Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération  - Donation  - Assurance vie  - Modération  - Personnes handicapées
 

Dossier no 022422

Mme G...
Séance du 30 avril 2004

Décision lue en séance publique le 2 juin 2004

    Vu enregistrées les requêtes de M. Antoine G... en date du 4 mars 2002, et de Mme Espérance M... en date du 5 février 2002, tendant qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 20 décembre 2001, récupérant sur donation la somme de 25 256,96 francs (3 850,40 Euro), à l’encontre des bénéficiaires du contrat assurance vie souscrit par Mme Maria G... ;
    M. Antoine G... soutient qu’aux dires du courrier le conseil général semble porter atteinte à leur bonne foi quant au versement de 18 600 francs (3 850,40 Euro) sur le compte Ecureuil, projet de sa mère ; qu’il précise que ces placements ont été faits sur recommandation du conseiller financier de la Caisse d’Epargne en date du 29 mai 1999, bien avant l’hospitalisation de leur mère ; qu’ils ont toujours, selon les conseils du conseiller financier placés 98 000 francs (14 940 Euro), sur le livret A et 186 000 francs (28 355,52 Euro) sur Ecureuil Projet ; que leurs projets étaient de sécuriser l’argent et de le placer ; qu’ils n’ont en aucun cas agi dans le sens d’une donation comme il semble être entendu ; qu’il ajoute par ailleurs que le placement de 186 000 francs (28 355,52 Euro) ne comptait pas pour le calcul des droits de succession (le plafond étant loin d’être dépassé) ; qu’il souhaite que sa demande soit entendue ; qu’il ne peut supporter de telles accusations concernant la mémoire de sa mère ;
    Mme Espérance M... soutient qu’elle ne comprend pas les facteurs qui ont annulé la décision logique et humaine de la commission d’admission à l’aide sociale de Lunel ; que par deux courriers elle a expliqué les conditions pour lesquelles l’aide à été demandée pour sa mère, mais aussi les sacrifices effectués par les enfants pour rendre la vie de leur mère décente, en l’occurrence le renoncement à la part d’héritage venant de leur père lors de la vente du seul bien qu’était la maison de Lunel ; qu’elle ne comprend pas l’acharnement du conseil général à réclamer la somme de 25 256,96 francs, soit 8 418,92 Euro, pour sa part ; qu’ils parlent de récupérer sur donation alors qu’il s’agit d’une erreur du banquier qui a versé l’argent sur un contrat assurance vie au lieu du compte épargne ; qu’il lui semble qu’il ne faut pas retenir une donation alors que l’ensemble de l’héritage atteint juste 180 000 francs (part d’héritage plus assurance vie) ; qu’elle rappelle qu’ils n’avaient aucun intérêt, comme cela est suggéré, sachant qu’aucun recours n’est possible sur une succession avec pour héritiers directs les enfants (conformément à l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale et de l’article 39 II de la loi no 75-534 du 30 janvier 1975) ; que ce point est d’ailleurs confirmé par la nouvelle loi qui a supprimé tout recours sur héritage quel qu’il soit ; qu’elle souhaite la reconsidération non pas en termes de « versement exagéré » qui ne fait que desservir les héritiers pour un héritage assez modeste de 185 000 francs (28 203,07 Euro), par enfant, mais comme l’avait compris la commission d’admission à l’aide sociale ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Hérault en date du 23 septembre 2002 tendant au rejet de la requête par les moyens que, d’après la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale, un contrat d’assurance vie peut être qualifié de donation déguisée ; que dans sa séance du 20 avril 1998 concernant le département du Nord, la commission centrale d’aide sociale a précisé dans ses considérants « qu’une donation entre vifs qui consiste essentiellement dans l’aliénation gratuite que le disposant fait de tout ou partie de ses biens au profit d’une autre personne se distingue normalement de la souscription d’un contrat d’assurance vie ; que considérant toutefois que la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l’administration de l’aide sociale de rétablir, s’il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions d’aide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficultés sérieuses, d’une question préjudicielle ; qu’il leur incombe ainsi de constater que des primes versées dans le cadre d’un contrat d’assurance vie conclu au bénéfice d’un tiers constituent en réalité, en raison notamment de leur caractère manifestement exagéré et de l’absence d’aléa ; qu’il convient donc de rechercher si les primes versées dans le cadre du contrat assurance vie au profit de tiers constituent une donation en raison de leur caractère manifestement exagéré et de l’absence d’aléa ; qu’en l’espèce le fait que Mme Maria G..., gravement handicapée depuis plusieurs années, ait effectué un versement deux jours avant son décès, alors qu’elle était déjà hospitalisée, constitue une absence d’aléa ; qu’en outre il y a lieu d’admettre le caractère manifestement exagéré du versement effectué en raison de son montant (28 355,52 Euro, soit 186 000 francs, et de l’absence d’utilité pour Mme Maria G..., décédée le 5 juin 1999 ; que M. Antoine Garcia et Mme Espérance M... n’apportent pas d’éléments nouveaux ;
    Vu le mémoire en réplique de Mme Espérance M... en date du 8 février 2004, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’elle réitère sa bonne foi et qu’elle maintient qu’il n’a jamais été question de donation déguisée ; qu’elle tient d’ailleurs à signaler pour corroborer sa bonne foi qu’à la date des faits elle ne possédait pas procuration sur les comptes ouverts au profit de sa mère et ne pouvait effectuer la moindre transaction ; que malgré les querelles familiales internes elle est persuadée que ni son frère, ni sa sœur, Mme Danièle C..., n’ont pensé en quoi que ce soit effectuer une quelconque malversation financière ; qu’elle pense que l’un d’entre eux a été mal conseillé par le banquier ; qu’elle avait à deux reprises demandé à son frère et sœur de placer l’argent correspondant à la vente de la maison sur le livret A ; qu’il semblerait qu’ils aient attendu et même hésité au vu de la gravité de la maladie de leur mère qui, à deux reprises dans les cinq ans qui ont suivi son infirmité lourde, les avaient surpris par sa capacité à se rétablir ; qu’elle ne comprend pas comment on peut voir un quelconque dessein à cacher des finances alors qu’il s’agissait simplement d’assurer à sa mère âgée de soixante sept ans un avenir que l’on espère, même dans ces moments graves, comme étant toujours possible ; qu’elle soulève un deuxième point qui est la surprise sur les reproches que ce contrat d’assurance vie n’apparaisse pas dans la succession ; qu’aux dires de maître L..., notaire, il n’avait pas à apparaître puisque non taxable ; que cependant ce notaire signalait bien dans la procuration qu’il m’avait fait, parvenir que le conseil général était au courant de l’assurance vie de leur mère ; que, cela prouve bien que tout a été fait, par le notaire comme par la Caisse d’Epargne, dans la plus grande clarté auprès du conseil général ; que, concernant le courrier du conseil général de l’Hérault, il fait apparaître un recours à l’encontre de deux enfants de Mme Maria G... ; qu’il s’agit d’une erreur ; qu’elle signale que, s’ils sont deux à faire appel, ils sont en réalité trois enfants comme le prouve l’attestation de maître L... du 1er septembre 1999 et l’attestation de la Caisse d’Epargne de Lunel du 24 janvier 2004 ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code des assurances ;
    Vu la lettre du 12 janvier 2004, convoquant les parties à l’audience de la commission centrale d’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 avril 2004 Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Marie G... avait à l’âge de 60 ans souscrit un contrat d’assurance vie décès moyennant le versement d’une prime (frais compris) de 5 000 francs ; qu’atteinte à 63 ans d’une infection ayant entraîné sa totale dépendance et l’incapacité à gérer ses intérêts, elle dut, en 1998, vendre sa maison pour le prix d’environ 320 000 francs ; que les deux enfants (sur trois) ayant procuration pour gérer ses comptes versèrent la somme provenant du prix de la vente sur son compte courant ; qu’à l’initiative du troisième enfant ils envisagèrent, au début de 1999, de transférer les sommes dont il s’agit au livret A de Mme Marie G... ; qu’il n’est pas contesté que rendez-vous fut pris par les enfants de Mme Marie Garcia à l’établissement financier pour matérialiser l’opération pour le 29 mai 1999 ; que toutefois à la date du rendez-vous Mme G..., qui avait déjà subi auparavant plusieurs hospitalisations, était hospitalisée en réanimation médicale pour « détresse respiratoire » ; que, sur les conseils de l’établissement financier, les sommes furent en définitive placées le 3 juin 1999, pour 186 000 francs sur le contrat d’assurance vie ouvert en 1993, et pour 98 000 francs sur le livret A de Mme G..., le solde demeurant sur le compte courant ; que Mme G... est décédée le 5 juin 1999 ; que le président du conseil général de l’Hérault entend récupérer, par application de l’article 146-B du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable, le montant des arrérages d’allocation compensatrice versés de son vivant à Mme Marie G... par l’aide sociale à hauteur de 25 258,96 francs (3 885,40) Euro ;
    Considérant sans doute que si, comme le relève le président du conseil général, la stipulation pour autrui constituée par le contrat d’assurance vie peut être requalifiée par l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale en donation indirecte si dans les circonstances particulières de chaque espèce, elle démontre, en raison notamment de l’absence d’aléa lors du versement des primes et de l’importance du montant de celles-ci par rapport à celui des autres placements du stipulant ainsi que de l’intérêt pour ses bénéficiaires virtuels de l’opération réalisée, l’intention libérale du stipulant à l’égard du bénéficiaire, au cas d’espèces où le stipulant était hors d’état de manifester sa volonté et où les bénéficiaires avaient procuration de sa part, l’intention libérale s’apprécie dans la personne des mandataires ayant procuration pour gérer les comptes du stipulant compte tenu de l’intérêt effectif des intéressés à la date du versement de la prime à la stipulation dont la requalification est recherchée ;
    Considérant qu’il ressort des faits ci-dessus énoncés et des pièces fournies par Mme Espérance M..., dont l’authenticité n’est à aucun moment contestée que, d’une part, le montant de la souscription litigieuse s’élevait à 186 000 francs, alors qu’au décès de Mme Marie G... ses autres actif mobiliers (396 219 F) étaient de plus du double ; que, d’autre part, s’il est vrai que le transfert partiel litigieux du compte courant à un contrat vie décès désignant comme bénéficiaire les trois enfants est intervenu quelques jours avant le décès de Mme Marie G... alors qu’elle était hospitalisée dans un service de réanimation respiratoire, d’une part, il n’est pas contesté que l’intéressée âgée alors de 67 ans avait déjà subi des hospitalisations dans un état grave et avait survécu, d’autre part et surtout, à supposer même que ses chances de survie fussent néanmoins faibles le 3 juin 1999, ce que le dossier n’établit pas, les mandataires n’auraient eu, compte tenu du montant de l’actif successoral, qui était d’un niveau tel que pour l’application de la législation fiscale les droits de succession à charge de chacun des requérants auraient été insignifiants, s’agissant d’héritiers en ligne directe, aucun intérêt identifiable par la présente juridiction à une affectation à des primes d’assurance vie décès davantage qu’à un autre placement ; qu’il est ainsi clair que l’administration n’apporte pas la preuve de ce qu’un avantage a été accordé aux requérants dans une intention libérale dans le chef de Mme Marie G... du fait de la souscription litigieuse ; que c’est par suite à tort que les premiers juges se sont en l’espèce fondés sur l’existence d’une donation indirecte pour annuler la décision entachée d’erreur de droit de la commission d’admission à l’aide sociale de Lunel qui avait décidé qu’en aucun cas la stipulation pour autrui constituée par la souscription d’un contrat d’assurance vie décès ne pouvait être requalifiée en donation, en considérant que l’absence d’aléa était établie et justifiait la récupération ; qu’il n’y a lieu par suite à récupération à l’encontre de Mme Espérance M... et de M. Antoine G..., la récupération étant toutefois définitive à l’encontre de Mme C..., qui n’a pas relevé appel de la décision des premiers juges ;

Décide

    Art. 1er  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 20 décembre 2001 est annulée en tant qu’elle concerne Mme Espérance M... et M. Rolland G....
    Art. 2  -  Il n’y a pas lieu à récupération à l’encontre de M. G... et de Mme M... au titre de leur quote part d’un tiers chacun de la somme de 25 266,96 francs recherchée en récupération par l’aide sociale au titre des prestations versées à Mme G... leur mère.
    Art. 3  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 avril 2004 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 juin 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président : Le rapporteur :            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.Defer