Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2350
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Placement - Recours en récupération - Retour à meilleure fortune
 

Dossier no 010666

Mme M...
Séance du 26 mai 2003

Décision lue en séance publique le 28 mai 2003

    Vu et enregistré le 21 septembre 2000, la requête de l’Association tutélaire des inadaptés de Paris dont le siège est 44, rue Blanche à Paris 9e, agissant par son président, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 20 octobre 2000 en ce qu’elle maintient la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 4 août 2000 pour la radiation du bénéfice de l’aide sociale à compter du 9 février 1978 de Mlle Colette M... Elle demande le maintien de l’aide sociale au motif que les moyens financiers de Mlle Colette M... ne lui permettront pas de faire face à ses frais d’hébergement ; qu’il y aurait lieu d’envisager une remise ou une réduction de la somme initialement récupérée ;
    Vu le nouveau mémoire enregistré le 6 décembre 2000 de l’Association tutélaire des inadaptés de Paris persistant dans ses conclusions. Elle confirme également sa demande d’aménagement pour la récupération de la somme de 1 674 190,89 F au titre de retour à meilleure fortune et conteste la forme de la décision du 20 octobre 2000 prise sans qu’elle est été entendue ni convoquée et exprime ses doutes quant à la publicité de l’audience ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le nouveau mémoire enregistré le 6 décembre 2002 de l’Association tutélaire des inadaptés de Paris persistant dans ces conclusions par les mêmes moyens et les moyens ; que l’audience n’était pas publique ; qu’elle n’a reçu que la nue-propriété des capitaux perçus pour concourir à la récupération de l’aide sociale, mais qu’elle doit jouir des ressources du patrimoine laissé par ses parents ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général du 21 février 2001 tendant au rejet de la requête par les motifs que la requérante peut rembourser les dépenses avancées à son profit ; que le « sacrifice des parents » évoqué ne semble pas vraiment s’appliquer à son patrimoine ; qu’elle dispose de revenus personnels ; que l’Association tutélaire des inadaptés de Paris évoque sa demande de convocation à l’instance à l’audience qui n’est jamais parvenue à l’administration ; qu’il est précisé par la notification que la décision a été délibérée et lue en séance publique le 20 octobre 2000 ;
    Vu et enregistré le 21 mai 2003 le mémoire en réplique présenté par l’Association tutélaire des inadaptés de Paris pour Mlle Colette M... tendant à titre principal à la restitution avec intérêts de droit de la somme récupérée aux fins de nantissement ou à transmission de la seule nue-propriété au département jusqu’au décès de Mlle Colette M... ; à titre subsidiaire, au rétablissement de celle-ci dans ses droits à l’aide sociale à compter du 11 août 2000 par les mêmes moyens et les moyens qu’elle joint sa demande de convocation à l’audience ; que la mention de la lecture en séance publique ne vaut pas mention de l’audience en séance publique ; qu’il serait inéquitable de ne pas lui permettre de bénéficier des revenus du capital que ses parents ont constitué tout en sauvegardant les intérêts du département ; que celui-ci a retenu à tort l’intégralité des revenus des capitaux mobiliers dont par la même décision, il décidait de la vente de l’essentiel aux fins de récupération des prestations antérieures ; qu’elle ne bénéficie plus d’aucun revenus de capitaux mobiliers dont il puisse être tenu compte, le capital restant ayant été placé en rentes mentionnés à l’article 199 septies du code général des impôts ;
    Vu les pièces produites en délibéré par l’Association tutélaire des inadaptés de Paris ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu la lettre en date du 13 février 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 mai 2003, M. Fabrice Courault, rapporteur, Mme Monique V... pour l’ATIP en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la commission centrale d’aide sociale ne peut que statuer en l’état des informations versées au dossier par les parties, auxquelles elle ne peut se substituer pour sa constitution complète, qui n’est toujours pas réalisée malgré les éléments d’information produits en délibéré antérieurement à la lecture de la présente décision par la requérante à la demande de la formation de jugement à l’audience ;
    Considérant que si la décision attaquée porte la mention qu’elle a été lue en séance publique le 20 octobre 2000, elle ne comporte pas celle que l’audience qui a précédé le délibéré tenu le même jour ait été publique ; qu’aucune pièce du dossier n’infirme en tout état de cause cet état des énonciations portées par la commission départementale d’aide sociale dans sa décision ; qu’il y a lieu par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen mettant en cause la régularité de la procédure devant les premiers juges, d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que par une ou deux décisions du 4 août 2000 la commission d’admission à l’aide sociale de Paris 15e a :
        1o  refusé l’admission à l’aide sociale pour l’hébergement des personnes handicapées adultes de Mlle Colette M... à compter du 1er juin 2000 ;
        2o  décidé quelle que soit la pertinence de l’intitulé « radiation de l’aide sociale à compter du 1er février 1978 », la récupération des frais avancés par celle-ci du 1er février 1978 au 31 mai 2000 pour la somme de 1 674 198,89 F ;
    En ce qui concerne la récupération :
    Considérant que le quantum de celle-ci a été précisé dans un récapitulatif du 27 juillet 2000, au dossier, qui n’est pas contesté ;
    Considérant qu’aucune disposition n’impose à la commission d’admission à l’aide sociale de réduire le montant des frais avancés récupérés de telle sorte que le capital procuré par le retour à meilleure fortune de l’assistée génère des revenus exonérés de la prise en compte pour fixer la participation de l’aide sociale aux frais d’hébergement, telles les rentes prévues à l’article 199-7o 2 du code général des impôts ; que la circonstance que les valeurs perçues lors du retour à meilleure fortune pourraient être nanties au profit du département, alors qu’une telle possibilité n’est pas expressément prévue par la législation d’aide sociale, ou que la nue-propriété seule en pourrait être transférée à cette collectivité, ne justifie pas davantage, par elle-même et à soi seule, de reporter dans les circonstances de l’espèce, compte tenu du montant des prestations avancées et de celui des capitaux restants, la récupération au décès de Mlle Colette M...... ; la nécessité en aval d’un accord préalable d’un juge des tutelles pour la libération des fonds à reverser, qui a d’ailleurs été donné en cours d’instance d’appel, demeurant sans incidence dans la présente instance ;
    Considérant que les appréciations portées en termes surprenants sur le « sacrifice » des parents par le mémoire en défense du président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général qui considère qu’il ne « semble pas vraiment s’appliquer », au motif que le patrimoine transmis permet à l’héritier handicapé de toucher les revenus du capital sont sans incidence juridique en l’instance ; que, néanmoins, en l’état de la législation applicable qu’il n’appartient pas au juge de méconnaître par des reports systématiques non imposés par les circonstances de l’espèce au décès de l’assistée, l’aide sociale est en droit de récupérer les frais avancés dès le retour à meilleure fortune de la personne handicapée et sans attendre son décès ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions de Mlle Colette M... tendant à ce que, moyennant nantissement ou transfert de la nue-propriété, le recouvrement de la créance de l’aide sociale soit reporté à son décès, ainsi, en conséquence, que celles tendant à la restitution avec intérêts de droit des sommes versées au département de Paris en exécution de la décision des premiers juges ;
    En ce qui concerne l’admission à l’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées adultes de Mlle Colette M... à compter du 1er juin 2000 ;
    Considérant qu’alors même que ces conclusions n’ont été reprises en appel qu’après l’expiration du délai, il y a lieu d’y statuer ; qu’en effet dès lors que l’appelant peut motiver sa requête jusqu’à la fin de l’instance d’appel il n’y a aucune raison de lui opposer la tardiveté partielle de ses conclusions, parce qu’il l’aurait motivée seulement partiellement dans le délai d’appel ; qu’en tout état de cause les conclusions relatives à la récupération ayant été ci-dessus rejetées, rien ne s’oppose à ce qu’il soit statué sur celles contestant la radiation même présentées seulement dans le dernier état des conclusions de la requérante à titre « subsidiaire » ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté qu’en 2000 le tarif mensuel du foyer d’accueil est de 13 500 F ; que l’administration chiffre les revenus de l’assistée en prenant en compte l’ensemble du capital, y compris la somme à récupérer, alors que déduction faite de celle-ci, il demeurait au mieux (3 000 000 F - 1 648 000 F soit environ 1 300 000 F en capital, mais que se sont les revenus du capital ainsi restant qui doivent être seuls pris en compte, dès lors qu’il ressort du mémoire en réplique que la récupération a été effectuée, même à une date non précisée, (la commission sur ce point comme sur d’autres n’a pas les moyens de se substituer aux parties pour instruire complètement le dossier, quels que puissent être ses pouvoirs inquisitoriaux, qu’elle s’efforce de mettre en œuvre de manière raisonnable compte tenu de ses « moyens » et des éléments fournis par les parties) ;
    Considérant, par ailleurs, que le juge de plein contentieux de l’aide sociale statue, même en cas d’évocation, à la date de sa décision ; que la période d’orientation en foyer sur laquelle a statué la COTOREP va du 1er janvier 2000 au 17 janvier 2005 ;
    Considérant en outre que l’administration expose qu’après récupération il restera à Mlle Colette M... la somme de 769 751,079 F (inférieure à celle d’environ 1 300 000 F par ailleurs envisagée) soit l’équivalent du coût de quatre années en foyer d’hébergement ; que le président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général ne saurait ignorer que ce ne sont que les revenus du capital et non le capital lui-même ; qu’il y a lieu de prendre en compte pour statuer sur l’admission à l’aide sociale et donc sur la radiation ; qu’ainsi la circonstance évoquée est à ce stade inopérante ;
    Considérant également que Mlle Colette M... est née le 29 mai 1941 ; qu’elle est en fait à la retraite du centre d’aide par le travail depuis mai 2001 depuis lors en « accueil occupationnel » de jour selon les renseignements obtenus en cours d’instruction et qu’en outre les derniers bulletins de paye au centre d’aide par le travail paraissent faire état de revenus de l’ordre mensuel de 2 000 F alors que l’administration fait état de 4 700 F ;
    Considérant en définitive que l’état du dossier, tel qu’il a été constitué par les parties et même tel qu’il a été complété pour le délibéré, ne permet pas de fixer la participation de l’assistée avec une certitude suffisante compte tenu de l’évolution de la situation durant la période d’instruction ; qu’il permet toutefois d’affirmer compte tenu des précisions apportées pour le délibéré que les revenus de l’assistée (revenus de capitaux mobiliers diminués des intérêts afférents à la somme récupérée à compter de son versement à l’administration et sous réserve des intérêts afférents à des rentes viagères exonérées par l’article 199-7 2e du code général des impôts auquel renvoie l’article L. 344-5 1er du code de l’action sociale et des familles, sont tant jusqu’à la date de la retraite du centre d’aide par le travail que postérieurement et jusqu’à la date de la présente décision tels que depuis le 1er juin 2000 Mlle Colette M... devait bien continuer à être admise à l’aide sociale et ne pouvait ainsi en être radiée ; qu’il y a lieu par suite de Mlle Colette M... devant le président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général pour que son dossier soit à nouveau soumis à la commission d’admission à l’aide sociale afin que celle-ci statue sur ses droits à l’aide sociale à compter du 1er juin 2000 ainsi qu’il suit : prise en compte des revenus du travail puis des pensions de retraite ; des revenus de la pension d’orphelin tant qu’elle a été versée et de l’ensemble des revenus du capital exception faite de ceux afférents à la somme remboursée au département à compter de la date de ce remboursement et des arrérages de rentes viagères exonérés au titre de l’article 199-7 2e du code général des impôts s’il en existe pour chaque mois de la période du 1er juin 2000 à la date de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale à intervenir ;
    Considérant que compte tenu de la décision ci-dessus intervenue il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la décision de la commission départementale d’aide sociale qui ne pouvaient d’ailleurs en l’état des textes être utilement présentées devant la juridiction de l’aide sociale ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 20 octobre 2000 est annulée.
    Art. 2. - Mlle Colette M... par l’Association tutélaire des inadaptés de Paris est renvoyée devant le président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général afin qu’il soit statué, après admission à l’aide sociale, à l’hébergement des personnes adultes handicapées sur sa participation à ses frais de placement et la participation qui s’en déduit de l’aide sociale à compter du 1er juin 2000 par la commission d’admission à l’aide sociale de Paris 15e, conformément aux motifs de la présente décision en comparant aux tarifs mensuels du foyer d’Issy-les-Moulineaux les ressources de Mlle Colette M... pour les mêmes périodes telles que déterminées dans les motifs de la présente décision et en déduisant après détermination de la somme minimale demeurant à l’assistée chaque mois en application des articles 2 à 4 du décret 77-1548 le montant de la participation mensuelle de l’aide sociale au tarif mensuel du foyer.
    Art. 3. - La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Paris 15e du 1er août 2000 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art. 4. - Les conclusions de Mlle Colette M...tendant à ce qu’il n’y ait lieu à récupération de 1 164 190,089 F, et à ce que le département de Paris soit condamné à lui rembourser cette somme avec intérêts sont rejetées.
    Art. 5. - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 mai 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Kornmann, assesseur, et M. Courault, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 28 mai 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer