Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Retour à meilleure fortune
 

Dossier no 022435

M. C...
Séance du 30 janvier 2004

Décision lue en séance publique le 24 février 2004

    Vu le recours formé par M. Sylvain C..., en date du 4 juin 2002, tendant, en premier lieu, à l’annulation de la décision du président du conseil général du Tarn-et-Garonne prononçant la récupération des sommes versées par l’aide sociale au titre du retour à meilleure fortune et à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn-et-Garonne en date du 31 janvier 2002, ramenant le montant de la récupération à hauteur de 23 776,53 Euro, en second lieu, à ce qu’il soit décidé de ne pas effectuer de récupération au titre du retour à meilleure fortune, en dernier lieu et subsidiairement, à accorder une remise totale de la somme demandée ;
    Il soutient que la commission départementale a entaché sa décision d’une omission à statuer, en ne se prononçant pas sur le moyen tiré de ce que le président du conseil général ne pouvait pas fixer lui-même le montant de la récupération, sans avoir sollicité la commission d’admission ; que le produit d’une épargne volontaire, dont l’importance n’est liée qu’à la durée d’immobilisation du capital, ne peut être considéré comme un retour à meilleure fortune ; que la récupération du produit d’un placement permettrait de prendre celui-ci à un double titre, dès lors qu’il est également comptabilisé dans les revenus retenus pour le calcul de l’allocation compensatrice ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, en date du 26 septembre 2002, présenté par le président du conseil général du Tarn-et-Garonne, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la commission départementale a souligné l’information tardive du département par la mère et curatrice de M. Sylvain C... ; que la revalorisation du capital perçu par l’intéressé, qui représente un montant proche du montant des frais avancés par le département, aurait du être entièrement reversé, M. Sylvain C... continuant alors à bénéficier de l’allocation compensatrice et conservant un capital disponible de 108 300,16 Euro ; que la mère de l’intéressé ne peut prétendre garder ce capital pour garantir l’avenir de son fils, puisque celui-ci conserve le bénéfice de l’allocation compensatrice et peut bénéficier d’une aide sociale en cas de placement en établissement spécialisé ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 novembre 2003, présenté pour M. Sylvain C..., qui reprend certains moyens de sa requête ; il soutient en outre qu’il n’avait pas à informer le département de la perception du capital et du revenu qui en a découlé, dans la mesure où, d’une part, ce capital, accordé en réparation d’un préjudice corporel, ne peut donner lieu à récupération et, d’autre part, ce revenu, non imposable, ne peut être pris en compte pour le calcul de l’allocation compensatrice ; que le fait de pouvoir bénéficier ultérieurement d’un accueil en établissement spécialisé n’est pas de nature à interdire l’épargne volontaire et à autoriser une récupération ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 3 octobre 2003, informant les parties de la date de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 janvier 2004, M. Peronnet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « Des recours sont exercés par le département à l’encontre, notamment, du bénéficiaire de prestations d’aide sociale revenu à meilleure fortune » ; que l’allocation compensatrice est au nombre de ces prestations ; qu’aux termes de l’article 4 du décret du 15 mai 1961, « Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission d’admission (...) » ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale a omis de statuer sur le moyen d’ordre public et au demeurant soulevé par M. Sylvain C..., tiré de ce que le président du conseil général du Tarn-et-Garonne ne pouvait pas fixer lui-même le montant de la récupération, sans avoir saisi pour décision la commission d’admission ; que, dès lors, sa décision est entachée d’irrégularité et doit, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête mettant en cause sa régularité, être annulée ;
    Considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale d’évoquer et de statuer sur la demande ;
    Considérant que le dossier fait état de « la décision du président du conseil général du Tarn-et-Garonne en date du 19 juillet 2001, qui a prononcé la récupération des sommes avancées par l’aide sociale pour une allocation compensatrice versée depuis le 1er août 1991, à M. Sylvain C... au motif d’un retour à meilleure fortune » ; qu’il ne ressort pas des pièces dudit dossier que la commission d’admission ait été amenée à statuer sur cette récupération ; que, dès lors, M. Sylvain C... est fondé à soutenir que ladite décision du président du conseil général du Tarn-et-Garonne a été prise par une autorité incompétente et doit, pour ce motif, être annulée ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Sylvain C... bénéficie de l’allocation compensatrice depuis le 1er août 1991 ; qu’à ce titre la créance départementale s’élève à un montant de 519 8879,48 F (79 255,12 Euro) du 1er août 1991 au 30 juin 2001 ; qu’à la suite d’un accident de la circulation survenu le 14 février 1990, il a perçu en 1993 un capital de 720 000 F (109 763,29 Euro), à titre d’indemnité, de sa société d’assurance ; que cette somme a été immédiatement placée dans un contrat de capitalisation à prime unique, souscrit pour une durée de huit ans et ayant procuré, à son terme, un revenu de 516 464,63 F (78 734,53 Euro) ;
    Considérant que le versement d’un capital destiné à compenser le préjudice subi du fait d’un accident de la circulation qui est au surplus, en l’espèce, antérieur à l’octroi de l’essentiel des prestations allouées, alors même que l’existence du placement de ce capital n’a été connue du département que postérieurement, ne peut être regardé comme un retour à meilleure fortune au sens des dispositions précitées ; que si le retour à meilleure fortune, peut être le fait d’une augmentation du patrimoine aussi bien en capital qu’en revenus, l’accroissement du capital consécutif à son placement ne peut davantage en l’espèce caractériser un retour à meilleure fortune dès lors qu’il résulte, non de la disposition de revenus à la suite d’un transfert d’origine extérieure, mais d’une simple mesure de gestion du capital perçu dans les conditions susrappelées pour répondre aux besoins de la personne handicapée ; qu’à cet égard, le département ne peut utilement se prévaloir des possibilités ultérieures d’appel à l’aide sociale, notamment pour prendre en charge d’éventuels frais de placement en établissement spécialisé, pour fonder la récupération qu’il entend exercer ; qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande présentée devant la commission départementale d’aide sociale par M. Sylvain C... et d’écarter et les admettant même formulées, les conclusions du recours incident du président du conseil général du Tarn-et-Garonne devant la commission centrale d’aide sociale ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn-et-Garonne, en date du 31 janvier 2002, et la décision du président du conseil général du Tarn-et-Garonne, en date du 19 juillet 2001, sont annulées.
    Art. 2. - Il n’y a pas lieu à récupération des sommes versées à M. Sylvain C... au titre de l’allocation compensatrice.
    Art. 3. - Les conclusions du président du conseil général du Tarn-et-Garonne devant la commission centrale d’aide sociale sont rejetées.
    Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 janvier 2004 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, et M. Peronnet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 24 février 2004.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer