Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Personnes âgées - Placement - Ressources - Déduction
 

Dossier no 990728

Mme B...
Séance du 22 juin 2004

Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004

    Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2000 au secrétariat du service de l’aide sociale du département de la Côte-d’Or, présentée par Mme Denise B..., majeur sous tutelle, représentée par Mme Anne V..., gérante de tutelle du centre hospitalier spécialisé de la Chartreuse, à Dijon ; la requérante demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o  D’annuler la décision du 26 mars 1998 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recette émis par le département de la Côte-d’Or en vue du recouvrement de la somme due par la requérante au titre du prélèvement légal de 90 % sur ses ressources de toute nature à la suite de son admission à l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite d’Alise-Sainte-Reine (21150) ;
    2o  D’annuler la titre de recette litigieux ;
    Elle soutient que la commission départementale d’aide sociale n’a pas répondu à toutes ses conclusions ni à tous ses moyens ; qu’elle ne contestait pas la décision d’admission à l’aide sociale mais l’application qui en a été faite par le département de la Côte-d’Or ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations présentées le 7 octobre 1998 par le président du conseil général de la Côte-d’Or, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision d’admission de Mme Denise B... au bénéfice de l’aide sociale sous réserve du prélèvement de 90 % de ses ressources n’a pas été contestée ; que le président du conseil général possède un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser de déduire certaines dépenses de la contribution d’une personne à ses frais de placement en établissement, en considération de son état de nécessité et à la condition que ces dépenses présentent un caractère obligatoire ;
    Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2003, présenté en réponse à une mesure d’instruction par le président du conseil général de la Côte-d’Or ; il soutient qu’il n’existe pas de règlement sanitaire départemental en Côte-d’Or ; qu’il n’a pas connaissance de dépenses autres que les frais d’hébergement qui seraient à la charge de Mme Denise B... ; qu’afin d’alléger le travail des établissements d’accueil, le département acquitte la totalité des frais d’hébergement et se charge ensuite de récupérer auprès des personnes hébergées la contribution mise à leur charge à hauteur de 90 % de leurs ressources ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 ;
    Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 modifié ;
    Vu le décret no 54-1128 du 15 novembre 1954 modifié ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 juin 2004, M. Crepey, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 157 du code de la famille et de l’aide sociale, aujourd’hui repris à l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement » ; qu’aux termes de l’article 142 du code de la famille et de l’aide sociale, aujourd’hui repris à l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources de quelque nature qu’elles soient, à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l’aide sociale sont déterminées par décret (...) » ; qu’aux termes de l’article 5 du décret du 15 novembre 1954 modifié : « La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l’aide sociale aux personnes âgées (...) est fixée, lorsque le placement comporte l’entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi au franc le plus proche (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Denise B... a été admise au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite d’Alise-Sainte-Reine (21150), sous réserve du prélèvement légal sur ses ressources de toute nature ; que, pour l’application de cette décision de la commission d’admission du quatrième canton de Dijon, le département de la Côte D’or a pris en charge l’intégralité des frais d’hébergement de Mme Denise B... avant d’émettre à son encontre un titre de recette en vue de poursuivre auprès d’elle le recouvrement de la contribution due par elle au titre du second semestre de l’année 1996 en application des dispositions précitées de l’article 142 du code de la famille et de l’aide sociale ;
    Considérant qu’en rejetant, le 3 mars 1998, la requête de Mme Denise B... tendant à l’annulation du titre de recette litigieux au seul motif que l’acte qui lui était déféré ne faisait qu’appliquer une décision non contestée dans les délais réglementaires, la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or, qui n’a pas répondu au moyen d’erreur de droit soulevé devant elle, et qui n’était pas inopérant, a entaché sa décision d’insuffisance de motivation ; que, par suite, Mme Denise B... est fondée à en demander l’annulation ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Denise B... devant la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or ;
    Considérant que l’ensemble des contestations relatives au recouvrement des sommes demandées à des particuliers en raison des dépenses exposées par une collectivité publique au titre de l’aide sociale, que ces contestations mettent en cause les bénéficiaires de l’aide sociale eux-mêmes, leurs héritiers et légataires ou d’autres personnes, ressortissent à la compétence des juridictions d’aide sociale instituées par les articles 128 et 129 du code de la famille et de l’aide sociale sous réserve, le cas échéant, des questions préjudicielles à l’autorité judiciaire pouvant tenir notamment à l’obligation alimentaire ; que ressortissent ainsi à la compétence de ces juridictions les demandes tendant à l’annulation des titres de perception émis en vue du recouvrement des sommes en cause ;
    Considérant que l’état exécutoire litigieux n’était pas au nombre des actes qui sont visés à l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’il était insuffisamment motivé au regard des prescriptions de cette loi ne peut qu’être écarté ;
    Considérant, en revanche, que, pour la détermination des ressources du bénéficiaire de l’aide sociale devant, en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, être affectées, dans la limite de 90 %, au remboursement de ses frais d’hébergement, il y a lieu de déduire de l’ensemble de ses ressources de toute nature les charges qui revêtent pour elle un caractère obligatoire ainsi que celles qui sont indispensables à sa vie dans l’établissement, dans la mesure où elles ne sont pas incluses dans les prestations offertes par ce dernier ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pour déterminer le montant dû, au titre du second semestre de l’année 1996, par Mme Denise B... en vertu des dispositions de l’article 142 du code de la famille et de l’aide sociale, le département de la Côte-d’Or a refusé de déduire de l’assiette du prélèvement de 90 % sur les ressources de toute nature prévu par lesdites dispositions les sommes exposées par l’intéressé en vue, d’une part, de la couverture des frais de gestion de sa tutelle, d’un montant annuel de 969,27 F (147,76 euros) et, d’autre part, du paiement du forfait hospitalier dont elle a dû s’acquitter à la suite d’une hospitalisation, au cours de la période litigieuse, pour un montant total de 3 290 F (501,56 euros) ; que les frais de gestion de la tutelle présentent un caractère indispensable pour l’intéressée ; qu’il en va de même pour les frais résultant du forfait hospitalier dès lors qu’il n’est pas soutenu que Mme Denise B... aurait adhéré à une mutuelle qui aurait pu les prendre en charge ou obtenu l’aide médicale à ce titre ; que, par suite, la requérante est fondée à demander la réformation du titre de recette contesté en ce qu’il inclut ces dépenses dans les bases de liquidation de la dette exigible ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Côte-d’Or en date du 3 mars 1998 est annulée.
    Art. 2.  -  L’état exécutoire émis à l’encontre de Mme Denise B... en vue du recouvrement des sommes dues par elle au titre de sa participation personnelle à la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite d’Alise-Sainte-Reine (21150) au cours du second semestre de l’année 1996 est réformé en ce qu’il ne déduit pas de l’assiette du prélèvement légal de 90 % sur ses ressources de toute nature les frais de gestion de la tutelle de Mme Denise B... et les dépenses exposées par elle en vue du paiement du forfait hospitalier dont elle a dû s’acquitter à la suite d’une hospitalisation.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 juin 2004 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, et M. Crepey, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer