Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie - Qualification de l’acte
 

Dossier no 042212

Mme D...
Mme D...
Mme C...
Séance du 12 août 2005

Décision lue en séance publique le 24 août 2005

        Vu les requêtes présentées les 18 avril, 6 mai et 2 juillet 2003, par Mmes Hélène D..., Danielle C... et Gisèle D... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler le décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne du 18 février 2003 maintenant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Boulogne-sur-Gesse du 9 avril 2001, de recours contre donataires à la suite du décès de M. Léonce D..., bénéficiaire de son vivant de l’aide sociale ;
        Vu le mémoire en défense en date du 17 juin 2004, du président du conseil général de la Haute-Garonne, tendant au rejet de la requête par les motifs que l’action de l’administration n’est pas limitée par une utilisation stricto sensu de l’article L. 132.8 du code de l’action sociale et des familles compte tenu de la jurisprudence applicable ; que la jurisprudence de droit civil a expressément et intrinsèquement requalifié les contrats d’assurance vie par capitalisation en donation indirecte ; qu’en l’espèce l’état de santé de M. Léonce D... ne présageait pas une espérance de vie permettant à terme le bénéfice du capital investi par sa tutrice ; qu’il s’agit d’une pure libéralité dépourvue de contrepartie et de tout aléa sérieux ; que l’administration n’a jamais été informée de l’héritage perçu par M. Léonce D... dont Mme Danielle C... a placé une partie au sein du contrat d’assurance vie litigieux ; que la commission d’admission à l’aide sociale de Boulogne-sur-Gesse a opéré une réduction substantielle de la créance du conseil général puisque toutes les dépenses ponctionnées sur le contrat d’assurance vie ont été prises en compte ;
        Vu, enregistré le 4 mai 2005, le mémoire en réplique de Mme Hélène D... exposant que le 31 janvier 1995 M. Léonce D... était en parfaite santé et que sa sœur Mme Danièle C... était de bonne foi ;
        Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en réplique de Mme Gisèle D... exposant que sa sœur Mme Danièle C... était de parfaite bonne foi et que M. Léonce D... n’a été hospitalisé que début décembre 1999 et est décédé le 2 mars 2000, la cause de son décès n’ayant aucun rapport avec le fait qu’il avait une carte d’invalidité, puisqu’il est décédé trois semaines après sa première chimiothérapie ;
        Vu la décision attaquée ;
        Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
        Vu le code de l’action sociale et des familles ;
        Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
        Vu le code de la sécurité sociale ;
        Vu la lettre en date du 5 avril 2005, invitant les parties à l’instance à se présenter à l’audience ;
        Après avoir entendu, à l’audience publique du 12 août 2005, Mme Giletat, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
        Considérant qu’il y a lieu de joindre les requêtes susvisées relatives à une récupération contre les donataires de M. Léonce D... ;
        Considérant que l’administration est en droit de requalifier en donation indirecte un contrat d’assurance vie décès dès lors qu’elle établit l’intention libérale du stipulant à l’égard du bénéficiaire de second rang, alors même que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ne mentionne pas expressément les contrats dont s’agit non plus que les donations indirectes ou déguisées ;
        Considérant que la circonstance qu’une faculté de rachat soit stipulée au contrat n’interdit pas la requalification si au décès du stipulant le bénéficiaire accepte le versement du promettant, une telle acceptation rétroagissant à la date de la signature du contrat ;
        Considérant en tout état de cause que la circonstance que l’administration ait ou non informé l’assisté et sa famille de l’éventualité d’une récupération est sans incidence sur la légalité et par elle même et à elle seule sur le bien fondé de la récupération ; que la bonne foi de Mme Danièle C..., tutrice de son frère de son vivant est également sans incidence sur le présent litige ;
        Considérant que la donation indirecte litigieuse étant le fait du frère de Mme Danièle C... la circonstance que leur mère n’ait en aucun cas envisagé une donation au bénéfice de cette requérante est inopérante ;
        Considérant que la circonstance que le placement récupéré aurait été imposé à la tutrice par le juge des tutelles est elle aussi sans incidence sur la légalité et le bien fondé de la récupération ;
        Considérant qu’il n’y a pas lieu pour le juge de répondre à des moyens qu’entendrait formuler Mme Danièle C... par référence à un « dossierci-joint » qui comporte de nombreuses pièces et d’autres mémoires au stade antérieur de la procédure ; qu’il appartient aux requérants de préciser leurs moyens dans leurs requêtes et mémoires ;
        Considérant qu’il n’appartient pas au juge de l’aide sociale d’apprécier la responsabilité du notaire, de la banque ou du juge des tutelles dans la situation créée par la souscription du contrat en l’absence d’information par ces instances de l’éventualité d’une récupération ;
        Considérant toutefois qu’en réplique Mmes Hélène D... et Gisèle D... se prévalent de l’importance de l’aléa lors de la souscription du contrat par M. Léonce D... leur frère alors âgé de 59 ans ;
        Considérant que ce moyen est recevable même si la requête qui pouvait l’être jusqu’à la clôture de l’instruction n’était pas motivée ; qu’en outre la forclusion de la requête de Madame D... ne ressort pas du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale ; qu’enfin ce moyen est de nature, s’il est fondé, à entraîner qu’il soit fait droit aux conclusions non seulement de Mmes Hélène D... et Gisèle D... mais de Mme Danièle C... compte tenu de la jonction des instances qui a été plus haut décidée ;
        Considérant que compte tenu de l’âge qui était celui du stipulant lors de la souscription du contrat et de ce qu’il n’est en rien établi qu’il fut atteint d’une affection comportant un pronostic vital réservé à brève ou moyenne échéance, le contraire, qui est précisé en réplique, notamment par Madame D..., n’étant d’ailleurs pas contesté, le président du conseil général de la Haute-Garonne n’établit pas l’intention libérale de M. Léonce D... lors de la souscription du contrat, la probabilité de l’affection survenue en 1999 ayant entraîné le décès le 2 mars 2000 n’étant alors nullement avérée ; que s’il est vrai que la prime versée est de 9 573,32 euros et que les liquidités au décès sont de 162,55 euros il résulte de l’instruction que d’une part le contrat a été souscrit avec l’accord du juge des tutelles pour l’affectation du capital perçu par M. Léonce D... lors du décès de sa mère qui avait souscrit en sa faveur un contrat de même nature ; d’autre part, que la gestion du contrat souscrit a été effectuée du vivant du souscripteur dans l’intérêt financier et patrimonial de ce dernier ; que dans l’ensemble de ces circonstances le seul fait de la proportion entre le montant de la prime et le montant de l’ensemble des liquidités à l’actif de la succession n’est pas à lui seul de nature à établir l’intention libérale de M. Léonce D... au bénéfice de ses sœurs et frère et qu’il y a lieu de faire droit aux conclusions des requérantes, seules appelantes ;

Décide

        Art. 1er.  -  A hauteur de leurs quote-parts dans le versement du capital perçu à raison de la souscription par M. Léonce D... d’un contrat d’assurance vie décès le 3 janvier 1995, il n’y a lieu à récupération sur Mme Danièle C... sur Mme Hélène D... et sur Mme Gisèle D... des prestations avancées par l’aide sociale à M. Léonce D....
        Art.  2.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne et de la commission d’admission à l’aide sociale de Boulogne-sur-Gesse en date des 18 février 2003 et 9 mars 2001 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à la présente décision.
        Art.  3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
        Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 12 août 2005 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mme Giletat, rapporteure.
        Décision lue en séance publique le 24 août 2005.
        La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer