Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Placement - Recours en récupération - Retour à meilleure fortune
 

Dossier no 011588

M. M...
Séance du 26 mai 2003

Décision lue en séance publique le 28 mai 2003

    Vu le recours formé par M. Gérard M..., en date du 4 avril 2001 tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 20 octobre 2000 confirmant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale, en date du 14 avril 2000, en ce qu’elles radient M. François M... du bénéfice de l’aide sociale pour ses frais d’hébergement à compter du 1er novembre 1999 et prononcent la récupération au titre du retour à meilleure fortune de la somme de 276 395,35 F ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en réplique du président du conseil de Paris en date du 5 juin 2001 qui confirme que, du fait de l’emploi sur des comptes bloqués de l’héritage perçu d’un montant de 760 000 F - à la suite du décès de sa mère, le 8 juin 1995, le fait de retrouver la pleine disponibilité de ses capitaux était constitutive d’un retour à meilleure fortune au titre des frais d’hébergement consécutifs au placement depuis le 1er mars 1995 au foyer - résidence Les Graviers à Neuilly-sur-Seine dont le point de départ est fixé au 1er juillet 1995, il soutient également que le patrimoine lui restant après l’exercice du recours en récupération sera suffisant pour financer le foyer pendant dix ans compte tenu de ses ressources de 10 960 F par mois ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 14 février 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 mai 2003 M. Fabrice Courault, rapporteur, M. Gérard M... en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. M... a été admis sur décision de la COTOREP du 6 novembre 1995 prise sur sa demande du 17 mars 1995 par décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Paris 15e du 16 juillet 1996 à compter du 1er mars 1995 à l’hébergement des personnes handicapées adultes pour son placement en foyer ; qu’il est entré au foyer Les Gravières à Neuilly le 24 mai 1995 ; que sa mère est décédée le 8 juin 1995 ; que la succession est échue au requérant et à son frère et tuteur ; que la maison qui constituait essentiellement cette succession a été vendue le 13 novembre 1996 et qu’il a pu être mis fin à l’indivision successorale ; que M. M... a alors perçu 760 000 F correspondant à sa part dans la succession ; que sur autorisation du juge des tutelles du 24 janvier 1997 ces capitaux ont été placés pour 40 000 F sur un livret d’épargne ; pour 350 000 F sur un contrat d’assurance vie ; pour 350 000 F sur un contrat de groupe « handicap intégrance » ; que par décision du 14 avril 2000 la commission départementale d’aide sociale a décidé d’une part de radier M. M... de l’aide sociale à compter du 1er janvier 1999 d’autre part de récupérer au titre de retour à meilleure fortune les prestations de 276 395 F afférentes à la période du 24 mai 1995 au 31 octobre 1999 (il ne sera pas tenu compte d’une décision ultérieure du 12 mars 2001 au dossier comportant récupération de prestations qui n’étaient pas en litige devant la commission départementale d’aide sociale dans la présente instance) ; que saisi par M. M... d’une demande dirigée contre cette décision la commission départementale d’aide sociale n’a statué que sur le retour à meilleure fortune dans sa décision du 15 décembre 2000 ; qu’en appel M. M... reprend l’ensemble de sa contestation ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale sous réserve de la remise ou de la modération de la créance ne peut statuer que dans la limite des conclusions dont il est saisi ; que pour difficile à interpréter que soient les conclusions de première instance et d’appel de M. M... qui à premier examen paraît ne contester que la radiation de l’aide sociale à compter du 1er novembre 1999, il y a lieu de considérer selon le principe qu’il y a lieu d’appliquer en matière d’aide sociale d’interprétation bienveillante des conclusions de requérants juridiquement autodidactes, que, compte tenu de la teneur de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale récupérant des prestations postérieures au retour à meilleure fortune le 8 juin 1995 et statuant dans une seule décision et par le même motif (« présence d’un capital ») sur la récupération des prestations avancées et sur le droit à l’aide sociale, M. M... doit être regardé comme ayant entendu contester tant la récupération pour retour à meilleure fortune que la radiation de l’aide sociale à compter du 1er novembre 1999 devant le premier juge et en appel ;
    Sur la régularité de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de Paris sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 134-9 du code de l’action sociale et des familles « le demandeur accompagné de la personne ou de l’organisme de son choix est entendu lorsqu’il le souhaite devant la commission départementale d’aide sociale » ; que la garantie confirmée par cette disposition de se faire ainsi assister implique que la convocation à l’audience de la juridiction parvienne au demandeur dans un délai tel qu’il lui soit raisonnablement possible de pourvoir utilement à une telle assistance ;
    Considérant que M. M... avait demandé à être entendu par la commission départementale d’aide sociale ; qu’il a été convoqué à l’audience par téléphone trois jours avant ladite audience ; qu’à supposer même qu’une communication téléphonique ne soit pas comme telle écartée ses modalités doivent conférer des garanties identiques à celles d’une convocation écrite ; que quelle que puisse être « l’absence de formalisme » dont se réclame l’administration, le délai laissé à l’assisté pour pouvoir utilement se faire assister à l’audience a été insuffisant ; qu’ainsi la décision attaquée a été prise sur une procédure irrégulière ; qu’il y a eu lieu de l’annuler et d’évoquer la demande ;
    Sur la récupération pour retour à meilleure fortune de M. M... ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté qu’un retour à meilleure fortune est intervenu le 8 juin 1995, au décès de la mère de M. M..., nonobstant la période d’indivision successorale qui s’est poursuivie ensuite jusqu’au début de 1997 ; que la « récupération » pour retour à meilleure fortune ne saurait comme son nom l’indique, porter que sur des prestations avancées par l’aide sociale antérieurement à la date du retour à meilleure fortune et que les revenus procédant du capital reçu ne sauraient eux-mêmes que pourvoir aux même fins ; que dans ces conditions les seules prestations récupérables sont celles avancées pour la prise en charge du 24 mai au 8 juin 1995, soit (arrondi) 995 Euro ;
    Sur la radiation de l’aide sociale au placement des personnes handicapées à compter du 1er novembre 1995 ;
    Considérant qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 137-1 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 1er du décret du 2 septembre 1954 ; qu’au moment de l’admission à l’aide sociale seuls les revenus et non les ressources en capital peuvent être pris en compte ; que le capital hérité susceptible d’être affecté comme il a été dit au titre de retour à meilleure fortune pour l’acquit de prestations avancées postérieurement à ce retour n’est pas davantage susceptible d’être pris en compte pour refuser ou supprimer l’admission à l’aide sociale ; qu’ainsi en tant qu’elle énonce que l’assisté « dispose de capitaux qui lui permettent d’assumer les frais d’hébergement » la décision attaquée manque de base légale et doit être annulée ;
    Considérant qu’à compter de novembre 1999 le montant de la prise en charge est d’environ 13 500 à 14 000 F par mois ; que les revenus de M. M... étaient au moment de la décision des premiers juges de 2 581 F pour les revenus du travail en centre d’aide par le travail de 8 376 F pour une pension d’orphelin ; qu’à eux seuls ces revenus ne permettent pas de couvrir la charge du tarif et que l’admission à l’aide sociale avec garantie de ressources prévue dans la situation de l’assisté serait de droit, en ce qui concerne les revenus si devaient être pris en compte les seuls revenus sus rappelés, n’étaient les intérêts des capitaux hérités placés ;
    Considérant il est vrai que M. M... soutient que ces intérêts ont été capitalisés et sont indisponibles ; qu’ils ne pourraient être ainsi pris en compte ; mais considérant qu’aucune disposition du droit de l’aide sociale ne permet d’exclure des revenus pris en compte les intérêts des capitaux fusent-ils capitalisés par un acte de disposition du demandeur ou du bénéficiaire de l’aide sociale ;
    Considérant qu’au regard de la « logique » de la position de l’administration et du premier juge, le dossier ne comporte aucun renseignement sur le montant des intérêts perçus ; qu’il ne permet pas de s’assurer qu’à compter du 1er novembre 1999 et jusqu’à la fin de la période d’orientation décidée par la COTOREP comme le cas échéant au-delà du 1er mars 2000 les intérêts capitalisés diminués le cas échéant du montant des pénalités légalement et conventionnellement inflictibles pour rupture de contrat dont justifierait M. M... conduisent à un revenu inférieure à la charge du tarif ; qu’ainsi il y a lieu de renvoyer M. M... devant le président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général pour que sa situation au regard de son droit à l’aide sociale soit soumise à nouveau à la commission d’admission à l’aide sociale aux fins ;
    -  en premier lieu de déterminer pour chaque période mensuelle compte tenu du coût du tarif de l’établissement d’une part, de l’ensemble des revenus sus précisés de M. M... d’autre part si celui-ci doit être, si les seconds sont inférieurs au premier, admis à l’aide sociale ;
    -  en second lieu, et s’il peut l’être, de fixer le montant de revenu qui doit lui être laissé compte tenu du nombre de repas pris à l’extérieur (article 2 ou 3 du décret 77-1548) et en conséquence la participation de l’aide sociale à la charge du tarif ;
    Considérant que la commission centrale d’aide sociale observe qu’il est possible de fixer les bases de la participation à déterminer le cas échéant en cas d’admission à l’aide sociale avec une précision suffisante pour procéder par renvoi à l’administration et non par supplément d’instruction contradictoire ; que si, toutefois, M. M... ne s’estimait pas rempli de ses droits par la nouvelle décision à intervenir, il lui appartiendrait de saisir à nouveau le juge de l’aide sociale ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 15 décembre 2000 est annulée.
    Art. 2. - La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Paris 15e du 20 avril 2000 est annulée en tant qu’elle radie M. M... de l’aide sociale à compter du 1er janvier 1999 et réformée en ce qu’elle est contraire aux motifs de la présente décision en tant qu’elle décide de récupérer à son encontre 231 914,68 Euro.
    Art. 3. - Il sera récupéré à titre de retour à meilleure fortune de M. M..., la somme de 995 Euro.
    Art. 4. - M. M... est renvoyé devant le président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général afin que celui-ci soumette à nouveau à la commission d’admission à l’aide social de Paris 15e la situation du requérant à compter du 1er novembre 1999 et jusqu’à l’expiration de la période d’orientation décidée par la COTOREP en ce qui concerne le principe de l’admission à l’aide sociale et le cas échéant la détermination de la participation de l’assisté à ses frais de placement conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 5. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 6. - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 mai 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Courault, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 28 mai 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer