Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Personnes handicapées. - Placement. - Ressources. - Participation financière
 

Dossier no 022059

M. M...
Séance du 24 mai 2004

Décision lue en séance publique le 7 juin 2004

    Vu le recours formé pour M. Arnaud M..., enregistré le 23 septembre 2002, au secrétariat de la Commission centrale d’aide sociale, tendant à la réformation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier en date du 14 mai 2002, qui a rejeté sa requête et maintenu, d’une part, la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Moulins en date du 3 mai 2001, prononçant la prise en charge de ses frais de séjour au foyer de vie de Moulins-Engilbert (Nièvre), d’autre part, la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Moulins en date du 13 septembre 2001, prononçant la prise en charge de ses frais de séjour au foyer de vie L’Envol à Moulins (Allier) ;
    Il soutient que pour considérer que l’allocation solidarité handicap versée par sa mutuelle devait être intégrée aux ressources faisant l’objet du prélèvement de 90 % prévu à l’article L. 132-2 du code de l’action sociale et des familles, la commission départementale s’est seulement référée à la définition que donne le dictionnaire du mot « ressource » et non à sa définition juridique ; que la loi no 75-534 du 30 juin 1975, qui a instauré l’allocation aux adultes handicapés, a pourtant donné une définition des ressources à prendre en compte, qui exclut, dans certaines conditions, les rentes viagères mentionnées au 2o de l’article 199 septies du code général des impôts ; que l’allocation solidarité handicap, qui a été constituée par les cotisations réglées par ses parents puis par lui-même, représente une indemnité ou rente n’entrant pas dans le calcul des ressources ; que la décision attaquée, qui n’a pas de précédent, a incité sa mutuelle à suspendre le versement de l’allocation, ce qui créé une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de cet avantage et va à l’encontre de la politique nationale menée en faveur des personnes handicapées ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, en date du 13 août 2003, présenté par le président du conseil général de l’Allier, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête est parvenue après l’expiration du délai de recours ; que les dispositions relatives à l’allocation aux adultes handicapés ne sont pas applicables en l’espèce ; que si les dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles prévoient qu’un minimum de ressources doit être laissé à la disposition des personnes handicapées hébergées et que ce minimum est majoré du montant des rentes viagères mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts, elles ne trouvent pas à s’appliquer à l’allocation solidarité handicap servie à M. Arnaud M...,qui ne répond pas aux caractéristiques des rentes mentionnées à l’article 199 septies ; que la suspension du versement de l’allocation solidarité handicap méconnaît le caractère subsidiaire de l’aide sociale ; que le département a pris en compte les frais de soins du requérant pour le calcul de sa participation ; qu’il a en outre modifié son règlement d’aide sociale pour augmenter les ressources nettes laissées aux personnes handicapées hébergées ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 mai 2004, présenté pour M. Arnaud M..., qui reprend les conclusions de sa requête ; il soutient en outre que son placement effectif au foyer de vie de Moulins-Engilbert n’a pris effet que le 6 mars 2000 ; que son recours est recevable, ayant été adressé par télécopie le 19 septembre 2002 ; que l’allocation solidarité handicap représente un secours équivalent à un remboursement de frais médicaux non pris en charge par la sécurité sociale et les organismes mutualistes ; que si des frais de pédicurie ont été admis en déduction de la participation en novembre et décembre 2002, ils ne sont plus pris en compte depuis la mise en place du nouveau règlement départemental d’aide sociale en janvier 2003 ;
    Vu enregistré le 18 mai 2004, le mémoire du président du conseil général de l’Allier persistant dans ses précédentes conclusions et les mêmes motifs et les motifs que les dates de prise en charge sont bien à Moulins-Engilbert du 6 mars 2000 au 3 février 2001, puis au foyer L’Envol à Moulins à compter du 5 février 2001 ; que Mme M...... a effectivement procédé à des déductions de différents frais après que le dossier de son fils est été soumis à l’appréciation de la commission départementale d’aide sociale conformément à la décision rendu mais n’a pas honoré la partie du contrat qui lui incombait, à savoir reverser 90 ‰ de la rente « contrat » ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code général des impôts ;
    Vu la lettre en date du 20 août 2003, invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la Commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 24 mai 2004, M. Peronnet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que, dans sa séance du 3 mai 2001, la commission d’admission à l’aide sociale de Moulins a prononcé l’admission à l’aide sociale de M. Arnaud M..., pour ses frais d’hébergement au foyer de vie de Moulins-Engilbert (Nièvre) du 6 mars 2000 au 3 février 2001, et fixé sa participation à hauteur du montant de l’allocation logement et de 90 % de ses autres ressources, y compris l’allocation solidarité handicap ; que par une autre décision du 13 septembre 2001, la commission d’admission a décidé une nouvelle prise en charge, dans les mêmes conditions, pour les frais d’hébergement au foyer de vie L’Envol à Moulins (Allier) du 5 février 2001 au 5 septembre 2004 ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté, par une décision en date du 14 mai 2002, les requêtes formulées pour M. Arnaud M... contre ces deux décisions ; que l’intéressé fait appel de cette dernière décision ;
    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le président du conseil général ;
    Considérant qu’en vertu de l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles « toute personne handicapée dont l’incapacité permanente est au moins égale au pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou qui est, compte tenu de son handicap, dans l’impossibilité de se procurer un emploi, peut bénéficier des prestations prévues au chapitre Ier du titre III du présent livre, à l’exception de l’allocation simple à domicile » ; que parmi ces prestations figure le placement en établissement d’hébergement au titre de l’aide sociale ; qu’aux termes de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles « les ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 % ; que toutefois, en vertu de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles applicable au litige à l’exclusion des textes relatifs à l’allocation aux adultes handicapés invoqués par le requérant, le niveau de ressources laissé aux personnes handicapées adultes admises en foyer d’hébergement est « majoré le cas échéant du montant des rentes viagères mentionné à l’article 199 septies du code général des impôts ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Arnaud M... perçoit une allocation solidarité handicap servie par la mutuelle des agents des impôts à ses adhérents dont le handicap est survenu avant leur vingtième anniversaire ; qu’en vertu des statuts et du règlement intérieur de cet organisme, cette allocation est attribuée aux personnes handicapées, sans règlement d’une cotisation spécifique, en fonction de leurs ressources et du budget alloué à cette prestation ; que, dès lors, elle ne constitue pas une rente viagère mentionnée à l’article 199 septies du code général des impôts, versée en cas de décès ou en contrepartie de primes, en exécution d’un contrat d’assurance de la nature de ceux limitativement pris en compte par les dispositions précitées ; que, par suite, elle ne se trouve pas exclue de la prise en compte parmi les ressources de la personne hébergée pour le calcul de sa participation financière aux frais de son hébergement en foyer ;
    Considérant que la circonstance que la décision attaquée a incité la mutuelle des agents des impôts à suspendre le versement de l’allocation à M. Arnaud M... est sans incidence sur la légalité de ladite décision ; qu’il en est de même du moyen tiré de ce que cette décision créé une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de cet avantage et va à l’encontre de la politique nationale menée en faveur des personnes handicapées, dès lors que la prise en compte litigieuse résulte des termes mêmes de la loi (art. 48-2 de la loi du 30 juin 1975) ;
    Considérant toutefois qu’il appartient à la présente juridiction, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de se prononcer également sur les moyens invoqués devant la commission départementale d’aide sociale, auxquels le premier juge n’a pas répondu et qui n’ont pas été abandonnés par le requérant en appel ;
    Considérant que si le montant de l’allocation solidarité handicap est fixé chaque année par les instances de la mutuelle des agents des impôts, cette prestation constitue néanmoins un revenu régulier pour ses bénéficiaires au cours de l’année considérée, qui ne peut être regardé comme présentant un caractère de précarité et dont le montant d’ailleurs n’est pas négligeable ;
    Considérant que les revenus pris en compte en l’absence de disposition les excluant tant pour l’admission à l’aide sociale que pour la détermination du montant des ressources garanties de la personne admise, ne procèdent pas nécessairement d’une activité lucrative mais sont les revenus de toutes natures perçus par la personne handicapée tels par exemple une aide de fait ou des dons ; qu’ainsi la circonstance que l’allocation solidarité handicap était versée dans le cadre de l’action sociale d’une mutuelle à but social désintéressé est juridiquement sans incidence sur la possibilité pour l’aide sociale de la prendre en compte, alors même que la mutuelle a suspendu le versement de ladite allocation compte tenu de la position prise par le département de l’Allier ; que le juge de l’aide sociale ne peut en l’espèce se substituer à l’administration pour l’exercice d’une compétence gracieuse alors que l’administration elle même reconnaît en cours d’instance (cf. note AC sur la lettre MAI du 18 octobre 2001) que la position juridiquement envisagée alors paraît être « sévère » alors que la plupart des autres départements ne prennent pas l’allocation litigieuse en compte ; que la décision administrative attaquée étant prise dans l’exercice d’un pouvoir d’appréciation et non d’une compétence liée, il appartient mais il ne peut appartenir qu’à l’administration, si elle l’estime opportun, de prendre une décision gracieuse excluant l’allocation solidarité handicap des ressources prises en compte pour le calcul de la participation de l’assisté à ses frais d’hébergement, mais que le juge fut il de plein contentieux de l’aide sociale ne dispose pas d’un tel pouvoir ;
    Considérant par ailleurs, qu’en l’absence de dispositions plus favorables du règlement départemental d’aide sociale applicable, il n’appartient pas au juge de l’aide sociale de fixer le niveau de ressources garanti à la personne prise en charge à un montant supérieur à celui procédant de l’application du décret no 77-1548, le juge n’étant habilité par aucun texte à fixer le montant dont il s’agit à un niveau supérieur à celui garanti par les textes applicables s’agissant non d’un « plancher » mais bien d’un « plafond » de la garantie de ressources conférée à la personne handicapée ;
    Considérant qu’un « foyer occupationnel » et un « foyer de vie » relèvent de la même catégorie juridique des foyers d’hébergements pour adultes handicapés au sens de l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale devenu L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles suscité ; que la contestation introduite en réplique d’appel et procédant d’une méprise sémantico-juridique sur les différences prétendues entre le régime juridique des deux structures est sans objet ;
    Considérant qu’il n’est pas établi que durant la période d’application de la décision attaquée des frais dont la déduction aurait été prévue par les dispositions successivement applicables du règlement départemental d’aide sociale en sus de ceux pris en compte au titre des montants « d’argent de poche » successivement garantis aient été exposés par M. Arnaud M... ; qu’il n’est pas davantage établi qu’aux regard des dispositions ainsi successivement applicables les jours d’absences de M. Arnaud M... et le montant de sa participation en découlant auraient été inexactement appréciés par l’administration ; que d’ailleurs s’il avait versé aux gestionnaires des foyers une participation supérieure à celle légalement applicable en fonction des dispositions réglementaires successivement applicables il lui appartiendrait de solliciter de ceux-ci le remboursement des sommes ainsi indûment versées ;
    Considérant qu’il ne résulte ni des statuts, ni du règlement intérieur de la mutuelle des impôts, ni des modalités d’attribution de l’allocation que celle ci représente un simple remboursement de frais médicaux avancés par le bénéficiaire ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Arnaud M... n’est pas fondé à se plaindre de ce que par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de l’Allier ait rejeté sa requête et ait maintenu les décisions de la commission d’admission à l’aide sociale de Moulins des 3 mai 2001 et 13 septembre 2001, prononçant son admission à l’aide sociale et fixant sa participation aux frais de son hébergement en foyer à hauteur du montant de l’allocation logement et de 90 % de ses autres ressources, y compris l’allocation solidarité handicap ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. Arnaud M... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 mai 2004 où siégeaient M. Levy, président, Mme Jegu, assesseur, M. Peronnet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 7 juin 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer