Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Placement - Prise en charge - Aide sociale facultative - Juridictions de l’aide sociale - Compétence
 

Dossier no 011585

M. M...
Séance du 30 juin 2003

Décision lue en séance publique le 12 août 2003

    Vu, enregistré le 7 janvier 2000 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Meuse, le recours introduit par l’association tutélaire de la Meuse (ATM), en sa qualité de tutrice de M. Daniel M..., tendant à l’annulation et à la réformation de la décision rendue le 13 octobre 1999 par laquelle la commission départementale d’aide sociale a annulé celle de la commission d’admission de Commercy du 29 mars 1999 accordant le renouvellement de la prise en charge partielle des frais d’accueil de l’intéressé au service d’accompagnement de la résidence de soutien à la vie sociale du Bar-le-Duc, rejeté la demande de renouvellement litigieuse ainsi que la requête soumise à l’appréciation des premiers juges par l’ATM qui conteste la possibilité même d’exiger de M. M... une participation auxdits frais par le moyen que le décret no 77-1547 du 31 décembre 1977 est applicable en l’espèce ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, le mémoire en réponse du 5 juin 2001 du président du conseil général du département de la Meuse tendant au rejet des conclusions du recours susvisé par les motifs que si le décret du 31 décembre 1977 ne s’applique pas aux services d’accompagnement, c’est en raison d’une « réglementation inadaptée à l’évolution de la prise en charge des personnes handicapées et particulièrement des modes d’intégration sociale » et qu’en tout état de cause M. M... dispose de ressources élevées et d’un capital important ;
    Vu, le mémoire en réplique du 28 août 2001 déposé au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale par Me F..., avocat à Bar-le-Duc, conseil de l’ATM, tendant aux mêmes fins que le recours initial introduit par l’ATM pour le compte de M. M... ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 juin 2003, M. Goussot, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 131-2 du code de l’action sociale et des familles, « les prestations légales d’aide sociales sont accordées par le président du conseil général et les commissions mentionnées à l’article L. 131-5 » ; qu’à ceux de l’article L. 134-1 « à l’exception des décisions concernant l’attribution des prestations de l’aide sociale à l’enfance, les décisions du président du conseil général prévues à l’article L. 134-2 sont susceptibles de recours devant la commission départementale d’aide sociale » ; que si cette rédaction issue de la nouvelle codification de l’ancien code de la famille et de l’aide sociale n’a pas eu pour objet et que ses auteurs n’auraient pu légalement lui donner pour effet de faire échapper à la compétence de la juridiction spécialisée de l’aide sociale, les décisions des commissions d’admission à l’aide sociale statuant sur les demandes de prestations légales, le présent litige relève de l’aide sociale facultative ;
    Considérant en effet qu’il résulte de l’instruction, en admettant que les pièces produites à la juridiction à sa demande par l’administration soient complètes que par arrêté du 15 septembre 1994, le président du conseil général de la Meuse a, après avis du comité régional de l’organisation sanitaire et sociale, « autorisé l’ADAPEI de la Meuse à restructurer le foyer d’hébergement qu’elle gère à Bar-le-Duc par la mise en place de résidence de soutien à la vie sociale sur le site de Bar-le-Duc » et a, dans l’article 3 de cet arrêté précisé « comme les anciens foyers, les nouvelles structures sont habilitées à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale » ; que toutefois, par « note aux agents du service pa/ph » du 2 mars 1995, il a, sans modification préalable du règlement départemental d’aide sociale et/ou passation d’une nouvelle convention avec l’ADAPEI (au vu des pièces transmises) précisé que les « adultes hébergés participant au règlement de leur loyer, de leur nourriture, etc. il n’y a plus de reversement de leurs ressources » ; qu’il a ainsi entendu confirmer les modalités de l’habilitation fixées à l’article 3-1 de l’arrêté pour la nouvelle structure dont les modalités de fonctionnement ressortaient du dossier qui lui avait été soumis pour la modification des conditions de fonctionnement du foyer antérieurement habilité ;
    Considérant que l’arrêté du 15 septembre 1994 publié au recueil officiel des actes administratifs du département est définitif et qu’en tout état de cause la légalité de la note aux agents non retirée dans le délai dont disposait l’administration pour ce faire n’est pas contestée ; qu’il résulte de ce qui précède que l’habilitation à l’aide sociale d’une part, a été modifiée et clairement accordée pour un service et non une prise en charge assurant l’entretien et/ou l’hébergement (seuls les assistés acquittent leur loyer à un « bailleur public » et payent sur leurs propres ressources des repas préparés livrés à domicile), l’arrêté de tarification produit, portant expressément, en conséquence, sur la prise en charge « de l’accompagnement » - et non de frais d’hébergement et d’entretien, d’autre part que dans tous les cas, y compris dès le stade de l’admission même à l’aide sociale, « il n’y a pas de reversement (des ressources) » ;
    Considérant que depuis environ quatre ans, la commission centrale d’aide sociale s’estime de manière juridiquement constructive et nonobstant les termes mêmes des dispositions législatives sus rappelées compétentes pour connaître de litiges relatifs à des structures de prises en charge d’adultes handicapés mélangeant, de manière extralégale, les caractères de l’établissement et ceux du service et présentant le trait commun de ne pas relever en réalité, quelles que puissent être les montages particuliers de chaque dossier, de l’ancien article 168 du code de la famille et de l’aide sociale et du décret 77-1548, mais aussi, contrairement à ce qu’a énoncé la commission départementale d’aide sociale du décret 77-1547 du 31 décembre 1977, applicable à des « foyers » où l’aide sociale contribue à la prise en charge de l’hébergement et/ou de l’entretien selon les termes mêmes de l’article 168 ; que cette position a été prise, contrairement aux jurisprudences du Conseil d’Etat, Sipos du 2 janvier 1983 en ce qui concerne la compétence et le département de la Haute-Garonne contre Canciani du 26 janvier 1995 confirmée ultérieurement sur tierce opposition du département de la Haute-Garonne en ce qui concerne la soumission « d’externats » aux dispositions de l’article 168 alors applicable, pour ne pas « éclater » les interventions étroitement imbriquées des différentes formes d’accueil des adultes handicapés avec participation de l’aide sociale entre juridiction spécialisée et juridiction administrative de droit commun, dans l’attente, constamment souligné par la présente juridiction, d’une modification des textes applicables devenus, comme l’indique encore l’administration dans la présente instance, inadaptés, pour leur adaptation à l’évolution des formes de prise en charge depuis 1975, le plus grand nombre de structures dont la commission centrale d’aide sociale a à connaître n’étant plus des foyers dits « traditionnels » où l’aide sociale prend en charge l’hébergement et/ou l’entretien (soit des internats ou semi-internats) ; que dans la présente espèce, où n’étaient produits ni modification du règlement départemental d’aide sociale, ni convention avec le gestionnaire, la commission centrale d’aide sociale confirmera cette jurisprudence, apparemment acceptée par les collectivités d’aide sociale qui en l’état ne paraissent jamais avoir saisi le juge de cassation, quelle que soit la charge décidée par le juge du fond des frais « de soutien et d’accompagnement » en litiges ; qu’il est de fait, particulièrement souhaitable que l’ensemble des litiges relatifs à la prise en charge institutionnelle relève du même juge spécialisé ; que, toutefois, la présente juridiction constatant que les recommandations qu’elle a constamment cru devoir formuler à l’attention des autorités responsables pour la modification des textes législatifs et réglementaires demeurent sans effet et que le traitement des litiges de la sorte devient, par exemple dans la présente instance, de plus en plus difficile eu égard à la totale « a juridicité » des modalités de « modifications innovantes » ... appliquées par certains départements, se réserve, si le Conseil d’Etat continue à ne pas être saisi, de revenir si elle l’estime inévitable à une application stricte des jurisprudences Sipos et Canciani, qu’elle ne décidera pas toutefois dans la présente décision ; qu’il doit au demeurant être observé qu’une remise à jour des textes apparaît d’autant plus nécessaire que la loi du 2 janvier 2002 a clairement soumis les services pour adultes handicapés à autorisation valant, sauf mention contraire, habilitation et qu’en s’abstenant de préciser légalement les modalités de prises en charge financière des services ainsi autorisés dans un délai raisonnable après l’entrée en vigueur de la loi, l’Etat engage sa responsabilité ; que toutefois, le présent litige concerne la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001 antérieure à l’entrée en vigueur de la loi dans un état du droit où aucun décret n’avait inclus les services pour handicapés adultes au nombre des services autorisés et donc devant être financés au titre de la loi du 30 juin 1975 modifiée ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale doit ainsi se regarder comme compétent pour connaître du présent litige ; que celui-ci doit être regardé comme concernant l’intervention d’un service relevant de l’aide sociale facultative du département de la Meuse ;
    Considérant qu’aucune disposition ne donne compétence à la commission d’admission à l’aide sociale pour statuer sur l’octroi de prestations sociales facultatives, qui relève du seul président du conseil général ; que la commission départementale d’aide sociale de la Meuse devait relever ce moyen d’incompétence qui est d’ordre public ; que sa décision doit être annulée et qu’il y a lieu d’évoquer la demande ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 15 mars 1999 de la commission d’admission à l’aide sociale de Commercy doit être annulée ;
    Considérant que l’arrêté du 4 septembre 1994 et la note du 2 mars 1995 qui, comme il a été rappelé ci-dessus, en a explicité les termes, compte tenu du dossier soumis au comité régional d’organisation sanitaire et sociale sont définitifs et n’ont pas été retirés dans les délais légalement impartis à l’administration pour ce faire ; que comme il a été également dit, la légalité de ces décisions n’est pas contestée ; qu’il en résulte que l’admission à l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’intervention du service d’accompagnement est de droit indépendamment des ressources (et non des seuls revenus) du demandeur d’aide sociale ; que l’association tutélaire de la Meuse pour M. M... est par suite fondée à soutenir comme elle le fait en termes pertinents dans sa demande de première instance qu’ « aucune participation ne peut être demandée ... au titre des frais d’entretien et d’hébergement ... le prix de journée ne concernant que l’équipe éducative et non l’hébergement ou l’entretien des adultes handicapés ; que la solution serait, d’ailleurs, la même s’il devait être considéré contrairement à ce qui vient d’être décidé ; que la structure tarifée est un « foyer en externat » et non « un service » ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Meuse du 16 novembre 1999 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Commercy du 29 mars 1999 sont annulées.
    Art. 2.  -  Du 1er janvier 1999 au 30 janvier 2001, le département de la Meuse assume la charge des frais d’accompagnement de M. M... au service des résidences du sud sans participation de l’assisté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 juin 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Goussot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 12 août 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer