Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RÉPÉTITION DE L’INDU  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu
 

Dossier no 992197

Mme R...
Séance du 8 juillet 2003

Décision lue en séance publique le 11 juillet 2003

    Vu le recours formé par Me Alex C..., au nom de Mme Claudia R..., le 6 juillet 1999, tendant à l’annulation d’une décision du 25 mars 1999 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire a annulé une décision de la caisse d’allocations familiales de mai 1995 et décidé de réclamer à Mme Claudia R... le remboursement de l’indu d’un montant initial de 79 708,00 F (12 151,41Euro) versé au titre du revenu minimum d’insertion à M. Louis K... en avril 1992 puis entre les mois de février 1993 et avril 1995 ;
    La requérante soutient d’une part que la commission départementale d’aide sociale n’était pas fondée à remettre en cause la décision du préfet de Maine-et-Loire du 28 juillet 1998 qui l’a déchargée du reversement de l’indu, et d’autre part qu’elle n’était pas bénéficiaire du revenu minimum d’insertion de son ex-époux ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 29 juillet 1999 demandant à Me Alex C... s’il souhaite être entendu ;
    Vu les conclusions en date du 31 août 2000, de M. Louis D..., commissaire du gouvernement ;
    Vu la réponse en date du 21 janvier 2003 du président du tribunal de grande instance d’Angers à la question préjudicielle de la commission centrale d’aide sociale en date du 17 décembre 2002 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 8 Juillet 2003, M. Armand, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 27 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988, devenu l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles : « Un recours contentieux contre les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d’aide sociale, mentionnée à l’article L. 134-6 dans le ressort duquel a été prise la décision (...). La décision de la commission départementale est susceptible d’appel devant la commission centrale d’aide sociale instituée par l’article L. 134-2 » ; qu’aux termes de l’article 29 de la loi précitée, devenu le quatrième alinéa de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir, ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou n’est plus éligible au revenu minimum d’insertion, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article 27 (...) » ; qu’aux termes de l’article 35 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 : « Sauf si l’allocataire opte pour le remboursement de l’indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l’organisme payeur procède au recouvrement de tout paiement indu d’allocation par retenue sur le montant des allocations à échoir dans la limite de 20 p. 100 des dites allocations. A défaut de récupération sur les allocations à échoir, le préfet constate l’indu et transmet au trésorier-payeur général le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. Dans le cas où le droit à l’allocation a cessé, le remboursement doit être fait en une seule fois ou selon un échéancier établi par le trésorier-payeur général. La créance est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l’impôt et aux domaines » ;
    Considérant que M. K... est bénéficiaire du revenu minimum d’insertion depuis le mois d’avril 1992 ; qu’un rapport de contrôle diligenté par la caisse d’allocations familiales d’Angers en date du 15 mai 1995 conclut qu’il existe une vie commune entre M. K... et Mme Claudia R... avec laquelle il avait déclaré, selon ce même rapport, être séparé de fait auprès de l’organisme payeur ; que pour parvenir à cette conclusion ce rapport évoque divers éléments à savoir le fait que le nom de Mme Claudia R... est mentionné sur la boîte aux lettres du domicile de l’intéressé, que « des contacts avec le commissariat confirment la vie de couple » et qu’à l’origine le bail de l’appartement où réside ce dernier comportait les noms des deux intéressés ;
    Considérant que, sur le fondement de ce rapport, un indu a été notifié à M. K... couvrant le mois d’avril 1992 et la période février 1993 avril 1995 ; que la décision d’indu n’est toutefois pas versée au dossier ; que le 7 janvier 1998 un titre de perception pour le recouvrement de 79 708,00 F (12 151,41 Euro) correspondant au montant de l’indu a été émis au nom de « Mme K... R... » ; que le 10 juin 1998, Me C..., au nom de Mme Claudia R ..., a présenté devant le tribunal administratif de Nantes une requête tendant à l’annulation de l’état exécutoire du 7 janvier 1998 ; que par ordonnance no 199456 en date du 28 octobre 1998 le Conseil d’Etat a attribué le jugement de cette requête à la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire ; que, parallèlement, saisi par la déléguée départementale du médiateur, elle-même saisie par Mme Claudia R..., le préfet de Maine-et-Loire a annulé le 28 juillet 1998 le titre de perception précité ; qu’un nouveau titre de perception a été émis au seul nom de M. K... ;
    Considérant que les juridictions de l’aide sociale sont seules compétentes aux termes des textes précités pour connaître des litiges relatifs aux droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’il leur appartient de se prononcer sur l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision ; qu’il en résulte que ces juridictions sont compétentes pour statuer sur la légalité d’un titre de perception relatif au recouvrement d’un indu perçu au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale dans sa décision du 25 mars 1999 a annulé une décision de la caisse d’allocations familiales « en date de 1995 » qui n’est pas présentée devant la commission centrale d’aide sociale, mais dont il y a lieu de présumer qu’il s’agit de la décision initiale d’indu, tout en maintenant la décision de reversement de l’indu à l’encontre de Mme Claudia R ... au motif que celle-ci ne démontre pas qu’il n’y avait pas de vie commune entre elle et M. K... à l’époque des faits ;
    Considérant que cette décision du 25 mars 1999 se borne à rappeler les faits de l’affaire sans se prononcer en droit sur l’ensemble des circonstances de l’espèce à la date de sa décision, et en particulier sans s’interroger tant sur la légalité de l’état exécutoire émis à l’encontre de Mme Claudia R... que sur la recevabilité d’un recours porté devant elle à l’encontre d’une décision qui avait été antérieurement annulée par le préfet de Maine-et-Loire ; que le rapport fait devant la commission départementale d’aide sociale porte d’ailleurs mention du fait que Mme Claudia R... « avait renoncé à son action » ; qu’il y avait lieu, pour la commission départementale, sinon de présumer que Mme Claudia R... s’était désistée après avoir obtenu satisfaction, en tous les cas, de s’interroger sur la nécessité de statuer sur l’affaire ; qu’il résulte de ce qui précède que la décision de la commission départementale d’aide sociale du 25 mars 1999 doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer l’affaire et de statuer ;
    Considérant que la commission centrale d’aide sociale a par question préjudicielle demandé au tribunal de grande instance d’Angers de se prononcer sur la responsabilité pécuniaire de l’épouse d’un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion dans le cas particulier où celui-ci fait l’objet d’une demande de remboursement d’indu ; que par réponse datée du 21 janvier 2003 le président du tribunal de grande instance d’Angers indique à la commission centrale d’aide sociale qu’en application de l’article 220 alinéa 1 du code civil, aux termes duquel « chacun des époux a pouvoir pour passer seul des contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ; toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement », la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 avril 1972 (Bull. Civ. V, no 589) ainsi que dans un arrêt du 19 mars 1986 (JCP éd. N 1988, II, 35) a jugé que les époux étaient solidairement responsables du paiement des sommes dues à une caisse d’allocations familiales dont la créance a pris naissance au cours du mariage, et notamment du remboursement de prestations sociales ;
    Considérant qu’il revient aux juridictions de l’aide sociale de faire application de ce principe de solidarité des époux dans le cadre spécifique de la législation et de la réglementation relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que cette coresponsabilité, aux regards des textes précités du code de l’action sociale et des familles et du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988, ne saurait être mise en œuvre que si la réalité d’une vie de commune entre les intéressés est démontrée pendant la période en cause ;
    Considérant que si le rapport d’enquête précité indique que les intéressés vivaient sous le même toit jusqu’en février 1994, il se borne à mentionner, pour établir la vie commune, à la fois des « contacts avec le commissariat » mais sans qu’aucun détail sur les éléments ayant permis à ces « contacts » de confirmer la vie de couple ne soient toutefois transmis à la commission centrale, des « investigations sur place » permettant de conclure que la requérante habitait chez M. K..., ainsi que le fait que l’employeur de Mme Claudia R... a confirmé que celle-ci était mariée avec M. K... et était domiciliée chez ce dernier ; que ce même rapport précise également que le bail de M. K... portait à l’origine les noms des deux intéressés et que le nouveau bail, établi à la demande de M. K..., et prenant effet le 10 mai 1994, mentionnait Mme Claudia R... en tant que caution ; que ces éléments ne sont pas en eux-mêmes suffisamment probants pour démontrer la reprise ou la continuation de la vie commune pendant la période de l’indu ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce l’indu, dans sa totalité, dont ni la décision initiale, ni la notification n’ont été portés à la connaissance de la commission centrale, et s’il existe, doit être annulé en tant que la réalité de la vie de couple n’est pas démontrée pour la période en cause ;
    Considérant que, s’agissant du moyen soulevé dans le recours devant la commission départementale du 9 juin 1998, et tendant à ce que l’Etat soit condamné à payer à la requérante une indemnité de 5 000,00 F (762,25 Euro), ces conclusions soulèvent un litige distinct qui échappe à la compétence des juridictions de l’aide sociale,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Maine-et-Loire du 25 mars 1999 est annulée.
    Art. 2.  -  La décision d’indu, pour autant qu’elle existe, est annulée.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions du recours daté du 9 juin 1998 devant la commission départementale d’aide sociale est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 juillet 2003 où siégeaient Mme Hackett, président, M. Vieu, assesseur, M. Armand, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 11 juillet 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer