Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 020030

M. B...
Séance du 27 novembre 2003

Décision lue en séance publique le 9 janvier 2004

    Vu les recours formés par 1) M. Yves B... demeurant à Liverdun en date du 19 novembre 2001 ; par 2) M. Franck B... demeurant à Liverdun en date du 12 novembre 2001 ; par 3) M. Patrice B... demeurant à Liverdun en date du 19 novembre 2001 ; par 4) M. Jérôme B... demeurant à Charmes en date du 16 novembre 2001 ; par 5) Mme Carole V... demeurant à Liverdun en date du 19 novembre 2001, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 10 septembre 2001, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Meurthe-et-Moselle confirmait la décision de la commission d’admission de Nancy I en date du 4 avril 2001 de récupération sur donataire ;
    M. Patrice B... soutient qu’il met en cause l’Union des mutuelles de Meurthe-et-Moselle qui avait été désignée en qualité de curateur avec mission de gérer ses biens et d’informer au mieux les enfants et les petits-enfants ; qu’il met en cause le notaire qui, à aucun moment, ne les a mis au courant d’une éventuelle récupération et qui leur devait des explications sur un système méconnu dans ses obligations de conseil ; qu’il doit faire appel à l’entraide familiale au quotidien, notamment à sa sœur, Mme Carole V..., qui le nourrit tous les soirs ; qu’il est suivi par le CCAS ainsi que par la Croix-Rouge à la suite d’un divorce douloureux où son épouse demande un doublement de la pension alimentaire ; que le jugement sera rendu prochainement, ce qui lui fait d’énormes frais d’avocat ;
    M. Franck B... soutient que ni la tutrice (l’Union des mutuelles de Meurthe-et-Moselle) ni le notaire ne l’avaient informé de la possibilité d’une récupération alors qu’ils avaient un devoir d’information ; qu’il n’est donc pas du tout d’accord avec cette récupération ; que, d’autre part, il souscrit à l’entraide familiale du fait du dénuement de ses parents et de son frère Patrice à la suite de son divorce ; qu’il est marié avec deux enfants à charge ; que son salaire est tout à fait ordinaire ; qu’il lui est donc impossible de rembourser une telle somme ; qu’il estime que seuls la tutrice et le notaire sont responsables ;
    M. Jérôme B... soutient que ses parents l’ont précédé lors de la séance et que son père a présenté in extremis un document attestant que le capital était réservé sur un compte utilisé uniquement à cet effet, aux nom et prénom de sa grand-mère ; qu’à la vue de ce document, le président de séance ne l’a pas regardé ni pris en considération, que la remarque de l’agent des services fiscaux résume à elle seule le contexte « Il y a de l’argent » ; que c’est la preuve que le problème de fonds n’a pas été traité et que la seule préoccupation de la commission est de recouvrer cette somme ; qu’il attend donc de l’Etat une commission neutre pour dialoguer et délibérer ;
    M. Yves B... soutient qu’il n’a pas été informé de la possibilité de récupération par l’union départementale des mutuelles de Meurthe-et-Moselle, ni par le notaire ; qu’il rappelle que c’est par jugement du 28 novembre 1997 que le tribunal de grande instance de Nancy a maintenu la décision du juge des tutelles du 20 août 1997, autorisant son père, M. Alfred B..., de lui consentir une donation en avancement d’hoirie pour une somme de 100 000 F (15 244,90 Euro) compte tenu de sa situation d’extrême dénuement ; qu’en effet ses revenus s’élevaient pour lui et son épouse à 3 200 F (487,84 Euro) par mois et qu’il en était ainsi depuis plusieurs années, ayant été en chômage depuis 1988, ce qui a d’ailleurs abouti à un dossier de surendettement ; qu’actuellement âgés de soixante-et-un et cinquante-huit ans, son épouse et lui n’ont de travail ni l’un ni l’autre ; que leurs revenus, composés uniquement d’allocations Assedic, sont toujours très faibles ; qu’il leur est impossible de régler la somme de 115 797,37 F (17 653,20 Euro) en restitution de la donation reçue de leur père, laquelle leur a permis uniquement de survivre et de les aider à payer leurs dettes ;
    Mme Carole V... soutient qu’elle met en cause le notaire et la tutrice qui géraient les affaires de son grand-père, car si ces conseils l’avaient informée, elle n’aurait jamais accepté la donation ; qu’elle est actuellement au chômage avec trois enfants à charge ; qu’elle subvient aux besoins de son frère Patrice pour l’alimentation de nombreuses autres choses ; que depuis le licenciement de ses parents et leur dénuement, elle s’est investie pour leur permettre de vivre décemment ; qu’elle ne peut accepter cette décision, étant totalement surendettée ;
    Vu l’avis du président du conseil général de Meurthe-et-Moselle en date du 24 décembre 2001 qui conclut au rejet de la requête par les moyens qu’il souhaite l’application de l’article L. 132-8, 2o et 3o alinéas, du code de l’action sociale et des familles, soit la récupération des montants des donations consenties par M. Alfred B... à ses enfants et petits-enfants alors qu’il bénéficiait de l’allocation compensatrice pour tierce personne ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Yves B... en date du 15 avril qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’il se trouve dans une situation catastrophique ; qu’il a expliqué sa situation au Président de la République qui lui a répondu qu’il ne pouvait pas modifier une décision de justice ; qu’il espère qu’avec la nouvelle loi de l’APA supprimant la récupération sur donation, il espère que le conseil général de Nancy pourra annuler cette dette ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Patrice B... en date du 1er octobre 2003, fournissant les pièces justificatives de ses ressources et de ses dépenses ;
    Vu le mémoire complémentaire de Mme Carole V... en date du 30 septembre 2003, fournissant les pièces justificatives de ses ressources et de ses dépenses ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Yves B... en date du 30 septembre 2003, fournissant les pièces justificatives de ses ressources et de ses dépenses ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Franck B... en date du 1er septembre 2003, fournissant les pièces justificatives des ressources et des dépenses ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Jérôme B... en date du 30 septembre 2003, fournissant les pièces justificatives des ressources et des dépenses ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre en date du 14 janvier 2002 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2003, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il y a lieu de joindre les cinq requêtes susvisées relatives aux conséquences de mêmes donations en ce qui concerne la récupération sur le donataire prévue à l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que seuls MM. Yves, Jérôme, Patrice et Franck B... ainsi que Mme Carole V... font appel devant la commission centrale d’aide sociale ; que la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de Meurthe-et-Moselle du 10 septembre 2001 est définitive à l’encontre des sept autres donataires ; qu’en toute hypothèse, il n’appartient à la commission centrale d’aide sociale de statuer que sur les conclusions dont elle est saisie par cinq des donataires ;
    Considérant que si M. Jérôme B... met en cause l’attitude et le « discours social et pédagogique » du président et des propos d’un membre de la commission départementale lors de l’audience qui a précédé la décision attaquée, les éléments qu’il invoque ne sont pas de nature en tout état de cause à entacher tels qu’ils sont énoncés, la régularité de ladite décision, quelle que puisse être l’opportunité, à les supposer établis, des propos et comportements critiqués ;
    Considérant qu’il doit être indiqué à M. Yves B... que la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale sont des juridictions, même si leurs visibilité comme telles n’est pure manifeste ; que le Président de la République pouvait et devait dès lors, comme il l’a fait, indiquer au requérant qu’il ne lui appartenait pas de modifier des décisions de justice ;
    Considérant que par sa décision du 4 avril 2001, la commission d’admission à l’aide sociale de Nancy I a décidé d’opérer un recours sur donataire ; que par sa décision du 10 septembre 2001, la commission départementale d’aide sociale de Meurthe-et-Moselle a confirmé cette décision ; qu’il n’est pas contesté que, d’une part, M. Alfred B... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er avril 1990 au 30 novembre 1999 et que la créance départementale s’élève à 310 038,14 F (47 265,01 Euro) ; que, d’autre part, M. Alfred B... a fait don à ses enfants et petits-enfants d’une somme totale de 415 000 F (63 266,34 Euro) par actes des 10, 19, 20, 24 février, 7 mars 1997 et 3 mars 1998 devant maître Jacques L..., notaire à Nancy ; à M. Bernard B..., son fils, la somme de 55 000 F (8 384,70 Euro) ; à Mme Joëlle B..., sa fille, de la somme de 100 000 F (15 244,90 Euro) ; à M. Yves B..., son fils, de la somme de 55 000 F (8 384,70 Euro) ; à M. Jérôme B..., son petit-fils, de la somme de 15 000 F (2 286,74 Euro) ; à Mlle Karine B..., sa petite-fille, de la somme de 15 000 F ; à Mlle Marie-Amélie M..., sa petite-fille, de la somme de 15 000 F ; à M. Patrice B..., son petit-fils, de la somme de 15 000 F ; à M. Franck B..., son petit-fils, de la somme de 15 000 F ; à Mme Carole V..., sa petite-fille, de la somme de 15 000 F ; à M. Olivier M..., son petit-fils de la somme de 15 000 F ; à M. Yves B... de la somme de 100 000 F (15 244,90 Euro) ; que M. Alfred B... est décédé le 10 novembre 1999 ; que l’actif net successoral s’élève à 766 044,16 F (116 782,68 Euro) ;
    Considérant que les donations ont bien été effectuées dans la période définie par l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que le défaut d’information est par lui-même sans incidence sur la légalité et le bien-fondé de la récupération ; qu’il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale d’apprécier la responsabilité du curateur ou du notaire ;
    Mais considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, au vu des éléments du dossier soumis à son appréciation, d’estimer si une modération ou une remise de la somme demandée au titre notamment d’un recours en récupération sur donataires est justifiée ;
    Considérant que compte tenu de leurs charges de famille, les ressources des foyers de Mme Carole V..., MM. Franck, Jérôme et Patrice B... qui ont chacun reçu 15 000 F (2 286,74 Euro) et sont recherchés à proportion pour 11 206 F (1 708,34 Euro) sont modestes mais ordinaires ; que les difficultés de la situation proviennent du constat des charges proportionnellement importantes au regard des ressources à raison d’un divorce pour M. Patrice B..., des charges de logement ou de remboursement d’emprunts divers par les autres précités ; qu’il ressort du dossier et notamment des budgets produits que le payeur a fixé des échéances de remboursement de la créance de l’aide sociale précisément chiffrées en fonction des situations respectives des donataires tels que les remboursements sollicités ne modifient pas fondamentalement leurs situations ; qu’il appartient aux plans de surendettement établis par les autorités administratives, ou juridictionnelles compétentes de tenir compte de la créance de l’aide sociale dans les décisions qu’elles arrêtent ; que dans ces conditions il apparaît, même si leur situation n’est pas entièrement identique, qu’il sera fait une équitable appréciation de la situation des intéressés et des impératifs de la collectivité d’aide sociale, en réduisant pour chacun d’eux de moitié la créance de l’aide sociale, compte tenu, par ailleurs, des circonstances particulières de l’espèce soulignées par la conseillère en économie sociale et familiale du centre communal d’action sociale de Liverdun, caractérisées par un fonctionnement du groupe familial en situation difficile, voir précaire d’aide réciproque s’ajoutant au suivi et aux aides du centre communal d’action sociale ;
    Considérant que le foyer de M. Yves B..., retraité, a des revenus très modestes ; qu’il est surendetté et n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu ; que le budget mensuel ne permettrait d’ailleurs pas de consacrer des sommes même faibles à un échéancier de remboursement ; qu’en admettant que M. Yves B... ait perçu 197 000 F (30 032,45 Euro) correspondant à ses droits dans l’actif successoral de son père après le décès de celui-ci, la situation du foyer paraît néanmoins très difficile et il n’est pas établi ni même allégué qu’il possède encore ces capitaux ; que dans ces conditions il n’y a pas lieu à récupération de la créance de l’aide sociale à l’encontre de M. Yves B... ; qu’il y a lieu dans ces conditions de remettre la créance de celui-ci ; que par suite il n’y a lieu de statuer sur ses conclusions aux fins et sursis à exécution lesquelles auraient été d’ailleurs irrecevables en l’absence de texte conférant un tel pouvoir à la présente juridiction ;
    Considérant que les sommes qui auraient été versées en exécution des décisions attaquées au-delà de ce qui est décidé ci-dessus seront remboursées aux intéressés ;

Décide

    Art.  1er.  -  Il y a lieu à récupération sur MM. Patrice, Franck et Jérôme B... et Mme Carole V... au titre de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale à hauteur de la moitié des sommes réclamées par les décisions attaquées ; les sommes déjà versées au-delà du montant maintenu sont remboursées.
    Art.  2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Yves B...
    Art.  3.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale en date du 10 septembre 2001 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Nancy I en date du 4 avril 2001 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire aux articles premier et deux.
    Art.  4.  -  Les surplus des conclusions des requêtes des consorts B... est rejeté.
    Art.  5.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2003 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 9 janvier 2004.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer