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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Titre
 

Dossier no 002196

M. T...
Séance du 22 juin 2004

Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004

    Vu la requête, enregistrée le 11 août 2000 à la direction de la santé et de la solidarité du département de la Corse-du-Sud, présentée par Mme Jeanine C... ; Mme Jeanine C... demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 1er mars 2000 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande tendant à ce que soient déclarés non fondés les commandements de payer des 9 juillet 1996 et 7 janvier 1999 émis à son encontre par le payeur départemental de la Corse-du-Sud en vue du recouvrement de la somme due par elle au titre de la récupération, sur la succession de M. Dominique T..., son père, de la créance départementale née de l’admission de ce dernier au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite « Le Ciste », du 21 septembre 1988 au 31 janvier 1990, puis à l’hôpital de Bonifacio du 14 avril 1991 au 25 août 1995, date de son décès ;
    La requérante fait valoir que la décision du président du conseil général d’exercer le recours sur succession est tardive ; que les dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ne trouvent pas à s’appliquer lorsque, comme en l’espèce, le bénéficiaire avait un domicile de secours ; que le président du conseil général ne peut exercer aucun droit à récupération à son encontre dès lors qu’il n’a pas fait usage des pouvoirs qu’il tenait des articles 144 et 145 du même code lui permettant de demander au juge aux affaires familiales de fixer la dette des obligés alimentaires du bénéficiaire de l’aide sociale ; que l’obligation alimentaire ne peut être mise en œuvre après la mort du bénéficiaire ; que la circonstance que Mme Jeanine C... avait accepté la succession de son père n’est pas de nature à justifier l’exercice du droit à récupération sur ladite succession ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2000 par le président du conseil général de la Corse-du-Sud, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le département s’est borné à faire application des dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que M. Dominique T... a été régulièrement admis au bénéfice de l’aide sociale ; qu’il ignorait alors l’existence de Mme Jeanine C... ; que l’acquisition d’un domicile de secours dans un département est une des conditions légales de prise en charge au titre de l’aide sociale par ce département ; qu’en revanche, elle ne fait nullement obstacle à l’exercice du droit à récupération ouvert à la collectivité débitrice de l’aide sociale par les dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ; que Mme Jeanine C... a accepté la succession de son père en connaissance de cause ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que les parties ont été informées de ce que la décision de la commission centrale d’aide sociale était susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office ;
    Vu les nouvelles observations, enregistrées le 19 mai 2004, présentées par Mme Jeanine C..., qui reprend les conclusions de la requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le montant de la récupération de la créance départementale a été incompétemment fixé par le président du conseil général et non, comme l’exige l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 modifié, par la commission d’admission à l’aide sociale et, qu’ainsi, les commandements de payer litigieux ne sont pas fondés ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d’assistance, modifié par le décret no 61-495 du 15 mai 1961 ;
    Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961 modifiant certaines dispositions du code de la famille et de l’aide sociale ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 juin 2004, M. Crepey, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, aujourd’hui repris à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : « Des recours sont exercés par le département, par l’Etat, si le bénéficiaire de l’aide sociale n’a pas de domicile de secours, ou par la commune lorsqu’elle bénéficie d’un régime spécial d’aide médicale : (...) c) Contre le légataire (...) » ; que M. Dominique T... a été admis au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées au titre de la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite « Le Ciste », du 21 septembre 1988 au 31 janvier 1990, puis à l’hôpital de Bonifacio du 14 avril 1991 au 25 août 1995, date de son décès ; qu’il en est résulté, déduction faite du prélèvement légal sur ses ressources de toute nature et en l’absence de toute participation aux frais de ses obligés alimentaires, dont l’existence n’était alors pas connue du département, une créance d’aide sociale d’un montant de 252 912,83 F (38 556,27 euros) ; qu’à la suite du décès de M. Dominique T..., le département de la Corse-du-Sud a entendu exercer le recours sur succession prévu par les dispositions précitées du code de la famille et de l’aide sociale en émettant à l’encontre de Mme Jeanine C..., unique héritière de celui-ci, un titre exécutoire en date du 26 décembre 1995 en vue du recouvrement de cette créance ; que Mme Jeanine C... relève appel de la décision du 1er mars 2000 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande dirigée contre les commandements de payer en date des 9 juillet 1996 et 7 janvier 1999 qui ont été émis par le payeur départemental sur le fondement de ce titre exécutoire ;
    Considérant que l’ensemble des contestations relatives au recouvrement des sommes demandées à des particuliers en raison des dépenses exposées par une collectivité publique au titre de l’aide sociale, que ces contestations mettent en cause les bénéficiaires de l’aide sociale eux-mêmes, leurs héritiers et légataires ou d’autres personnes, ressortissent à la compétence des juridictions d’aide sociale instituées par les articles 128 et 129 du code de la famille et de l’aide sociale sous réserve, le cas échéant, des questions préjudicielles à l’autorité judiciaire pouvant tenir notamment à l’obligation alimentaire ; que ressortissent ainsi à la compétence de ces juridictions, non seulement les demandes tendant à l’annulation des titres de perception émis en vue du recouvrement des sommes en cause, mais aussi celles qui tendent à voir déclarer sans fondement les commandements de payer décernés, le cas échéant, par les comptables ayant pris en charge ces titres ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret du 15 mai 1961 modifié : « Les recours prévus à l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. (...) Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission d’admission » ; qu’il résulte de l’instruction que le montant du recours sur succession exercé par le département de la Corse-du-Sud à l’encontre de Mme Jeanine C... a été, en méconnaissance de ces dispositions, fixé par le président du conseil général lui-même et non par la commission d’admission compétente ; qu’ainsi, la créance litigieuse n’est, en l’état de la procédure, pas exigible ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, Mme Jeanine C... est fondée à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée du 1er mars 2000, la commission départementale d’aide sociale de la Corse-du-Sud a rejeté sa demande tendant à ce que soient déclarés non fondés les commandements de payer émis à son encontre par le payeur départemental ; qu’il appartient au département, s’il s’y croit fondé, d’engager une procédure de recours sur succession dans les conditions prévues par la loi ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Corse-du-Sud en date du 1er mars 2000 est annulée.
    Art. 2.  -  Il est déclaré que les commandements de payer émis à l’encontre de Mme Jeanine C... les 9 juillet 1996 et 7 janvier 1999 ne sont pas fondés.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 juin 2004 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, et M. Crepey, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer