Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Retour à meilleure fortune
 

Dossier no 011440

Mlle J...
Séance du 5 mai 2003

Décision lue en séance publique le 11 juin 2003

    Vu la requête du 8 février 2001 de Mme Elise J... agissant pour sa fille Régine J..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme en date du 22 décembre 2000 maintenant la décision de la commission cantonale d’admission à l’aide sociale de Crest Nord en date du 29 septembre 2000 demandant la récupération de 189 032 F d’avances consenties au titre de l’aide sociale pour retour à meilleure fortune à la suite d’une donation-partage en pleine propriété du 25 septembre 1996 dont les services d’aide sociale n’avaient pas été avertis ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Drôme en date du 21 mars 2001 tendant au rejet de la requête par les motifs que le dossier n’appelle pas d’observation particulière si ce n’est que la commission cantonale a usé de son pouvoir d’appréciation pour ne pas souhaiter reporter le recouvrement en 2014 ; qu’il y a lieu, néanmoins, de souligner l’incompréhension avec la tutrice qui maintient que sa fille ne prendra possession des biens qu’au décès de ses parents, alors que les contrats ont été reçus en pleine propriété ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret du 2 septembre 1954 ;
    Vu la loi no 97-60 du 24 janvier 1999 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 5 mai 2003, Mme Giletat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que dans le cadre d’une donation partage du 25 septembre 1991 avec leurs trois enfants les époux J... ont donné à leur fille Régine 165 000 F en espèces ; que cette somme a été placée sur quatre contrats plan épargne retraite expirant le 1er août 2014 et que, compte tenu des intérêts capitalisés, le montant en avait été porté à environ 208 000 F à la date le 19 septembre 2000 de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Crest Nord de récupérer cette somme au titre de retour à meilleure fortune de Mlle J... sur le fondement du a de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable ; que le contrat au titre duquel la somme donnée a été placée avait été souscrit en 1984 pour une durée maximale de trente ans ;
    Considérant qu’ainsi que l’a relevé la commission départementale d’aide sociale dans la décision attaquée constitue un retour à meilleure fortune tout apport nouveau, subit et significatif d’origine externe à l’utilisation normale de ses revenus par la personne handicapée venant accroître le patrimoine ou les revenus de celle-ci ; qu’en l’espèce ont constitué un tel apport tant la somme de 165 000 F donnée à Mlle J... que les intérêts capitalisés courus du fait du placement de cette somme sur les quatre PER sus rappelés et non pris en compte au titre de revenus de la personne handicapée pour la détermination de la participation de l’aide sociale à ses frais de placement ;
    Considérant que devant la commission d’admission à l’aide sociale l’administration a fait valoir qu’il pouvait être envisagé soit de récupérer immédiatement le montant de 189 033 F (capital plus intérêts capitalisés moins 10 % des intérêts perçus), soit de reporter le recours à l’échéance des contrats en cas d’option pour le versement du capital promis, l’option en faveur du paiement d’une rente également possible permettant quant à elle de percevoir alors 90 % des arrérages à venir au titre de la participation de la personne handicapée à ses frais d’hébergement ; que la commission d’admission à l’aide sociale a décidé la récupération immédiate de la somme sus précisée correspondant au capital de 165 000 F donné et aux intérêts procurés par le placement de celui-ci ; que rien ne s’opposait par principe à une telle décision, dès lors que du fait de la date de souscription du contrat il était loisible à tout moment à Mlle J... sous le contrôle du juge des tutelles de procéder au retrait des sommes placées pour les affecter à la créance de l’aide sociale récupérable du fait de son retour à meilleure fortune ; que Mlle J..., requérante par sa mère et tutrice demande que la récupération soit reportée après le décès de sa mère et d’elle-même en faisant valoir qu’en vertu de la donation partage les enfants des donateurs « prendront possession (des biens donnés) après (leur décès) », mais qu’il résulte très clairement des clauses de cette donation que si les donateurs conservaient l’usufruit jusqu’au décès du dernier survivant des biens donnés à leurs deux autres enfants, la somme de 165 000 F est dès la date de la donation la propriété de Mlle J... ; qu’une donation partage en avance de succession demeure soumise aux règles de la récupération sur le donataire et non sur la succession et qu’ainsi la commission d’admission à l’aide sociale et le premier juge pouvaient décider, comme ils l’ont fait, de la récupération immédiate de la somme dite sans attendre le décès des parents de Mlle J... ni le sien ; que si Mlle J... fait en outre valoir qu’en exerçant l’option d’attendre l’expiration du contrat en 2014 l’aide sociale aurait bénéficié d’un « capital intéressant » la commission d’admission à l’aide sociale et la commission départementale d’aide sociale étaient en tout état de cause néanmoins fondées en droit à décider pour les motifs sus exposés d’une récupération immédiate ; qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce à surseoir, quant à son principe, à la récupération ;
    Considérant toutefois que les époux J... ont par la donation partage du 25 septembre 1996 donné à leur fille toutes leurs valeurs mobilières ; qu’il n’est en tout cas pas allégué qu’ils soient en l’état à même en cas de besoin de lui apporter un concours financier significatif ; qu’en outre en ne déduisant que 10 % des intérêts capitalisés des contrats souscrits par Mlle J... la commission d’admission à l’aide sociale et le premier juge ont s’agissant non d’une détermination de la participation de l’assistée à ses frais de placement au titre de ses revenus, mais d’une appréciation globale de la récupération effectuée sur l’ensemble du produit de la donation et de ses fruits, tenu un compte insuffisant d’une part des besoins de celle-ci non couverts par la prise en charge en foyer et le minimum de ressources qui lui est laissé (1 % du montant annuel de l’allocation aux adultes handicapés par mois), d’autre part de l’effort de ses parents en sa faveur dans les conditions ci-dessus rappelées de la donation partage, alors qu’ils auraient pu tout aussi bien disposer leur vie durant, des sommes épargnées et ainsi utiliser pour eux-mêmes l’argent qu’ils ont donné ; que compte tenu de ces circonstances qui sont les unes comme les autres susceptibles d’être prises en compte par le juge de l’aide sociale pour remettre ou modérer la créance de l’assistée ce qu’il peut faire alors même que, comme en l’espèce, il n’est pas expressément saisi de conclusion à cette fin -, il y a lieu de ramener la récupération à 23 000 Euro ;

Décide

    Art. 1er. - La récupération à l’encontre de Mlle Régine J... des prestations d’aide sociale à l’hébergement des adultes handicapés avancées par le département de la Drôme est ramenée à 23 000 Euro.
    Art. 2. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Cretz Est des 22 décembre et 29 septembre 2000 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à l’article premier.
    Art. 3. - Le surplus des conclusions de la requête de Mlle J... est rejeté.
    Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 5 mai 2003 où siégeaient M. Levy, président, M. Froger, assesseur, Mme Giletat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 11 juin 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer