Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Action en récupération - Assurance vie - Donation
 

Dossier no 010910

Mme C...
Séance du 26 mai 2003

Décision lue en séance publique le 28 mai 2003

    Vu la requête formée par le président du conseil général de l’Hérault en date du 18 janvier 2001, tendant à l’annulation de la décision du 18 novembre 2000 de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault annulant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Pignan du 22 octobre 1999 prononçant la récupération de la créance sur le capital d’assurance vie en cas de décès de 59 148,00 F versé à la belle-fille de Mme Marie-Louise P... veuve C..., décédée le 15 janvier 1999, de l’allocation compensatrice au titre d’un recours sur donation ;
    La requête du président du conseil général soutient que la nature exacte du contrat d’assurance vie est une donation indirecte et soumise à ce titre au recours sur donation visé par l’article 146, 2e alinéa, en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées en raison du montant disproportionné par rapport au patrimoine détenu par Mme Marie-Louise P... à son décès et de l’absence d’aléa avéré par le fait que Mme Marie-Louise P... a souscrit ce contrat à l’age de 86 ans ;
    Vu les observations présentées par Mme Thérèse C... veuve C..., faisant valoir sa situation familiale née en 1933, veuve depuis 1983 avec 9 enfants nés en 1972, 1968, 1965, 1961, 1961, 1959, 1957, 1956, 1955 qu’il lui est impossible de reverser intégralement cette somme en une seule fois (lettre du 19 novembre 1999) demande une remise intégrale de cette dette et confirme qu’elle avait été désignée comme bénéficiaire en raison du fait qu’elle avait pris Mme Marie-Louise P..., sa belle-mère, à son domicile durant quelques années, avant de lui trouver une maison de retraite adaptée à son état ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code des assurances ;
    Vu la lettre en date du 14 février 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 mai 2003, M. Courault, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en admettant même, que toute souscription d’un contrat d’assurance vie au profit du bénéficiaire ne constitue pas une donation indirecte susceptible d’être appréhendée par l’aide sociale sur le fondement de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans qu’il soit même besoin d’examiner les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de l’appauvrissement du stipulant à ladite hauteur, au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, la stipulation pour autrui, constituée par le contrat d’assurance vie ne peut être requalifiée en donation que si l’administration de l’aide sociale établit l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable de donation entre vifs alors même que l’acceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, qu’au moment où le promettant lui a versé les sommes dues, en application du contrat après le décès du stipulant ;
    Considérant que la preuve de l’intention libérale doit être apportée alors même que le contrat peut être requalifié non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil, « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’aux termes de l’article L. 132-14 du code des assurances « Le capital ou la rente garantis au profit du bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement de primes » dans le cas indiqué par l’article L. 132-13, 2e alinéa, selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « Ne s’appliquent pas (...) aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées au regard des ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat d’assurance vie ne peut être, requalifié par le juge de l’aide sociale en donation que lorsqu’au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation l’intention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, de renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire ;
    Considérant qu’en l’espèce eu égard tant au patrimoine même presqu’exculsivement immobilier (appartement) de Mme Marie-Louise P..., veuve C... à son décès, qu’à l’âge de la stipulante au moment de la souscription, (86 ans), le versement principal ayant d’ailleurs été fait à 88 ans et au montant des versements effectués de 59 148,00 F, l’administration établit, comme elle en a la charge, contrairement à ce qu’elle soutient, la preuve n’incombant pas au demandeur devant la commission départementale d’aide sociale mais au président du conseil général devant la commission d’admission à l’aide sociale puis aux deux stades de l’instance contentieuse, l’intention libérale de Mme Marie-Louise P... au profit de Mme Thérèse C... veuve C... lors de la souscription du contrat ; que c’est par suite à tort que la commission départementale de l’Hérault a accueilli la demande au motif que le département n’apportait pas la preuve du caractère manifestement exagéré des primes versées ;
    Considérant toutefois qu’il appartient au juge d’appel saisi dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner si la situation du donataire à la date de la décision ne justifie pas une remise ou une modération de la créance alors même que Mme C... se borne à demander la confirmation de la décision attaquée sanctionnant une récupération selon elle illégale et dans la négative un échéancier de paiements qui relève du seul payeur départemental ;
    Mais considérant qu’en se bornant à faire valoir qu’elle a élevé neuf enfants qui ne sont plus à sa charge Mme C... ne fournit pas d’éléments suffisants sur sa situation financière et patrimoniale à la date de la présente décision ; qu’elle se borne en effet à faire valoir qu’elle a réparti le capital versé entre ses neuf enfants et a sollicité comme il a été dit un échéancier de paiements ; qu’aucune pièce du dossier ne permet d’apprécier sa situation ; que la requête ne peut dans ces conditions être que rejetée ; qu’il appartiendra à Mme P... dans le cadre de la solidarité familiale de solliciter le retour de tout ou partie des sommes données pour s’acquitter de la créance et dans la négative de solliciter des délais de paiements qu’il n’est pas dans le pouvoir de la présente juridiction de lui accorder elle-même auprès du payeur départemental,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 18 novembre 2000 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande de Mme veuve C... présentée par la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 mai 2003 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Courault, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 28 mai 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer