Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Clause d’entretien ou de soins
 

Dossier no 042218

Mme S...
Séance du 28 février 2005

Décision lue en séance publique le 4 avril 2005

    Vu enregistrée le 7 mai 2001, au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, la requête de M. Michel L..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 13 février 2001, décidant une récupération à son encontre de la somme de 11 997,63 euros, en tant que donataire indirect de Mme Marie-Jeanne S..., décédée le 27 mars 1996, de son vivant bénéficiaire de l’aide sociale, par le moyen que la récupération sur donataire, diligentée à son encontre par le conseil général en tant que donataire indirect de la bénéficiaire de l’aide sociale décédée ne s’applique pas à son cas d’espèce, et par le moyen que la répétition de l’indu tentée, elle aussi, par le conseil général en récupération de sa créance est tout autant inopérante ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu la lettre en date du 19 octobre 2004, invitant les parties à l’instance à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 février 2005, Mme Ciavatti, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse XV, saisie par le président du conseil général de la Haute-Garonne, sur le fondement de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale, d’une demande de récupération de prestations d’allocation compensatrice avancées par l’aide sociale du 1er décembre 1990 au 31 juillet 1995 à Mme Marie-Jeanne S... en raison de la vente faite le 27 août 1990 à M. Michel L..., son concubin, de la nue-propriété de la maison dont elle était propriétaire pour 415 000 F dont 100 000 F antérieurement payés hors comptabilité du notaire et 315 000 F convertis en clause d’entretien et de soins, a, par décision du 18 octobre 1999, récupéré les prestations avancées pour 78 696,30 F à l’encontre de M. Michel L... ; que celui-ci a saisi la commission départementale d’aide sociale le 21 décembre 1999, en se bornant à faire valoir, que les dispositions fondant l’action de l’administration ne pouvaient en aucun cas trouver application s’agissant d’une vente ; que devant la commission départementale d’aide sociale, le président du conseil général a substitué à la base légale invoquée, dans sa saisine de la commission d’admission à l’aide sociale celle, combinée, de l’article 9-2 du décret du 2 septembre 1954 et de l’article 1376 du code civil, en faisant valoir que, l’allocation compensatrice ayant été sollicitée après la vente avec clause de soins et d’entretien, le paiement était indu, au regard du principe de subsidiarité de l’aide sociale ; que la commission départementale d’aide sociale, par la décision attaquée, a confirmé la décision de l’instance d’admission par substitution de base légale sur le fondement seul invoqué devant elle par l’administration ; que devant la commission centrale d’aide sociale M. Michel L... soutient, outre le moyen unique invoqué devant la commission départementale d’aide sociale, qu’aucun indu d’allocation compensatrice n’avait été versé à Mme Marie-Jeanne S... et que sur le fondement de l’article 146 b la seule existence d’une clause de soins et d’entretien dans un acte de vente ne pouvait fonder la récupération ; que l’administration devant la commission centrale d’aide sociale demande « soit le maintien de la qualification initiale du recours intenté par le conseil général de la Haute-Garonne (...), soit de lui substituer (...) un recours sur donataire » ; que toutefois, il résulte de ce qui précède que le « fondement initial » de la revendication du président du conseil général était l’article 146 b susrappelé et que c’est devant la commission départementale d’aide sociale, qui l’a accepté, qu’a substitué la base légale de la répétition de l’indu ;
    Sur la base légale retenue par la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant que s’applique à la répétition d’allocation compensatrice non l’article 9 du décret du 2 septembre 1954, mais l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, aujourd’hui abrogée et codifiée au code de l’action sociale et des familles ; que dans le cadre de l’application de ces deux articles, l’instance d’admission et le président du conseil général ne disposent pas du même pouvoir d’appréciation et d’ailleurs l’assistée des même garanties ; qu’en outre il ne ressort pas du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que M. Michel L... fut héritier de Mme Marie-Jeanne S... et fut tenu des dettes de celle-ci avant son décès ; qu’au surplus, d’ailleurs, contrairement à ce que soutient l’administration, Mme Marie-Jeanne S... n’avait pas formulé une demande frauduleuse d’allocation compensatrice au motif seul qu’elle n’avait pas informé le service de la vente litigieuse et qu’ainsi le délai de répétition de l’article 39 (deux ans) était expiré ; qu’ainsi et en tout état de cause la commission départementale d’aide sociale ne pouvait substituer la base légale de la répétition d’indu d’ailleurs au titre de l’article 1376 du code civil (M. Michel L... n’ayant pas « reçu » l’allocation compensatrice) à celle de la récupération contre le donataire ;
    Considérant qu’il y a lieu dès lors d’examiner le fondement initial de l’action de l’administration à nouveau invoqué en appel dans les termes susprécisés ;
    Sur la récupération contre le donataire ;
    Considérant qu’une vente peut, le cas échéant, être requalifiée en donation si elle est lésionnaire du vendeur et que l’acquittement d’une partie du prix sous forme de clause de soins et d’entretien avait le cas échéant en raison des conditions favorables à l’acquéreur qu’elle conduit à consentir, contribué à révéler l’existence d’une donation déguisée ;
    Considérant que la vente en nue-propriété de la maison de Mme Marie-Jeanne S..., née le 29 août 1921, par le vendeur et l’acquéreur sa concubine à M. Michel L..., né le 21 février 1956, s’est effectuée, moyennant le prix susrappelé de 415 000 F dont 100 000 F payés avant l’acte et 315 000 F convertis en clause de soins et d’entretien à sa concubine par M. Michel L..., tenu de « loger, chauffer, éclairer, nourrir, entretenir, vêtir, blanchir et soigner tant en santé qu’en maladie » la venderesse, les soins médicaux à charge s’entendant toutefois de ceux seuls non pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie et la mutuelle de Mme Marie-Jeanne S... ;
    Considérant, d’une part, que M. Michel L... établit comme il en a la charge, s’agissant d’un paiement hors comptabilité du notaire, qu’à la date de l’acte il avait payé sur ses deniers en qualité de caution au moins 100 000 F en remboursement de prêts contractés en 1980 pour l’achat de la maison par Mme Marie-Jeanne S... et reportés page 3 de l’acte de vente ; que d’ailleurs ces paiements se sont poursuivis jusqu’au décès de celle-ci et non seulement comme le soutien l’administration après celui-ci, en raison de ce que le paiement avait été assuré au titre de l’invalidité et du décès dans le seul chef de la caution et non de l’acquéreur ;
Considérant, d’autre part, que l’allocation compensatrice pour tierce personne au taux de sujétions de 60 % dont bénéficie Mme Marie-Jeanne S... avait pour objet de compenser l’aide nécessaire soit pour un ou plusieurs, soit pour la totalité des actes essentiels de l’existence dans les conditions prévues à l’article 4 du décret no 77-1549 du 31 décembre 1977 ; qu’il n’est pas allégué qu’à la date où est intervenu l’acte de vente, Mme Marie-Jeanne S... avait déposé une demande d’allocation compensatrice et qu’en tout cas les parties ne pouvaient avoir connaissance de la suite qui avait été donnée, la COTOREP n’ayant statué que le 15 octobre 1991, et le président du conseil général le 31 décembre 1991 ; qu’au surplus la clause d’entretien et de soins portait sur un objet bien plus étendu que celui auquel selon l’article 4 susrappelé pourvoit l’allocation compensatrice et que l’administration n’allègue même pas que M. Michel L... ne se soit pas acquitté des obligations qu’à ce titre il contractait, alors que Mme Marie-Jeanne S... n’était âgée que de 69 ans (à quelques jours près) à la signature de l’acte, et qu’il n’est pas allégué qu’elle fut atteinte d’une affection au pronostic de nature à rendre peu probable l’exécution de l’obligation stipulée ; qu’ainsi, à supposer même, que l’allocation compensatrice ait eu vocation à se substituer pour partie à l’exécution de la clause en contrepartie de laquelle la vente avait été consentie et quelles qu’aient pu être par ailleurs les conditions effectives dans lesquelles M. Michel L... a pu s’acquitter de son obligation d’entretien alors que ses revenus étaient réduits et que ceux de sa concubine ne ressortent pas du dossier, lesquels ne sont en tout état de cause pas invoquées en réponse aux éléments fournis par M. Michel L... par l’administration qui a la charge initiale de la preuve, le président du conseil général de la Haute-Garonne n’établit pas que par suite de conditions très favorables pour M. Michel L... révélant une disparité manifeste des obligations des parties stipulées à l’acte de vente, celui-ci aurait présenté pour Mme Marie-Jeanne S... un caractère lésionnaire et ainsi révélé l’existence d’une donation déguisée au profit de M. Michel L... ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse XV en date des 13 février 2001 et 18 décembre 1999 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Michel L... des arrérages d’allocation compensatrice avancée à Mme Marie-Jeanne S... par l’aide sociale.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 février 2005 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Jégu, assesseur, Mme Ciavatti, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 avril 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer