les intéressés peuvent prétendre, d’autre part, de l’allocation logement instituée par la loi du 16 juillet 1971, éventuellement accordée (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. et Mme M... ont obtenu le bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées sous forme de services ménagers et de portage de repas pour une période courant du 1er novembre 1992 au 31 octobre 1997, pour une dépense globale de 136 329,60 F à la charge du conseil général de l’Aisne ; que, par une décision du 30 avril 1998, la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère a refusé de leur renouveler le bénéfice des services ménagers, au motif qu’après enquête il apparaissait que les époux M... bénéficiaient d’une pension complémentaire de retraite dont l’intégration dans leurs ressources provoquait le dépassement du plafond fixé pour l’attribution de cette aide ; que, par une autre décision en date du 23 juin 1998, la commission d’admission a décidé le remboursement de la somme de 136 329,60 F au titre de l’aide indûment attribuée aux époux M... depuis le 1er novembre 1992 au vu de déclarations de ressources inexactes ; qu’enfin, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a confirmé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère en date du 30 avril 1998, au motif que les ressources des intéressés étaient supérieures au plafond, et s’est déclarée incompétente pour statuer sur le recouvrement de prestations antérieurement servies ; que M. et Mme M... contestent cette décision en tant qu’elle rejette leur recours dirigé contre la décision de la commission d’admission en date du 23 juin 1998 décidant le remboursement des sommes indûment perçues ;
    Sur la régularité de la décision attaquée :
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 147 du code de la famille et de l’aide sociale, repris à l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles : « Sans préjudice des poursuites en restitution, quiconque aura frauduleusement perçu ou tenté de percevoir des prestations au titre de l’aide sociale, sera puni des peines prévues aux articles 313-1, 313-7 et 313-8 du code pénal » ; que l’article 9 du décret du 2 septembre 1954 dispose : « Les décisions administratives ou juridictionnelles accordant le bénéfice de l’aide sociale peuvent faire l’objet, pour l’avenir, d’une révision lorsque des éléments nouveaux modifient la situation au vu de laquelle ces décisions sont intervenues. Il est procédé à cette révision dans les formes prévues pour l’admission à l’aide sociale. Lorsque des décisions administratives d’admission ont été prises sur la base de déclarations incomplètes ou erronées, il peut être procédé à leur révision, avec répétition de l’indu. Dans ce cas, la révision est poursuivie devant l’autorité qui a pris la décision. Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, la procédure de révision est engagée par le préfet et l’intéressé est mis en demeure de présenter sa défense » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 125 du code de la famille et de l’aide sociale, repris à l’article L. 131-1 du code de l’action sociale et de la famille : « Sous réserve de l’article 189-1 du code de la famille et de l’aide sociale, les demandes d’admission au bénéfice de l’aide sociale, à l’exception de celles concernant l’aide sociale à l’enfance, sont déposées au centre communal ou intercommunal ou intercommunal d’action sociale ou, à défaut, à la mairie de résidence de l’intéressé. (...) Les demandes sont ensuite transmises, dans le mois de leur dépôt, au représentant de l’Etat ou au président du conseil général qui les instruit et les soumet à la commission d’admission (...) » ; que l’article 128 du même code dispose : « Un recours peut être formé devant la commission départementale contre les décision des commissions d’admission (...) dans le délai de deux mois à compter de leur notification aux intéressés (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que les commissions d’admission à l’aide sociale sont compétentes, sous le contrôle des juridictions de l’aide sociale, pour statuer sur les demandes d’aide sociale aux personnes âgées, ainsi que pour réviser, avec répétition de l’indu, leurs propres décisions prises sur la base de déclarations incomplètes ou erronées ; qu’il s’ensuit qu’en se déclarant incompétente pour statuer sur le recours dirigé contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère en date du 23 juin 1998 décidant le remboursement des sommes indûment perçues par les époux M... au titre de l’aide sociale accordée au vu de déclarations de ressources inexactes, la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a méconnu l’étendue de sa compétence ; que ce moyen, qui est d’ordre public, doit être relevé d’office ; que, par suite, la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle a rejeté le recours des époux M... dirigé contre la décision susdite de la commission d’admission de La Fère du 23 juin 1998 ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur le recours présenté par les époux M... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. M... perçoit depuis 1976 une pension de retraite complémentaire dont le montant trimestriel a varié de 828,85 F à 899,65 F durant la période pendant laquelle les époux M... ont bénéficié de l’aide sociale sous la forme de services ménagers et de portage de repas ; que ces sommes, qui n’ont pas figuré parmi les ressources du couple déclarées lors des demandes successives d’aide sociale, auraient eu pour effet, en les ajoutant aux ressources déclarées, de leur faire dépasser de quelques centaines de francs le plafond de ressources fixé pour l’attribution de cette aide et de provoquer le rejet des demandes successives ; que l’admission des époux M... au bénéfice de l’aide sociale ayant été prononcée sur la base de déclarations incomplètes, le conseil général de l’Aisne était fondé à poursuivre devant la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère, en application des dispositions précitées de l’article 9 du décret du 2 septembre 1954, la répétition de l’indu ; qu’il résulte de ce qui précède que les époux M... ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par la décision du 23 juin 1998, la commission d’admission a décidé le remboursement des sommes indûment perçues depuis le 1er novembre 1992 ;
    Considérant, toutefois, que pour l’application des dispositions précitées de l’article 9 du décret du 2 septembre 1954, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu’à leur qualité de juge de plein contentieux, non d’apprécier la légalité de la décision prise par la commission d’admission compétente pour réviser, avec répétition de l’indu, ses propres décisions, mais de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre partie à la date de leur propre décision ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que les dossiers de demande d’aide sociale au bénéfice des époux M... ont été constitués par les services du Syndicat intercommunal d’aide ménagère de La Fère, dont les responsables ont signé les enquêtes d’aide ménagère indiquant les ressources des demandeurs et omettant, de façon fortuite, la modique pension de retraite complémentaire de M. M... ; que le document signé le 21 janvier 1998 par la seule Mme M..., par lequel elle attestait ne pas percevoir de retraite complémentaire, ne peut être davantage regardé, eu égard à l’âge et à l’état de santé de l’intéressée, comme démontrant une volonté de dissimulation de ressources de la part des époux M... ; que les faibles ressources de ces derniers ne leur permettent pas de restituer la somme fixée par la décision du 23 juin 2003 de la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère ; qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de réformer ladite décision en limitant à 2 000 Euro la somme que les époux M... sont condamnés à rembourser au conseil général de l’Aisne ;

Décide

    Art 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne du 30 mars 1999 est annulée en tant qu’elle rejette le recours dirigé contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du canton de La Fère en date du 23 juin 1998.
    Art. 2.  -  La somme que M. et Mme Pierre M... sont condamnés à rembourser au conseil général de l’Aisne est ramenée de 136 329,60 F (20 783,31 Euro) à 2 000 Euro.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 juin 2003 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, M. Campeaux, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 juillet 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer