Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 011956

Mme M...
Séance du 29 septembre 2003

Décision lue en séance publique le 14 octobre 2003

    Vu le recours formé par Mme Ginette M... et sa lettre d’observations, enregistrés au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 6 août 2001 et le 12 novembre 2001, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Cher en date du 11 juin 2001, rejetant sa requête et confirmant le recours sur donataire à hauteur de 196 000,00 F ;
    Elle soutient que son père n’a pas compris les conséquences d’une admission à l’aide sociale ; qu’elle n’a pas été informée du dossier constitué à cet effet ; qu’elle s’est longuement consacrée à ses parents, tous deux handicapés et aujourd’hui décédés ; que le remboursement de la somme réclamée paraît impossible, en raison des modestes ressources de son couple et la contraindrait à vendre la maison donnée par son père, dans laquelle elle vit avec son époux ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2001, présenté par le président du conseil général du Cher, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la commission départementale d’aide sociale a fait une juste application des dispositions du code de l’action sociale et des familles en décidant le recours à hauteur de 196 000,00 F, alors que la requérante a été donataire de biens immobiliers d’une valeur de 200 000,00 F et a hérité de liquidités d’un montant de 198 140,12 F ;
    Vu la lettre d’observations complémentaires, enregistrée le 23 juin 2003, présentée par Mme Ginette M..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu l’ordonnance no 2000-1249 du 21 décembre 2000 ;
    Vu le décret no 90-1124 du 17 décembre 1990 ;
    Vu la lettre en date du 23 octobre 2001 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 29 septembre 2003, M. Peronnet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. Elle comprend en outre : trois conseillers généraux élus par le conseil général ; trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l’Etat dans le département » et qu’aux termes de l’article 8 du décret du 17 décembre 1990, « La commission départementale d’aide sociale ne peut valablement délibérer que si la majorité absolue de ses membres ayant voix délibérative est présente » ;
    Considérant qu’il ressort des mentions de la décision attaquée que la commission départementale d’aide sociale du Cher a délibéré, lors de sa séance du 11 juin 2001, en la seule présence du président, d’une « personnalité nommée à cet effet par monsieur le préfet du Cher », du rapporteur et du rapporteur adjoint ; que si, en vertu du sixième alinéa de l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale, maintenu en vigueur par l’ordonnance du 21 décembre 2000, il peut être adjoint au secrétaire de la commission, qui assure les fonctions de rapporteur, un ou plusieurs rapporteurs ayant, comme le secrétaire de la commission, voix délibérative, ces dispositions ne peuvent avoir pour objet de permettre de compenser l’absence de conseillers généraux et de fonctionnaires par la désignation de plusieurs rapporteurs pour la même affaire, en vue de respecter le quorum fixé par le décret susmentionné, lequel d’ailleurs n’était en tout état de cause pas atteint ; qu’ainsi la commission départementale d’aide sociale du Cher, en statuant avec la participation, outre du président, d’un seul des six membres appartenant aux deux collèges précités, auquel s’étaient joints deux rapporteurs, avait une composition irrégulière ; que, dès lors, sa décision doit être annulée pour ce motif ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant que d’après le premier alinéa de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur, relatif à la récupération des prestations d’aide sociale, des recours sont exercés par le département « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Alexandre P... a bénéficié d’une allocation compensatrice servie par le département du Cher à compter du 15 juin 1987 ; que les sommes versées à ce titre du 1er décembre 1989 au 30 octobre 1998 se sont élevées à 295 351,85 F (45 026,10 Euro) ; que le 3 novembre 1984 M. Alexandre P... a fait donation à sa fille, Mme Ginette M..., de biens immobiliers estimés alors à 196 000,00 F (29 880,01 Euro) selon les indications non contestées du département et sans que les mentions de l’acte de donation n’infirment ce montant ;
    Considérant que le moyen tiré de ce que M. Alexandre P... et son épouse n’ont pas perçu les conséquences de l’admission à l’aide sociale de celui-ci est sans incidence sur le droit du département à exercer un recours sur le fondement de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ; que la circonstance que Mme Ginette M... n’ait pas été informée de la demande d’aide sociale formulée par son père ne fait pas davantage obstacle à l’exercice d’un tel recours ; que, par ailleurs, le fait que la requérante se soit occupée de son père n’est pas, à lui seul, de nature à faire regarder la récupération comme illégale ;
    Considérant que si la décision de récupération est fondée dans son principe, il doit être tenu compte de la situation de Mme Ginette M... qui, âgée de 56 ans et sans ressources personnelles, vit avec son époux, lui-même titulaire d’une pension de retraite d’un très modeste niveau qu’il ressort du dernier avis d’imposition fournit titre 2001 que les revenus de pension avant toute déduction étaient de 11 567,00 Euro, que le ménage percevait en outre 542 000,00 Euro (net) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que si l’intéressée a reçu en héritage, suite au décès de son père survenu le 9 janvier 2000, des liquidités d’un montant de 198 140,12 F (30 206,27 Euro), elle prétend sans être contredite que cet actif a servi à restaurer la maison donnée, qu’elle habite désormais ; qu’il y a lieu en conséquence de limiter à 10 000,00 Euro le montant de la récupération exercée contre le donataire,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Cher en date du 11 juin 2001 est annulée.
    Art. 2.  -  Le montant de la récupération décidée par la commission d’admission à l’aide sociale à l’encontre de Mme Ginette M..., donataire, est ramené à 10 000,00 Euro.
    Art. 3.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 27 février 2001 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées auxquels il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 septembre 2003 où siégeaient M. Levy, président, M. Pages, assesseur, M. Peronnet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 14 octobre 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer