Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Legs - Modération
 

Dossier no 021843

Mme R...
Séance du 16 juin 2004

Décision lue en séance publique le 7 octobre 2004

    Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2002 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentée par M. William R..., M. Bernard R..., Mme Marie-Josèphe K..., M. Christophe S... ; M. William R..., M. Bernard R..., Mme Marie-Josèphe K... et M. Christophe S... demandent à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 14 mai 2002 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a maintenu la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Montluçon du 6 septembre 2001 autorisant le département de l’Allier à récupérer de la somme de 1 783,10 euros à leur encontre en tant que légataires de Mme Marceline R... ;
    Ils soutiennent que dès lors que le patrimoine de leur grand-mère est inférieur à 300 000 F, les frais d’aide ménagère dont elle a bénéficié ne peuvent faire l’objet d’une récupération ; que l’existence d’un testament ne donne pas le droit au département de récupérer les sommes litigieuses ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2003, présenté par le département de l’Allier, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que Mme Marceline R... n’était pas sous mesure de protection des incapables majeurs, qu’elle pouvait donc s’administrer seule et solliciter les aides que son état justifiait sans l’accord de sa famille ; que les légataires n’évoquent aucune aide qu’ils auraient pu apporter à leur grand-mère ; que l’article L. 132-8 dans sa rédaction actuelle ne fait aucune distinction entre les légataires universels et particuliers ; que le recours est donc possible dans la mesure où le passif est pris en compte et où la récupération s’opère sur les sommes réellement disponibles ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 janvier 2004 à la commission centrale d’aide sociale, présenté par M. William R..., M. Bernard R..., Mme Marie-Josèphe K... et M. Christophe S... qui reprennent les conclusions de leur requête à l’appui des mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que le département de l’Allier a tort de les considérer exclusivement comme légataires, alors qu’ils sont tous héritiers ab intestat et que le testament se bornait à répartir les biens entre héritiers ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961 ;
    Vu les lettres en date du 29 décembre 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitaient être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 16 juin 2004, Mlle Herry, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Marceline R... a bénéficié de l’aide sociale aux personnes âgées sous la forme d’aide ménagère à domicile entre le 1er octobre 2000 et le 9 mai 2001, date de son décès, pour une créance totale de 1 783,10 euros ; que par un testament olographe du 26 juillet 2000, elle a institué comme légataires M. William R..., M. Bernard R..., Mme Marie-Josèphe K..., M. Christophe S..., ses quatre petits-enfants ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a confirmé la décision de la commission cantonale de Montluçon en date du 6 septembre 2001 autorisant le département de l’Allier à récupérer à l’encontre de ceux-ci sa créance d’aide sociale ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, devenu article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon les cas, par l’Etat ou le département » 1/  Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2/  « Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande/ c) contre le légataire » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de cet article : « en ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile (...) les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant le cas échéant l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article 4-1 du décret du 15 mai 1961 : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, des sommes versées au titre de l’aide sociale, des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier créé par la loi no 83-25 du 19 janvier 1983 s’exerce sur la partie de l’actif net successoral défini par les règles de droit commun qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement » ;
    Considérant que les dispositions du c) de l’article 146 précité du code de la famille et de l’aide sociale, devenu article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, doivent s’entendre comme visant uniquement la situation du légataire à titre particulier qui, à la différence du légataire universel ou à titre universel, n’est pas normalement tenu des dettes de la succession et auquel ne s’applique pas, par suite, l’exonération prévue au deuxième alinéa de ces dispositions ; qu’il résulte de l’instruction que M. William R..., M. Bernard R..., Mme Marie-Josèphe K... et M. Christophe S... doivent être regardés comme légataires à titre universel de leur grand-mère tenus personnellement des dettes et charges de la succession pour la part qu’ils y prennent ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient le département de l’Allier, ils sont fondés à se prévaloir des dispositions du deuxième aliéna de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles prévoyant que la récupération d’aide sociale ne s’exerce que sur la partie de l’actif successoral supérieure à 46 000 euros ; que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a autorisé le président du conseil général à récupérer à leur encontre la somme de 1 783,10 euros, alors que l’actif net successoral en cause était inférieur au seuil de 46 000 euros, en se bornant à relever l’existence d’un testament olographe ; que, par suite, il y a lieu d’annuler cette décision ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier en date du 14 mai 2002 est annulée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 juin 2004 où siégeaient M. Marette, président, M. Brossat, assesseur, Mlle Herry, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 7 octobre 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer